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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°566 - samedi 3 novembre 2007

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1 - chronique d'Evariste

1 - Face à des mobilisations déterminées, Sarkozy recule toujours!

L’éditorial du numéro 562 de Respublica, daté de mercredi 3 octobre, portait sur la victoire éclair du mouvement des taxis, première reculade de Sarko sur le front social. Il a suffit de quelques heures de blocage à Paris et dans certaines villes de province pour que les taxis remontés à bloc contre la détaxation des carburants, qui aurait entraîné un manque à gagner de plus de 3000 euros par chauffeur, obtiennent gain de cause. Dans la capitale, 6000 taxis avaient quasiment bloqué le centre de Paris et les accès aux aéroports. Le soir même, au ministère de l’Intérieur place Beauvau, le gouvernement renonçait à cette mesure et l’intersyndicale pouvait publier un communiqué de victoire. Cet épisode de lutte sociale a eu une couverture médiatique minimum pour éviter toute exemplarité.

La série des reculades continue de plus belle avec le mouvement des internes en médecine et celui des avocats contre la nouvelle carte judiciaire. Sur ces dossiers, se mélangent de justes revendications et des acquis corporatistes qu’une analyse fine permettrait de démêler. Cela dit, ces deux mobilisations se distinguent par une grande vivacité de la base, étudiants ou professionnels de la justice, qui n’hésite pas à manifester, à protester ou à occuper des locaux sans demander l’autorisation à quiconque, en particulier aux syndicats « représentatifs ». D’ailleurs, ces syndicats ne font que courir après le mouvement et négocier a minima pour éviter un débordement de la base.

Or, le gouvernement et l’Elysée cherchent par tous les moyens à calmer le jeu pour finalement … céder sur l’essentiel. Pour les internes en médecine, le non conventionnement des médecins qui refuseraient de s’installer dans certaines régions « sous-médicalisées » est renvoyé aux calendes grecques. Pour les avocats, on tente d’éteindre la grogne en proposant des indemnisations substantielles, évoquant même vers un régime spécial de départ à la retraite à 55 ans, un comble !

Quelle leçon pouvons-nous tirer de ces reculades en série du pouvoir politique ? Tout d’abord, Sarkozy craint avant tout une convergence des luttes car il a ouvert une multitude de fronts en même temps. Il sait que sa politique volontairement confuse peut conduire à un embrasement général. Il est donc prêt à céder sur ce qu’il considère comme des fronts secondaires pour rester fort sur le front principal, à savoir le mouvement des cheminots et plus généralement des fonctionnaires. Par ailleurs, sachant qu’il est déjà minoritaire parmi les moins de 60 ans, il hésite à réduire sa base sociale à laquelle appartiennent les avocats et les médecins. Notons ensuite que notre Omniprésident est plutôt démuni et sans ressources face à des mouvements qu’il n’a pas vu venir, qu’il n’a pas pu préparer en amont tant sur le plan politique que médiatique. Or, contrairement à 1995, le mouvement des cheminots est convenu et encadré par des organisations syndicales convoquées en permanence par le pouvoir. La grève de la base des cheminots ne constitue que le décor et non l’acteur principal sur la scène du mouvement. Sarkozy table sur la crainte de l’échec, intériorisée par les bureaucraties syndicales, pour déliter le mouvement, et tout ceci se joue dans un climat de suspicion lié à la divulgation fort opportune de l’affaire de la caisse noire du Medef.

Ainsi, tout est possible en novembre, à la condition de sortir du dispositif mis en place par le Sarkoshow. Le mouvement social doit retrouver sa spontanéité et sa créativité, reprendre confiance en sa force sans se laisser endormir par un jeu de rôle qui lui échappe. Car la plus grande force du pouvoir actuel réside bien dans la démission de ses adversaires.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - le non de gauche

1 - TCE-bis : Le coup d'Etat de Sarkozy fait trembler la direction du PS.

Le TCE est mort, vive le TCE !

On aurait pu croire que le projet d'Europe libérale aurait pris du plomb dans l'aile après le 29 Mai 2005, mais c'était sans compter le mal d'estomac de la commission européenne. Car de toute évidence, les nons français et néerlandais n'ont pas été digérés. Aussi, l'arsenal des communiquants et des légistes a été mis au chevet du TCE pour en sortir son jumeau. Commun en tout point, on y retrouve les mêmes principes qui ont entraîné son refus : statut de la BCE, principe de concurrence libre et non faussée, services publics congédiés, même illisibilité (255 pages ! ), même fonctionnement autocratique et anti-démocratique : le rôle des élus européens est diminué et le pouvoir de la commission européenne, non élue, est renforcé. De fait, l'Europe libérale est de retour et frappe à la porte de la France. Son grand ordonnateur, Valéry Giscard d'Estaing explique lui même la démarche (de la supercherie ! ) dans un article paru dans Le Monde (26 Octobre 2007). Édifiant !

Un débat démocratique confisqué

Toutefois, notre anglo-saxon de président ayant décidé de faire ratifier le traité par voie parlementaire, c'est un véritable coup d'état qui se prépare ! Cette fois-ci la leçon a été retenue : les Français ne verront même pas le texte entre leurs mains et il passera par voie parlementaire. Il faut se rappeler que le TCE aurait été adopté en 2005 par 93% des parlementaires si Jacques Chirac (dans un moment d'égarement peut-être... ) n'avait déclaré que le TCE ferait l'objet d'un référendum populaire. La suite est connue : un matraquage médiatique pour le oui (qui reste une des hontes les plus crasses de l'histoire des médias français), une prise de position quasi unanime des parlementaires, des sondages écrasant en faveur du oui plusieurs mois auparavant... Rien n'y fit : 54% de non, le TCE qui devait entériner l'Europe libérale est rejeté le 29 Mai 2005.

Aujourd'hui, un autre combat se profile pour la République : imposer un référendum populaire. Des pétitions circulent, il est impératif de les appuyer pour exiger que le peuple français ne soit pas déposséder de sa souveraineté. Comme en 2005, ce référendum est la possibilité du débat démocratique, de l'expression des citoyens, de statuer sur la légitimité d'un texte qui a pour vocation de s'appliquer à une nation tout entière. La défense des valeurs Républicaines de notre pays s'appuient sur la souveraineté du peuple. La dérive anglo-saxonne que les média et le nouveau pouvoir tente d'imposer passe inéluctablement par la minoration du citoyen qui ne devient plus un acteur. Le pacte républicain repose sur l'existence de citoyens. En évinçant la population d'une décision politique constitutionnelle, le président travaille à la destruction de nos valeurs et à la destruction du pacte républicain.

Les pétitions :

On notera le changement médiatique des derniers jours : déjà des sondages indiquant l'avis favorable des français circulent sur les ondes, de plus en plus de parlementaires se veulent rassurant et indiquent leur approbation. La campagne est bel et bien lancée.

Une seule mise en lumière dans ce tableau : le PS ! Ce nouveau traité européen est un véritable retour sur l'échafaud pour les dirigeants de ce parti. Une galère dont ils se seraient volontiers passés, et pour cause : Le congrès du Mans de Novembre 2005 avait institué que le PS reconnaissait le refus du TCE par les français. Ce même congrès précisait également que le PS s'opposerait à tout traité constitutionnel européen s'il ne faisait pas l'objet d'un référendum populaire... un vrai noeud coulant au cou des élus socialistes. Aujourd'hui, c'est l'heure des braves, et il n'y en a pas beaucoup. Les grandes discussions ne se font que sur la stratégie médiatique à adopter pour contourner le problème que posent les engagements du congrès du Mans. Du coup, la stratégie de l'abstention (défendue par Fabius) va bon train : le texte passerait avec les vois de la droite et on ne pourrait pas accuser les élus socialistes d'avoir voté « oui ». Cependant, certains ont ouvertement déclaré leur adhésion au projet de relookage du TCE, et François Hollande lui même a affirmé qu'il voterait oui à ce pseudo-nouveau traité. Au moins Sarkozy, lui, est un ennemi déclaré de la République...

Seuls Mélenchon, Dolez, Emmanuelli et quelques autres semblent être de vrais socialistes. Comme beaucoup de militants, hors du PS, mais aussi au sein du PS, ils demandent à ce que le TCE-bis face lui aussi l'objet d'un référendum. Les autres élus socialistes rampent, espérant que leur traîtrise politique ne sera pas trop vue ou n'en sera jamais « qu'une de plus ». Avec un peu de chance, se disent-ils, les électeurs auront oublié ce manque de parole pour les municipales de Mai 2008. Car elles approchent ces élections, à peine 7 mois ! Et il est fort possible que beaucoup n'aient pas oublié...

L'obtention d'un référendum est à ce titre l'occasion d'une clarification dans l'électorat de gauche. Rappelons que si 60% des militants du PS s'étaient prononcés en faveur du oui (certes, après une campagne interne bâclée), 60% de l'électorat socialiste avait voté contre le TCE, désavouant ainsi la direction du PS. La possibilité d'une fracture permanente avec l'électorat n'est donc pas négligeable. Une faille qui pourrait être exploitée lors d'un référendum sur le TCE-bis dans l'objectif d'une réelle recomposition d'une force politique à gauche.
Deux obstacles : le premier réside dans le PCF et la LCR qui ne proposent pour le moment que des recomposition autour d'eux-mêmes... excluant ainsi toute réelle recomposition, tant sur la force politique que sur le projet sociétal.
Le second est la direction du Parti Socialiste lui-même, qui a très bien perçu le danger, et pèsera de tout son poids pour qu'un référendum populaire sur le TCE-bis n'aie jamais lieu.

Aujourd'hui, il faut signer et faire circuler les pétitions réclamant un référendum, et se manifester auprès des députés.

 

Argumentaires et informations :

Guillaume Desguerriers

2 - Giscard dévoile la vérité !

Giscard avoue clairement que le dernier traité européen est la copie de la Constitution rejetée le 29 mai 2005. Nous reproduisons ci-dessous cette tribune.
La Rédaction

Tribune de V.G.E. parue dans Le Monde du 26.10.07 ; http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-971315@51-958156,0.html

"Les événements médiatiques du 18 octobre ont captivé l'attention du public, qui a semblé porter peu d'intérêt à l'accord intervenu à Lisbonne, au sein du Conseil européen, en vue de l'adoption d'un nouveau traité institutionnel. Pourtant beaucoup de Français, perturbés par le rejet du malheureux référendum de 2005, aimeraient comprendre en quoi le traité de Lisbonne diffère du projet de traité constitutionnel.
La différence porte davantage sur la méthode que sur le contenu. Le traité constitutionnel résultait d'une volonté politique exprimée dans la déclaration de Laeken approuvée à l'unanimité par les membres du Conseil européen : il s'agissait de simplifier les institutions européennes rendues inefficaces par les derniers élargissements, de mettre davantage de démocratie et de transparence dans l'Union européenne, et d'ouvrir "la voie vers une Constitution pour les citoyens européens".

Cet objectif se reflétait dans la composition de la Convention, qui regroupait des représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux, des gouvernements des Etats membres et de la Commission européenne. Et surtout ses débats étaient publics. Chacun pouvait peser le pour et le contre. Le projet de traité constitutionnel était un texte nouveau, inspiré par une volonté politique, et se substituant à tous les traités antérieurs.

Pour le traité de Lisbonne, ce sont les juristes du Conseil qui ont été chargés de rédiger le texte. Ils l'ont fait avec compétence et précision, en respectant le mandat qui leur avait été donné par le Conseil européen du 22 juin. Ils ont repris la voie classique suivie par les institutions bruxelloises, qui consiste à modifier les traités antérieurs par voie d'amendements : le traité de Lisbonne se situe exactement dans la ligne des traités d'Amsterdam et de Nice, ignorés du grand public.

Les juristes n'ont pas proposé d'innovations. Ils sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d'amendements aux deux traités existants de Rome (1957) et de Maastricht (1992).

ILLISIBLE POUR LES CITOYENS

Le traité de Lisbonne se présente ainsi comme un catalogue d'amendements aux traités antérieurs. Il est illisible pour les citoyens, qui doivent constamment se reporter aux textes des traités de Rome et de Maastricht, auxquels s'appliquent ces amendements. Voilà pour la forme.

Si l'on en vient maintenant au contenu, le résultat est que les propositions institutionnelles du traité constitutionnel – les seules qui comptaient pour les conventionnels – se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérées dans les traités antérieurs.

Je me contenterai de deux exemples : celui de la désignation d'un président stable de l'Union européenne, qui représente l'avancée la plus prometteuse du projet. Elle figurait dans le traité constitutionnel au titre des institutions et organes de l'Union. L'article 22 indiquait : "Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois", et l'article se poursuivait par 11 lignes décrivant le rôle de ce président.

Si l'on recherche cette disposition dans le traité de Lisbonne, on la retrouve dans l'amendement 16 au titre III du traité de Maastricht qui indique : "… un article 9B est inséré : le Conseil européen et son président"; paragraphe 5 : "Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois…", et le paragraphe se prolonge par 11 lignes décrivant à l'identique le rôle du président.

Le même exemple pourrait être cité concernant le rôle et l'élection du Parlement européen. L'article 9A du traité de Lisbonne reproduit au mot à mot l'article 20 du projet de traité constitutionnel.

La conclusion vient d'elle-même à l'esprit. Dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils. La boîte, elle-même, a été redécorée, en utilisant un modèle ancien, qui comporte trois casiers dans lesquels il faut fouiller pour trouver ce que l'on cherche.

Il y a cependant quelques différences. Trois d'entre elles méritent d'être notées. D'abord le mot "Constitution" et l'adjectif sont bannis du texte, comme s'ils décrivaient des maladies honteuses. "constitutionnel". Le concept avait pourtant été introduit par les gouvernements eux-mêmes dans la déclaration de Laeken (approuvée à l'époque par Tony Blair et Jacques Chirac).

Il est vrai que l'inscription dans le traité constitutionnel de la partie III, décrivant les politiques de l'Union, constituait sans doute une maladresse. L'apparence pouvait faire croire qu'il s'agissait de leur donner une valeur "constitutionnelle", alors que l'objectif était seulement de réunir tous les traités en un seul.

Et l'on supprime du même coup la mention des symboles de l'Union : le drapeau européen, qui flotte partout, et l'hymne européen, emprunté à Beethoven.

Quoique ridicules, et destinées heureusement à rester inappliquées, ces décisions sont moins insignifiantes qu'elles n'y paraissent. Elles visent à écarter toute indication tendant à évoquer la possibilité pour l'Europe de se doter un jour d'une structure politique. C'est un signal fort de recul de l'ambition politique européenne.

Concernant, ensuite, les réponses apportées aux demandes formulées notamment en France par certains adversaires du traité constitutionnel, il faut constater qu'elles représentent davantage des satisfactions de politesse que des modifications substantielles.

Ainsi l'expression "concurrence libre et non faussée", qui figurait à l'article 2 du projet, est retirée à la demande du président Sarkozy, mais elle est reprise, à la requête des Britanniques, dans un protocole annexé au traité qui stipule que "le marché intérieur, tel qu'il est défini à l'article 3 du traité, comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée".

Il en va de même pour ce qui concerne le principe de la supériorité du droit communautaire sur le droit national, dont le texte de référence reste inchangé dans le traité. En revanche, la France va pouvoir accroître de plus d'un tiers ses droits de vote au Conseil, grâce à la double majorité introduite par le projet de traité constitutionnel.

CONCESSIONS AUX BRITANNIQUES

Beaucoup plus importantes, enfin, sont les concessions faites aux Britanniques. La charte des droits fondamentaux – sorte de version améliorée et actualisée de la charte des droits de l'homme – est retirée du projet, et fera l'objet d'un texte séparé, ce qui permettra à la Grande-Bretagne de ne pas être liée par elle.

Dans le domaine de l'harmonisation et de la coopération judiciaires, la Grande-Bretagne se voit reconnaître des droits multiples de sortie et de retour dans le système. Bref, après avoir réussi à affaiblir les propositions visant à renforcer l'intégration européenne, comme le refus du titre de ministre des affaires étrangères de l'Union européenne, elle se place en situation d'exception par rapport aux dispositions qui lui déplaisent.

Le texte des articles du traité constitutionnel est donc à peu près inchangé, mais il se trouve dispersé en amendements aux traités antérieurs, eux-mêmes réaménagés. On est évidemment loin de la simplification. Il suffit de consulter les tables des matières des trois traités pour le mesurer !

Quel est l'intérêt de cette subtile manœuvre ? D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles, et au renoncement au vocabulaire constitutionnel.

Mais c'est aussi, pour les institutions bruxelloises, une manière habile de reprendre la main, après l'ingérence des parlementaires et des hommes politiques, que représentaient à leurs yeux les travaux de la Convention européenne. Elles imposent ainsi le retour au langage qu'elles maîtrisent et aux procédures qu'elles privilégient, et font un pas de plus qui les éloigne des citoyens.

La phase suivante sera celle des ratifications. Elle ne devrait pas rencontrer de grandes difficultés – en dehors de la Grande-Bretagne où un référendum aboutirait manifestement à un rejet –, car la complication du texte et son abandon des grandes ambitions suffisent pour en gommer les aspérités.

Mais soulevons le couvercle, et regardons dans la boîte : les outils sont bien là, tels que les avait soigneusement élaborés la Convention européenne, des outils innovants et performants : la présidence stable, la Commission réduite et recentrée, le Parlement législateur de plein droit, le ministre des affaires étrangères en dépit de sa casquette trop étroite, la prise de décisions à la double majorité, celle des Etats et celle des citoyens, et la Charte des droits fondamentaux la plus avancée de notre planète.

Le jour où des femmes et des hommes, animés de grandes ambitions pour l'Europe, décideront de s'en servir, ils pourront réveiller, sous la cendre qui le recouvre aujourd'hui, le rêve ardent de l'Europe unie.

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3 - Construction européenne : le peuple aux commandes

Depuis combien d'années entend-on nos dirigeants se plaindre du manque d'implication des citoyens français dans le processus de construction européenne ? Depuis combien d'années reproche-t-on aux français d'ériger l'Europe en bouc émissaire de tous leurs maux ? A longueur d'éditoriaux dans la plus belle presse chaque lecteur peut s'entendre reprocher son comportement pas trop timide vis-à-vis du parlement européen et de sa commission.
Mais alors que faire ? Etrangement beaucoup moins de leader d'opinions ni de politiques ne s'attellent à résoudre ce qui apparaît comme une catastrophe.

La complexité pour contourner l'expression des peuples

Le dernier traité fut issu d'une concertation, tractation devrais-je dire, entre les chefs d'Etat des 27 pays de l'UE. Au lieu de rechercher à trouver un intérêt général, une issue globale pour tous, les discussions se sont organisées en fonction des antagonismes nationaux, exacerbant les tensions nationalistes. Cette méthode ajoutait ainsi de la confusion du texte au point qu'un chef d’Etat européen a déjà pu le qualifier de « traité des notes de bas de pages ».

Cette complexité est même une arme pour éviter le peuple, les peuples. Le père de la Constitution européenne Valéry Giscard d’Estaing a d’ailleurs parfaitement résumé dans le Monde du 14 juin 2007 la méthode du nouveau traité : « Une dernière trouvaille consiste à vouloir conserver une partie des innovations du Traité constitutionnel, et à les camoufler en les faisant éclater en plusieurs textes. Les dispositions les plus innovantes feraient l'objet de simples amendements aux traités de Maastricht et de Nice. Les améliorations techniques seraient regroupées dans un Traité devenu incolore et indolore. L'ensemble de ces textes serait adressé aux Parlements, qui se prononceraient par des votes séparés. Ainsi l'opinion publique serait-elle conduite à adopter, sans le savoir, les dispositions que l'on n'ose pas lui présenter "en direct !" »

La lisibilité du texte par tous les citoyens revêt une importance capitale, puisque ce texte se trouvera dans notre constitution, fixant ainsi les règles du jeu démocratique. Sans comprendre les règles comment impliquer le peuple ? Sans les comprendre mais aussi sans en ayant tenu à l'écart le peuple de leur écriture.

Constituante et implication populaire

Nous avons déjà connu en France une méthode pour écrire une constitution pour le pays. Au cours d'une des plus belles périodes de notre histoire, la révolution française, le Tiers Etat, représentant du peuple s'est réuni en assemblée constituante. Méthode reprise en 1848 où l'assemblée a même pu entendre Victor Hugo s'exprimer.

L'Europe possède déjà une assemblée qui représentante tous les peuples, tous les courants de pensée politique. Que rêver de mieux ? En 2009, dans toute l'UE, chaque citoyen devra désigner ces députés européens à l'issu d'un débat démocratique, qui sera sans aucun doute riche. Donnons alors pour objectif que cette nouvelle assemblée se porte constituante et détermine enfin une constitution qui serait écrite via l'expression du peuple éclairé par un débat politique. Voilà comment résoudre, efficacement et simplement, le manque d'implication des peuples dans la construction européenne. Sûr que la participation aux élections seront importantes comme le montre déjà la forte volonté des peuples de trancher par référendum. Le texte discuté s'orientera vers la recherche d'un intérêt général puisqu'il n'existera pas d'unité nationaliste. On peut envisager des alliances droite et gauche, comme c'est le cas actuellement. Ainsi la politique triompherait des clivages nationalistes destructeur.

La méthode, un enjeu

La manière dont se construit une règle du jeu démocratique, une constitution, un traité européen auquel se réfère une constitution, n'est pas une simple effet de style, une forme institutionnelle équivalente à une autre. Elle est le produit d'une vision politique, d'une vision républicaine ou non.

Les débats, qui traversent le pays, à droite, à gauche et surtout au Parti Socialiste, montrent les tensions entre 2 visions : d'une part celle de la construction de l'Europe réservée à une élite dite « éclairée », faite de gens raisonnables et de belles personnes ; et d'autre part celle issue de l'implication de tous les citoyens dans l'élaboration de leur destin commun, autrement dit celles des républicains. Que chacun comprenne les règles du jeu démocratique, s'empare des outils et des institutions est un impératif.

Elus, nous voulons un référendum !

Exigeons un référendum et demandons à tous les députés et sénateurs de gauche de voter contre la ratification au congrès. Au-delà des pétitions nécessaires, l'interpellation des élus pour leur rappeler leur engament clair, comme celui du pacte présidentiel de Royal, la candidate de la gauche au 2nd tour, engagement auquel toute la gauche souscrivait : 91- Négocier un traité institutionnel soumis à référendum pour que l'Europe fonctionne de manière plus démocratique et plus efficace.

Thierry Duval

3 - combat laïque

1 - Le traquenard tendu par l'extrême-droite chrétienne

La récupération de l'affaire Truchelut par l'extrême-droite

Il y a de cela quelques semaines, des membres d'une organisation familiale laïque à laquelle j'appartiens, l'UFAL, signaient un communiqué de soutien à F. Truchelut. Ils se disaient scandalisés qu'elle ait été « traînée au tribunal » et prêts à tout faire pour qu'elle soit acquittée en appel.

Aujourd'hui ce texte ainsi que les noms de ses signataires circulent sur différents sites d'extrême-droite[1]. On peut y lire les villiéristes les plus réactionnaires séparer le bon grain de l'ivraie : les « bons laïques » (les signataires de ce texte de soutien) sont félicités pour leur courage tandis que les « mauvais laïques » (les membres ou les proches de la direction de l’UFAL qui ont expliqué les raisons pour lesquelles ils n'ont pas voulu, en dépit de leur horreur du voile islamique, soutenir F. Truchelut « sans condition »[2]) sont dénigrés. Et l'extrême-droite d'applaudir au triste spectable des divisions qui règnent sur cette question chez les militants laïques.

Les signataires de ce texte sont, pour la plupart d'entre eux, de bonne foi : ce sont des militants laïques et féministes sincères, qui, en signant ce communiqué, ont suivi leur premier mouvement. C'est parce qu'ils éprouvent une légitime horreur du voile islamique qu'ils ont soutenu F. Truchelut. Et pourtant, les faits sont là. En soutenant F. Truchelut sans condition, ils se prononcent, qu'ils le veuillent ou non, en faveur de l'interdiction du voile islamique dans la société civile : dans les parties communes des gîtes et des hôtels, mais aussi dans la rue, autant de lieux qui relèvent du même espace, à savoir l'espace civil. Ces signataires se retrouvent ainsi, à leur corps défendant, dans le même camp que l'extrême-droite villiériste dont il partage le mot d'ordre : débarrasser la société du voile islamique. S'ils sont de bonne foi, ils ne peuvent non plus ignorer qu'ils se trouvent désormais instrumentalisés par cette même extrême-droite, qui utilise cette légitime horreur du voile islamique dans la lutte qu'elle mène pour rechristianiser la société[3].

Qu'on ne se méprenne pas. Je ne suis pas en train d'assimiler ces signataires à l'extrême-droite. Il serait absurde de suspecter tous ces militants d'être des racistes anti-musulmans. Ces militants laïques et féministes ne sont pas devenus en une nuit des partisans de Philippe de Villiers. Je me garderai bien de lancer l'anathème. Et pour cause : je pense que la récupération à laquelle nous assistons aujourd'hui est l'effet d'une logique implacable qui dépasse les personnes. Cette logique conduit des militants d'une organisation familiale laïque à se faire enrôler, à leur insu, sous la bannière de l'extrême-droite chrétienne qui entend mener la guerre des civilisations contre l'intégrisme islamiste. Je n'accuse donc pas les militants dont les noms se retrouvent sur des sites d'extrême-droite d'être personnellement villiéristes. Je me propose d'établir la logique en vertu de laquelle ils sont devenus « villiéro-compatibles ».

La logique de l'islamogauchisme : comment la « laïcité ouverte » a servi de cheval de Troie à l'intégrisme islamiste

L'idée de guerre des civilisations, chère à G. W. Bush, repose sur l'opposition entre un nord riche et démocratique et un sud pauvre et islamisé, opposition que l'actuel président des Etats-Unis a toujours présentée comme un affrontement du Bien contre le Mal. On sait que Philippe de Villiers a fait sienne cette idée. C'était en effet l'une des rares « propositions » susceptibles de le distinguer du Front National qui a préféré, on s'en souvient, soutenir l'Iran contre les Etats-Unis.

Dans cette guerre des civilisations, chaque camp cherche à créer des alliances. Ce qui est fort remarquable, c'est que la constitution de ces alliances passe, à chaque fois, par une division au sein du camp des laïques.

Souvenons-nous de la façon dont l'un des représentants de l'intégrisme islamiste en Europe, à savoir Tariq Ramadan, est parvenu à s'attirer la bienveillance d'une fraction de la gauche engagée dans la lutte alter-mondialiste. Examinons les mécanismes qui ont rendu cette alliance possible. Elle a pu se sceller grâce à un sophisme : l'ennemi de mon ennemi est mon ami. L'ennemi étant le capitalisme mondialisé, l'intégrisme islamiste ayant déclaré la guerre au « Grand Satan », leurs représentants devenaient ipso facto respectables et leur obscurantisme exagéré. Cette alliance objective a enfanté une figure tourmentée, celle du néo-laïque : laïque intransigeant quand il s'agissait de lutter contre un intégrisme de droite ou venu du nord, celui-ci devenait tout à coup modéré et plein de scrupules face à l'intégrisme islamiste. C'est à la faveur du débat sur le voile islamique à l'école que le clivage est clairement apparu. Les néo-laïques défendaient la « laïcité ouverte », ce qui revenait à vouloir étendre le principe de tolérance à l'école publique[4]. Sous couvert d'ouvrir la laïcité, ils la dénaturaient et en affaiblissaient le principe. Ils niaient qu'à l'école publique les élèves font l'apprentissage de la citoyenneté et sont de ce fait soumis au principe de laïcité, c'est-à-dire à l'obligation de neutralité. Non contents d'affaiblir la laïcité, les néo-laïques oeuvraient à la communautarisation du corps politique : ils refusaient de prendre en considération l'exigence républicaine d'une séparation entre la figure du citoyen et celle de l'individu empirique, séparation dont les élèves font l'expérience à l'école.

La logique de l'ultra-laïcisme : comment l'ultra-laïcisme sert de cheval de Troie à l'intégrisme chrétien

Examinons maintenant les mécanismes qui rendent aujourd'hui possible l'alliance objective entre certains militants laïques et l'extrême-droite catholique. On trouve, derrière cette alliance, le même sophisme qui a rendu possible l'islamogauchisme. Seuls les protagonistes changent. L'ennemi étant cette fois l'intégrisme islamiste, « l'ennemi de son ennemi » étant l'extrême-droite chrétienne, ces militants se retrouvent sur le même mot d'ordre : il faut interdire le voile islamique dans la rue. Tout comme l'islamogauchisme a produit la figure du néo-laïque, cette seconde alliance engendre la figure de l'ultra-laïciste[5]. C'est à la faveur de l'affaire Truchelut qu'est apparu le second clivage qui divise, une fois encore, le camp des laïques. Il ne s'agit pas, cette fois, d'étendre le principe de tolérance à la sphère de la puissance publique, mais, à l'inverse, d'étendre la laïcité à la société civile. Sous couvert d'étendre la laïcité, les ultra-laïcistes en dénaturent le sens, et l'affaiblissent tout autant que les partisans de la « laïcité ouverte ». Ils nient que dans la société civile les individus jouissent, dans les limites du droit commun, de cette liberté démocratique fondamentale qu'est la liberté d'afficher leurs particularismes. Non contents d'affaiblir le principe de laïcité en le dénaturant, les ultra-laïcistes remettent en question le principe qui régit toute société civile démocratique, à savoir le principe de tolérance, mais aussi la liberté inaliénable qui en découle, à savoir la liberté d'expression. Hier, il fallait défendre la sphère de la puissance publique contre les promoteurs de la laïcité ouverte. Il faut aujourd'hui défendre la société contre les promoteurs d'une laïcité intégrale. La laïcité a été, on le voit, le cheval de Troie de l'intégrisme islamiste. Elle est en passe aujourd'hui d'être celui de l'intégrisme chrétien. Les deux opérations reposaient sur le même sophisme. Elles passaient toutes deux par une dénaturation du concept de laïcité. Elles ont chacune produit un clivage dans le camp des laïques.

Sortir de la logique de la guerre des civilisations

La question qui se pose aux laïques est la suivante : l'horreur légitime que nous éprouvons à l'égard du voile doit-elle nous conduire, oui ou non, à lutter aux côtés de ceux qui, sous couvert d'un féminisme à géométrie variable, veulent rechristianiser la société ? Non. L'horreur du voile n'est pas un motif suffisant pour se laisser entraîner dans la guerre des civilisations.

L'horreur est une passion. Il est deux rapports possibles à une passion. On peut se laisser entraîner par elle en suivant son premier mouvement. C'est ce qu'ont fait les néo-laïques : la passion qui les animait était la culpabilité à l'égard de la « religion des pauvres ». Faute d'avoir été capables de réfléchir cette passion, de l'analyser et de s'en distancier, ils se sont laissés entraînés dans la logique de l'islamogauchisme. On sait ce qu'il leur en a coûté. Lorsque cette logique est arrivée à son terme, la contradiction est devenue manifeste : les organisations de gauche (anti-racistes ou alter-mondialistes) qui se retrouvaient dans le même camp que les promoteurs de l'obscurantisme et du totalitarisme ont perdu des militants. Les militants laïques auraient tort de céder à leur passion. Ils savent déjà ce qu'il en coûte à ceux qui ont suivi leur premier mouvement : se voir décerner la médaille du mérite laïque par des sites pour le moins nauséabonds.

Pour enrayer cette logique, il convient de clarifier notre position de principe et notre stratégie. Contre les promoteurs de la laïcité ouverte et contre les promoteurs de la laïcité intégrale, il convient de réaffirmer le principe d'une stricte laïcité : le principe de laïcité s'applique dans la sphère de la puissance publique et dans cette sphère seulement. La société civile et a fortiori l'espace privé sont régis par le principe de tolérance[6].

Il faut en effet rappeler aux partisans d'une laïcité intégrale qu'on ne saurait vouloir absolutiser la laïcité sans commettre un grave contresens. La laïcité n'est pas un absolu : elle n'est pas une fin en soi. Elle est un moyen : le moyen que la République s'est donné pour protéger le corps politique, c'est-à-dire le corps formé par les citoyens, des visées communautaristes. La laïcité, par conséquent, n'est pas une doctrine. Elle n'est pas une « arme anti-religion ». La laïcité opère comme un principe constitutif : elle permet de constituer un espace soustrait aux particularismes dans lequel les citoyens peuvent produire la volonté générale. Cela signifie-t-il que les laïques doivent abandonner le combat en faveur de l'émancipation et de la dignité des femmes ? Bien sûr que non. La stratégie que nous adoptons n'est tout simplement pas la même que celle des signataires de la pétition de soutien à F. Truchelut. Dans cette lutte, nous estimons qu'il faut distinguer ce qui relève du combat idéologique de ce qui relève du combat législatif. Demander au législateur d'interdire le port du foulard islamique dans la société civile serait liberticide. Demander qu'il applique la loi pour que la port de la burqua soit interdit dans la société civile est en revanche légitime. A partir du moment où le visage est entièrement voilé, l'individu n'est plus identifiable. Il y a donc transgression de ce principe fondamental du droit commun qu'est la sécurité. Il suffit de demander à ce que le droit commun soit appliqué. Si le combat contre le voile islamique ne saurait être un combat législatif, il n'en reste pas moins un combat idéologique que les laïques doivent mener. Ainsi, renoncer à faire usage de notre liberté d'expression en taisant notre horreur du voile islamique serait reculer face à l'obscurantisme. Aussi continuerons-nous à faire notre travail d'éducation populaire, en particulier dans les quartiers, pour convaincre les femmes de retirer leur voile.

Ne cédons pas à notre passion en nous laissant entraîner là où l'extrême-droite chrétienne rêve d'entraîner les laïques. Mais ne cédons pas non plus sur notre passion : continuons dans le champ social le combat en faveur de l'émancipation des femmes.

Notes

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[2] Sont expressement cités : Bernard Teper, Catherine Kintzler et Caroline Fourest.

[3] J'invite les plus incrédules à bien lire l'article de Nicole Dagnel publié dans Riposte laïque : ce texte sidérant atteste qu' à défaut d'être devenu villiériste, ce journal est bien devenu villiéro-compatible. Ils devraient s'étrangler en apprenant que « le christianisme est la religion dont procède, en grande partie, notre culture » et qu' « elle fait partie de notre « paysage », alors que l’islam est au contraire une religion exogène ». Hiérarchiser les religions à partir du critère du terroir, voilà qui ne devrait pas déplaire aux maurassiens. Dans cet article qui n'est pas sans rappeler le catéchisme de nos grands-mères, ils apprendront également qu'on a raison de dire des religieuses qu'elles sont de « bonnes » soeurs, puisqu'elles se consacrent « à soulager toutes les détresses », qu'elles « parlent d’amour, de charité, de pardon ». Les anti-cléricaux les plus virulents ne devraient pas résister à cet édifiant et touchant portrait de la bonne soeur dont la « réputation n’est pas usurpée, malgré une certaine entreprise de démolition orchestrée contre les religieuses dans leur ensemble ».

[4] On ne saurait trop conseiller de lire sur ce point l'analyse de C. Kintzler dans son ouvrage Qu'est-ce que la laïcité, Paris, Vrin, 2007.

[5] Article de C. Kintzler publié dans Respublica

[6] Il convient de clarifier la topologie en distinguant trois types d'espace : la sphère de la puissance publique (par exemple la salle d'un conseil municipal, l'Assemblée nationale, ou encore l'école publique), l'espace civil ou société civile (ce sont tous les lieux où l'individu peut, sous le regard d'autrui, jouir de ses droits : le droit de se déplacer, de commercer, etc. Par exemple : voie publique, halls de gare, commerces, musées, piscines, stades, restaurants...) et l'espace privé (ce sont tous les lieux où l'individu est à l'abri du regard d'autrui. Par exemple : chez moi, dans la chambre d'hôtel que j'ai payée, dans un club privé, etc.).

Marie Perret membre du Bureau National de l'UFAL

2 - A propos des réactions au procès du gîte des Vosges, quelques rappels de notions de base de la laïcité.

Commentaires sur l’article de Bernard TEPER « Qu’est-ce que la laïcité ? »

Ce principe (de laïcité) inscrit dans l'organisation sociale une ligne de séparation. Il sépare le champ de la société civile (ou de la sphère privée) et le champ de la sphère publique.
Cette phrase suppose qu’on confonde religions et société civile –puisqu’il s’agit de la séparation de la loi de 1905, fondement de la laïcité – que l’assimilation entre société civile et sphère privée soit évidente, qu’enfin on ait une claire vision de ce qu’est la sphère publique.

Sur la confusion religion(s)/société civile

C’est un grand sujet qui justifierait plusieurs colloques, notamment d’historiens. Mais allons à l’essentiel :
Si la loi de 1905 a séparé les institutions religieuses de l’Etat, elle n’a point mentionné la notion de « société civile ».
4 ans auparavant, la loi de 1901 avait créé les associations sans but lucratif, une loi de 1865 avait déjà créé le régime des sociétés commerciales, enfin la loi de 1884 avait reconnu les organisations syndicales, ces « partenaires sociaux », toutes ces organisations étant des composantes de la société civile « hors religions ».
Avec ces quelques exemples, il est donc abusif au plan législatif, de confondre société civile et religions.
Avec l’évolution vers la sécularisation constatée depuis, c’est encore plus vrai aujourd’hui, sociologiquement.
Il y a donc un abus de langage manifeste en confondant société civile et religion dans le monde d’aujourd’hui...
Une expression du petit père COMBES dont le vœu était, lors de la discussion de la loi de 1905, « la sécularisation complète de la société », correspond bien à l’état actuel de la société contemporaine.

Sur l’assimilation entre sphère privée et société civile

La sphère privée est pour partie « hors société » c’est la part de soi qu’un individu donné considère comme son intimité propre, et pour partie dans la société, pour tout acte quotidien ou non, qui implique des rapports de toute nature avec les autres (commerces, écoles, club sportifs, réseaux d’amis, associations, syndicats, etc…)
Toutes ces relations doivent-elles être systématiquement assimilables à des affaires privées ?
Ma réunion syndicale, mon activité associative, ou ma qualité de parent d’élève ne peuvent-elles pas s’inscrire dans des logiques collectives, dans l’espace public, beaucoup plus proches d’activités publiques que strictement privées ?
La distinction entre privé et public devient donc aléatoire à partir d’un certain degré de « collectif » dans les activités.
D’ailleurs, dans la société civile, toute une série d’activités collectives sont qualifiées de « publiques » : par exemple un appel public à l’épargne pour financer un projet d’investissement par une entreprise ou publique ou privée, les grandes manifestations publiques de contestations de décisions politiques, les évènements sportifs, ou encore les grandes émissions de télévision qui touchent un très large public. Les exemples sont innombrables.
Il est donc complètement erroné d’assimiler société civile avec affaires privées.
Il est vrai qu’en France la division du système juridictionnel en deux parties, les juridictions judiciaires et les juridictions administratives brouillent les analyses, mais ne remettent pas en cause le caractère public de toute une série de mouvements dans la société civile.
Et la laïcité dans tout cela ? On ne peut y retourner que par la définition de la sphère publique.

Qu’est-ce que la sphère publique ?

La laïcité est indissociable de décisions prises par l’autorité publique, politique ou administrative ou de gestion de services assurée par elle.
C’est dans la sphère publique convenablement définie, que s’applique le principe de neutralité de l’Etat, un des trois grands piliers de la laïcité française, avec la liberté de conscience et l’égalité des religions et convictions.
La sphère publique est l’espace aménagé où travaillent les agents publics –auxquels sont assimilés les personnels des sociétés délégataires de services publics. Ils y reçoivent du public, c'est-à-dire un nombre plus ou moins important de personnes privées, soit pour leur rendre un service de type industriel ou commercial (fourniture d’énergie, de services d’acheminement de courriers ou de soins hospitaliers….), soit pour l’exercice du pouvoir régalien de l’Etat (justice, finances, police et gendarmerie, armées… ou péages d’autoroutes). Dans ces derniers cas, il s’agit plus de puissance publique que de services publics. Il y a également le cas de l’école difficilement classable entre service public et puissance publique.
Toujours est-il que cette sphère publique est le lieu de rencontre des agents de l’Etat ou assimilés et des personnes privées de la société civile.
Les premiers sont soumis à l’obligation de respecter la neutralité de l’Etat, les autres sont complètement libres.
L’obligation de neutralité concerne à la fois le comportement des agents (propos, vêtements) et l’ornement des locaux qui ne doivent pas évoquer une appartenance religieuse. La sphère publique, cadre d’application de la neutralité de l’Etat, est donc en gros limitée à « l’espace institutionnel public ».
Mais il n’est pas question que ce principe de neutralité s’applique aux personnes fréquentant l’espace institutionnel public à titre de clients ou d’usagers. Et le reste de l’espace public hors institutions publiques n’est pas concerné par le principe de neutralité.

Le principe de laïcité exige que les élèves, parce qu'ils sont des libertés en voie de constitution, et non pas des libertés constituées, soient soumis à l'obligation de neutralité.
Les élèves ne sont pas soumis à l’obligation de neutralité en vertu du principe de laïcité, mais doivent tout simplement se plier aux règles de discipline de leur établissement scolaire.
On n’aurait d’ailleurs pas eu besoin d’une loi, celle du 15 mars 2004, si les traditions bien républicaines du respect du maître – se découvrir la tête en classe – ou si le port de l’uniforme – la blouse grise ou noire des élèves, sans parler du véritable uniforme en vigueur dans certaines classes publiques ou privées d’ailleurs – n’avaient pas, pour la plupart, sombré dans la modernité. C’est vraisemblablement une conséquence de la devise « du passé faisons table rase ». Les règlements intérieurs des établissements auraient dû ne pas oublier les règles de discipline de base, qui ont fait le succès de l’école de Jules FERRY.
Le raisonnement qui consiste à étendre le principe de neutralité aux usagers du service public n’est pas tenable. Il serait contraire à l’article 10 de la DDHC de 1789, qui n’admet de restriction à la liberté d’opinion que dans le cas de trouble de l’ordre public, ou, dans le cas discuté ici, d’entrave au fonctionnement du service public.
Ce principe de neutralité ne concerne donc que les agents du service public.
Les usagers conservent toutes leurs libertés, y compris dans l’espace institutionnel public, dès lors qu’ils ne contreviennent pas au bon fonctionnement du service public, tel qu’il devrait être défini dans le règlement intérieur, ou dans une charte (services hospitaliers par exemple).

Dans le cas du gîte des Vosges, il s’agit d’une affaire intervenue dans un espace commercial, qui ne relève donc pas d’un raisonnement au titre de la laïcité, puisque l’espace institutionnel public n’est pas en jeu et qu’aucun des protagonistes n’est soumis à l’obligation de neutralité.
Seule une interprétation au titre de la liberté de conscience dont doit jouir toute femme, voilée ou non, et de l’application, par les pouvoirs publics, ici le juge, du principe de non discrimination, peut fonder un jugement, ce qui a été le cas pour le tribunal correctionnel d’Epinal.
Qu’on soit pour ou contre le voile n’est jamais qu’une opinion parmi d’autres, mais la règle du jeu social s’imposant à chacun, a été parfaitement rappelée par le juge.

Moralité : La laïcité ne doit pas être « mise à toutes les sauces ». N’oublions pas qu’elle est un produit de la philosophie des lumières et qu’elle a été avant tout un processus d’émancipation individuelle, dans une société reconnaissant les droits des individus, c’est à dire une société sécularisée.

Michel CATUHE

4 - Développement Durable

1 - Grenelle de l’environnement : nouvelle politique paravent pour masquer les attaques néolibérales

Communiqué de Presse de l'UFAL

Depuis plusieurs années, la dimension environnementale est intégrée à la réflexion menée au sein de l’UFAL. Notre projet est de garantir le bien être social pour tous, aujourd’hui mais aussi demain. C’est pourquoi nous considérons que le combat social ne peut plus être dissocié du combat écologique. Mais c’est bien la liaison des deux que nous défendons, car pour nous, la finalité est l’Homme, et non pas la nature ou les profits des classes privilégiées.

L’UFAL considère que le Grenelle de l’environnement représente une avancée significative. C’est le signal fort qu’attendaient les citoyens et leur famille, et il sera désormais difficile de revenir en arrière, quels qu’aient pu être les intentions initiales et les calculs des organisateurs et des participants.

L’UFAL se félicite de l’adoption de mesures qu’elle réclamait comme l’annonce d’un plan de rénovation thermique de l’habitat existant, l’arrêt du cercle vicieux de l’augmentation de l’offre en matière de transports les plus polluants, la réduction de l’utilisation de pesticides en agriculture, la suspension de la culture commerciale des plantes OGM pesticides.
Mais il ne s’agit pour l’instant que d’annonces. Les actes doivent suivre et être à la hauteur de l’enjeu.
L’UFAL sera donc vigilante et suivra de près la mise en place des programmes opérationnels. De même, elle ne manquera pas d’interpeler nos parlementaires lors de la traduction législative de certaines mesures annoncées (transposition de la directive européenne sur les cultures OGM, loi d’orientation sur l’environnement).

Pour autant, L’UFAL relève une grave lacune dans les conclusions du Grenelle : l’absence d’avancée significative sur la fiscalité écologique. Or personne n’ignore que c’est un élément incontournable pour la mise en œuvre d’un développement durable.
L’UFAL est particulièrement mobilisée sur ce sujet parce qu’elle considère que cette fiscalité ne doit pas peser sur les plus faibles et aggraver les inégalités (ce qui arrivera si on applique certaines mesures défendues par les écologistes), et qu’elle ne doit pas être instaurée au détriment de la protection sociale (ce que cherche à imposer le patronat).
Le développement durable sera social ou ne sera pas.
Retarder d’affronter ce problème aujourd’hui, c’est menacer la démocratie de demain.

Voir cet article sur son site d'origine

L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

Christian GAUDRAY Responsable du secteur développement durable de l'UFAL

2 - Grenelle de l'environnement : le plan de Sarkozy

Le président Sarkozy n'est toujours pas en manque d'une idée lorsqu'il s'agit de diviser. Le grenelle de l'environnement est à cet égard une nouvelle preuve de cette même stratégie qu'il a appliqué avec succès au Parti Socialiste.

A première vue, la liste des mesures est pour le moins intéressantes :
redevance kilométrique pour les poids lourds (devant entraîner un regain d'intérêt pour le rail), taxe sur la pollution des véhicules particuliers, diminution de l'usage des pesticides, augmentation de la surface agricoles pour le bio, rénovation de l'isolation des logements et nouvelles normes de construction, augmentation de la part des énergies renouvelables pour atteindre 20 % d'ici 2020.

En convoquant un Grenelle sur l'environnement dans lequel il donne leur place aux associations, le président tisse avec elles un lien que la gauche actuelle a été incapable de mettre en place. Mais le mieux reste à venir au sein de ces associations et un coup de maître se prépare. En effet, si les mesures vont toutes dans le sens d'une amélioration de l'environnement, elles n'abordent en rien le versant social de leur mise en application. Quant on sait qu'entre 15 et 20% de la facture énergétique de notre pays pourrait être économisée par une meilleure isolation des logements, on comprend l'urgence du problème. Le Grenelle de l'environnement aurait été un camouflé s'il n'avait pas incliné en ce sens. Il fallait donc l'attendre sur le point crucial : qui va financer cette rénovation ? Il ne faut pas être devin pour savoir que les logements les moins bien isolés sont ceux des foyers modestes.

Le vide du Grenelle de l'environnement apparaît dès que l'on aborde le financement. Or, parmi les associations, il y a les militants qui associent le social avec l'écologie et ceux qui se focalisent davantage sur l'aspect écologique. Il est illusoire d'imaginer que le poids financier puisse ne pas retomber sur la population. Connivence avec le MEDEF, cadeaux et bouclier fiscaux le prouvent : nous sommes sur la voie de la libéralisation outrance et notre président ne fera pas du social, ici comme ailleurs. Aussi lorsque l'écologie va être financée à partir des fonds destinés au social sous prétexte de limites des finances de l'état (et d'impossibilité de taxation des capitaux par exemple), le clan écologiste va se scinder en deux : d'une part ceux qui vont occulter complètement l'aspect social et accepter la glose présidentielle invoquant le « sacrifice de la population » pour la préservation de l'environnement (merci à la belle lettre de Guy Môquet ... ) ; et d'autre part ceux qui, soucieux du terrain social, ne pourront accepter de voir la misère augmenter. Car nous le savons tous, à la question : « qui va payer la facture ? », la réponse sera « les pauvres ».

Sarkozy aura réitéré son action auprès des socialistes : l'utilisation d'un clivage dans la prise d'intérêt. Pour les dirigeants socialistes, ce fut entre, d'une part, l'argent et le pouvoir, et, d'autre part, les convictions de gauche. Face à ce choix cornélien, DSK, Lang ou Kouchner ont affiché leur priorité. Pour les écologistes, le metteur en scène Sarkozy rejoue la même pièce en posant, à retardement, la question : « entre le social et l'écologie, que choisissez vous ? ». Nul doute que les écologistes bourgeois, de bureau, aux revenus aisés, pencheront davantage vers la « grande victoire écologique », et que les militants sociaux ne pourront admettre le sacrifice du social et se désolidariseront des mesures écologiques prises. Pendant que les clans compteront leurs morts et se déchireront pour savoir qui a raison, Sarkozy, lui, aura les mains libres. Encore et toujours : Diviser pour régner. Le mouvement social n'a pas encore compris que l'alliance avec l'adversaire libéral signe sa perte...

Un seul avantage au tableau : l'établissement d'une communication entre des personnes qui, avant cela, ne se parlaient pas. Espérons que cela suffira...

l'environnement laisse la gauche sans fond.

Un rapport du Programme des Nations Unies Pour l'Environnement (UNEP) conclue que la privatisation de l'exploitation des ressources est la plus mauvaise voie pour le développement social et la préservation de l'environnement à l'échelle de la planète. C'est la première fois qu'une instance mondiale officielle établie un tel constat. C'est la première fois que des associations peuvent se référer à une instance officielle représentant des états pour appuyer leurs contestations face au néolibéralisme. Que l'on mesure l'ampleur de ce qui s'ouvre à la mobilisation !

Làs, le coup de tonnerre de cette nouvelle perspective résonne dans le vide sidéral de la pensée de gauche. Le projet de gauche est inexistant. Et pour cause ! Les luttes intestines entre trotskistes, communistes et socialistes n'en finissent pas de polluer le milieu des militants. Et savoir qui aura la suprématie sur les autres, tel est la question qui anime les organisations et pollue les esprits des militants, infestés de suspicions à l'égard de celui qui est naturellement un compagnon de lutte. La réaction du PCF à la proposition de créer un front commun à gauche est à ce point éloquent. Conservatisme, méfiance, exigence de clarté sur tous les points (même ceux auxquels personne n'a jamais pensé à inventer ! ) : tel est le réflexe qui trahit, non l'intelligence ou la volonté politique, mais le conservatisme, la peur, l'intérêt de son près carré. Comme si en se mariant on posait comme condition la convergence totale sur tous les dossiers à venir. Ridicule ! L'envie est à l'origine des alliances : envie de progresser, envie de s'appuyer sur les forces de l'autre, envie de construire une nouvelle forme de pensée (donc d'abandonner une partie de la sienne...).

Ce rapport de l'UNEP officialise le lien entre le combat sur le terrain social et le terrain écologique, et plus largement le rapport entretenu avec l'environnement. La gauche est à la traîne, car elle n'a pas de nouvelle pensée sociétale à proposer. Le capitalisme propose à chaque individu une idéologie, une culture et une éthique : consommation, argent, mode, voyages pas chers et séries télévisées entrecoupées de spots de publicité. Que propose la gauche ?

La valeur travail : un véritable cheval de Troie du libéralisme.

Venue du fin fond du XIX siècle, la valeur travail est une perversion pour les gens qui échangent de leur « temps de vie » contre l'argent qui leur permet de subvenir à leurs besoins élémentaires. Plus on valorise le « travail en soi », plus on satisfait la personne par le simple de fait d'avoir « au moins un travail ». Si au XIXe siècle une telle valeur était importante pour fédérer le mouvement de ceux qui vivaient du travail de leur corps, aujourd'hui elle rend possible de passer sous silence l'essentiel : la rémunération qui rend possible l'usage de son temps de vie. « Le travail c'est la santé », « la fierté dans le travail », « le travail est constitutif d'une personne », « la réalisation au travail », autant de pensées d'intellectuels bibliothécaires qui n'ont jamais rien fait d'autre de lire des livres et vivre aux crochets d'amis industriels. Jamais ces gens n'ont boulonné à longueur de jour, n'ont balayé des trottoirs à longueur de jour, n'ont conduit des tracteurs ou repassé à longueur de jour. Il faut vraiment vouloir rendre les travailleurs serviles pour leur inculquer « la valeur du travail » au lieu de la rémunération contre leur temps de vie consacrée à autre chose qu'eux mêmes. Les nazis de s'y tromperont pas lorsqu'ils inscriront « le travail rend libre » sur le fronton d'Auschwitz.

Un rapport à l'individu toujours problématique.

La droite ne s'y est pas trompée : elle cultive « l'individu » parce qu'il n'y a pas de bonheur personnel sans parler de l'individu. Or, arguer l'épanouissement personnel à travers les autres, à travers le collectif crée une fracture psychologique digne de mère Térésa. En opposant le collectif à l'individu au lieu de les rendre indissociable, la gauche a cultivé cette fracture. Pourquoi une activité personnelle vaudrait plus du moment qu'elle est tournée vers le collectif ? A jouer ce jeu là, la gauche a laissé la droite la distancer et prendre des longueurs d'avance dans la poursuite du bonheur, d'une existence heureuse, d'une vie douce, à laquelle tout le monde aspire. En cultivant l'opposition entre le collectif et l'individu, la gauche a rendu sa vision sociétale ascétique, christique, détaché de soi, digne d'être vécue par des moines.

Toute cette vision sociale inspirée de la mythologie de l'usine conduit à une construction individuelle et sociale à laquelle tout individu normalement constitué, aspirant à un minimum de bonheur dans son existence personnelle, ne peut adhérer. Or avoir une vie heureuse ne signifie pas écraser les autres comme trop souvent on l'entend dans les discours de gauche. L'épanouissement individuel dans sa vie personnelle, ses loisirs créatifs, n'est possible que dans la mesure où le climat social permet d'avoir une rémunération suffisante, un temps libre pour soi et des conditions de santé, d'éducation et de logement satisfaisante, et en cela l'individualisme ne peut être que de gauche. Or, jamais la gauche n'a utilisé cette voie pour tisser le lien entre l'individualisme (la création d'une vie personnelle) et le combat collectif (indispensable au cadre d'une vie personnelle agréable). La gauche a préféré user de la dialectique de droite qui identifie l'individualisme avec l'égoïsme. Rhétorique facile, mais comment combattre la droite si l'on reprend ses arguments ? L'individualisme (c'est à dire l'épanouissement de l'individu) ne peut se faire que si les conditions matérielles suffisantes existent, il est donc un argument majeur pour fédérer à un projet social commun.

Une position emblématique face à l'environnement.

les valeurs du « travail » et du « collectif » sont des valeurs qui enferment la pensée de gauche dans une vision industrieuse du monde. Cette culture fût utile à une époque, mais l'absence d'évolution amène à la situation actuelle de la gauche. Quand fera t-on le deuil de cette vision directement héritée du protestantisme du XIXe siècle ? Mystère... Toujours est-il que cette monoculture de gauche appréhende toujours le monde comme « un bien » dont on peut user, dont le peuple doit user. Or, aujourd'hui, la sauvegarde de l'environnement pointe du doigt cette vision chrétienne du monde « créé pour les hommes », dont ils peuvent user « comme bon leur semble ». Il faut repenser notre rapport au monde dans le projet de la gauche, intégrer dans nos valeurs sociétales propres un rapport d'appartenance, de lien intime avec le monde, « nous dans le monde », « le monde dans nous-mêmes » ; et jamais plus « le monde pour nous ». Là encore, ce chantier vaste est prometteur.

Le rapport de l'UNEP sur le lien entre la libéralisation et la dégradation irréversible sur les plans social et écologique est une arme considérable à utiliser contre les gouvernements et décideurs néolibéraux. Hélas, la gauche actuelle est incapable d'user d'une telle arme parce que cet argument accuse également l'enlisement de sa propre pensée. Rapport entre le collectif et l'individu, rapport de l'individu à lui même, rapport de l'individu au monde et à l'environnement, les militants de la gauche nouvelle doivent enterrer la monoculture actuelle pour construire une vision sociétale républicaine capable de rivaliser en propositions avec l'idéologie, la culture et l'éthique égoïste du libéralisme anglo-saxon.

Guillaume Desguerriers

5 - politique française

1 - Quand le Canard Enchaîné fait l’éloge de BHL… Triste époque.

Mardi soir. Dernières heures de vente en kiosque pour l’édition de mercredi dernier 24 octobre, n° 4539, quatre-vingt-onzième année de parution du « Canard Enchaîné », un numéro qu’on n’oubliera pas, et c’est un peu triste.

En effet, nous n’étions pas encore habitués à voir notre journal satirique du mercredi brandir soudainement, lui aussi, l’hypocrite encensoir de la presse peopolisée, cette brosse à reluire toujours douce pour les puissants, tandis que le mépris social se déverse en pluie drue pour le pauvre peuple. Nous étions encore moins préparés à repérer, navré, chez le « Canard » un de ces symptômes qui ne trompent pas sur une maladie corruptrice qui a déjà normalisé le « Libération » de Sartre, et aligné « Le Monde » sur ce qu’autorisent à penser les marchés financiers. Dites-moi qu’on fait un mauvais rêve !

En effet, voici le « Canard Enchaîné » qui cède cette semaine à un compliment aussi imprévu qu’obséquieux pour le dernier ouvrage (fort dispensable) de Bernard-Henri Lévy (et tout ça pour pouvoir nous forcer à avaler aussi sec un éloge de Ségolène Royal !). Voici un contre-emploi fâcheux pour notre cher volatil hebdomadaire, qu’on croyait habitué depuis un siècle à moquer les cuistreries et les vanités de tous les puissants, à rire en particulier de ceux qui prétendent gouverner l’opinion publique, et surtout les bien-pensants prodigues de morale pour les autres et de renvois d’ascenseur pour eux mêmes.

Lisez la critique complaisante du livre de BHL, « Ce grand cadavre à la renverse » (19,90 euros chez Grasset) dans « Le Canard » du 24 octobre 2007, page 6. C’est signé Jean-Michel Thénard. Par le style et par la mauvaise foi, on croirait du Franz-Oliver Giesbert ou du Jean Daniel. (Je suppose que pour lui c’est un éloge ?).

« La fidélité à ses convictions n’est pas chose si fréquente en ces temps de rupture qu’il ne faille la saluer ». Amen ! Qui est ainsi statufié dans « Le Canard » ? BHL himself, sous prétexte que notre sempiternel nouveau philosophe milliardaire n’aurait pas encore rallié l’ouverture de Sarkozy, même s’il est son copain intime de sport d’hiver. Après tout, pourquoi pas, mais que ce soit « Le Canard » qui l’affirme, à propos de cette noble conscience médiatique béhachélienne, si souvent dérisoire et plutôt dédiée aux entartages, ça ne passe pas. On nous aurait changé notre « Canard » ?

Il faut dire que notre hebdomadaire préféré du mercredi a fait une drôle de recrue, en embauchant dernièrement ce Jean-Michel Thénard, précédemment directeur adjoint de « Libération », dont il fut très longtemps chef des pages politiques, vous savez, ces pages désespérantes où il a fallu subir pendant vingt ans de fastidieuses chroniques nous expliquant sur huit feuillets serrés tout le bien qu’il fallait chaque jour penser des chefs du Parti socialiste, là où un demi-feuillet aurait suffit très amplement. C’était cela, le secret de fabrique du « Libé » mitterrandiste puis jospinien de Serge July : Occuper inutilement les esprits des lecteurs avec de faux secrets d’initiés et des rideaux de fumée abracadabrants, jusqu’à plus soif, jusqu’à ce qu’ils se lassent finalement d’acheter le journal, dernièrement vendu aux enchères, faute de lecteurs, à un banquier intéressé. Thénard passé au « Canard », après avoir usé et discrédité « Libé », Thénard connu pour avoir hautement désigné les nonistes de gauche en 2005 comme des lepénistes qui s’ignoraient (avec cette mauvaise foi qui nuisit tant à la cause du Oui…), Thénard au « Canard », ça sonne désespoir, c’est très inquiétant pour cet irremplaçable espace de liberté, et déjà c’est incroyable de retrouver sa prose juste à côté des articles de Jean-Luc Porquet ou d’André Rollin. Jugez-en.

Il faut ajouter que ce n’est pas pour rien que Thénard se décarcasse à faire passer aux yeux des lecteurs du « Canard » notre BHL pour un phare de la pensée. Tout cela n’était qu’un billard à trois bandes pour enfin parvenir à placer ces dix lignes inouïes dans le même article du « Canard », dix lignes dégoulinantes de ségolènisme (on a les héros qu’on peut !) à faire rugir dans leurs tombes les fondateurs anarchos du Canard, Maurice et Jeanne Maréchal. Lisez cela, et vous verrez, tout se vaut, si vous êtes prêts à appréciez cela dans le « Canard », c’est que vous êtes mûrs pour vous contenter des sermons interchangeables qu’on se repasse entre « Le Point » et « Le Nouvel Obs ». (Mes commentaires entre parenthèses).

« Là où BHL n’a pas tort (pontifie Thénard dans le « Canard », qui ne nous avait jamais habitué à ce ton condescendant pour lecteurs mal comprenants), c’est que, fut-il vaincu et sous les sifflets, le royalisme (de Ségolène Royal, vous aviez compris : la pensée-Ségolène serait donc la boussole préférée de BHL et de JMT) n’a jamais cessé de poser les bonnes questions à la gauche (« Poser les bonnes questions » : goûtez cette prose thénardienne, ce n’est pas exactement du niveau de Luc Décygnes ou de Bernard Thomas, ces fines plumes du mercredi) sur l’insuffisante remise en cause des années Jospin (car, apprenez, chers lecteurs du « Canard » grâce à BHL et à son glosateur dévoué JMT, sachez enfin que l’expérience gouvernementale Jospin ne fut pas trop à droite, mais trop à gauche !), la nécessaire adaptation du socialisme à la marche du monde (« adaptation », si le Canard se met à parler comme Laurence Parisot du MEDEF et Margaret Thatcher, il y a quelque chose de pourri du côté de la rue Saint-Honoré…), l’indépassable problème des alliances quand le PC s’est effondré. » Bref, virons à droite et entraînons-y « Le Canard » si possible. Conclusion de Thénard : Ces questions resteront « posées » au prochain congrès du PS (au secours, je baille !) et BHL a eu raison de « joliment » qualifier madame Royal d’ « Alice au pays des merveilles idéologiques ». Si c’est un nouveau philosophe qui le dit… Si c’est le nouveau « Canard » qui le pense…

Mon cher Canard, je te lis depuis ma plus tendre adolescence, qui eut lieu sous Pompidou.
Mon cher Canard, réveille-toi, ressaisis-toi, car on n’en croit pas nos yeux !

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Luc Douillard

2 - Contre-lettre de mission adressée à Mme Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la communication.

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Madame la Ministre,

Les campagnes pour l’élection présidentielle et les élections législatives qui viennent d’avoir lieu dans notre pays ont démontré le désintérêt manifesté une fois encore par de nombreuses forces politiques et médiatiques, pour les questions artistiques et culturelles. En élisant au Parlement une large majorité présidentielle, les Français ont donné au gouvernement, tous les outils nécessaires à la réussite de sa mission. Ce gouvernement, auquel vous appartenez, n’a désormais qu’un seul devoir : celui de mettre en œuvre un programme artistique et culturel cohérent avec nos engagements internationaux en matière de diversité culturelle, hors des corporatismes et des influences commerciales, afin notamment de réconcilier nos compatriotes avec l’action artistique et culturelle.

Tout au long de la campagne présidentielle, quelques thèmes majeurs ont été évoqués dans le débat public traitant de vos compétences ministérielles ; nous attendons de vous que vous les repreniez dans vos propositions et dans vos actions. L’objet de cette contre-lettre de mission citoyenne et républicaine est de vous préciser les points qui, parmi ces thèmes, nous paraissent prioritaires et sur lesquels nous vous demandons de vous engager résolument, en concertation étroite avec toutes les forces vives concernées.

En 1959, André Malraux définissait ainsi les missions du nouveau ministère des affaires culturelles : « rendre accessibles au plus grand nombre possible les œuvres capitales de l’humanité, assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent». Signe de leur pertinence et de leur permanence, ces missions s’incarnent un demi-siècle plus tard dans les nouveaux « programmes » du ministère (patrimoine, création, transmission des savoirs).

Après l’ère Malraux, qui en vérité ne s’est jamais achevée totalement, un second cycle politique incarné principalement par le ministre Jack Lang, a conduit dans les années 1980 à une forte croissance des moyens d’intervention du ministère (budget, aides fiscales et réglementaires comme le prix unique du livre), permettant de valoriser et de soutenir des formes artistiques toujours plus diverses, et se traduisant par le lancement de plusieurs « grands projets ».

Les acquis de cette politique sont considérables : une offre artistique foisonnante, un patrimoine riche des musées et des monuments rénovés, un cinéma rivalisant avec la production internationale, un maillage du territoire en équipements et manifestations de toutes sortes, un engagement considérable des collectivités territoriales.... Ces succès ne doivent cependant pas faire oublier certaines lacunes et de fortes insuffisances eu égard aux exigences de la démocratie: un déséquilibre persistant entre Paris et les régions, une politique d’addition de guichets et de projets au détriment de la cohérence d’ensemble, une prise en compte insuffisante de la diversité culturelle des populations et de la sensibilisation des publics, un faible renouvellement sociologique des personnes fréquentant les lieux culturels. Aujourd’hui, notre politique culturelle apparaît comme l’une des moins redistributives de notre pays. Financée par l’argent de tous, elle ne bénéficie qu’à un nombre restreint de nos compatriotes.

L’environnement dans lequel s’inscrit la politique culturelle est par ailleurs en pleine transformation. La révolution numérique crée une possibilité d’accès quasi infini à certaines œuvres de l’esprit, tout en perturbant profondément l’économie de la création et de la diffusion dans de nombreux domaines. Et les industries culturelles sont de leur côté à l’origine d’une part croissante de la richesse et de l’emploi en même temps qu’elles pèsent, de manière trop souvent hégémonique, sur la notion même de culture, confondant les «œuvres» et les «produits», le projet artistique et l’impératif de rentabilité financière.

L’heure d’un nouveau souffle pour notre politique culturelle est donc venue, celle d’adapter l’ambition d’André Malraux au XXIème siècle et à la complexité du monde qui nous entoure. Il vous revient de proposer les voies et moyens d’une politique culturelle nouvelle, audacieuse, soucieuse de favoriser réellement l’égalité des chances, d’élargir les conditions de fréquentation des lieux culturels, de prendre en compte l’ensemble des expressions artistiques ou de création, d’assurer aux artistes une reconnaissance et une rémunération de leur travail, de développer la création et l’appropriation des œuvres par les populations les plus larges et les plus diversifiées, de mettre en œuvre enfin la « diversité culturelle » définie dans les textes de l’UNESCO signés par la France, ainsi que la "démocratie artistique et culturelle" dont notre pays a tant besoin..

Votre première mission sera en effet de poursuivre ce double objectif de «diversité et de démocratie artistique et culturelle» dans toutes ses composantes.

Nous souhaitons d’abord, qu’avec le ministre de l’Education nationale, vous fassiez de l’éducation culturelle et artistique à l’école une priorité véritable de votre action en faisant tomber, pour cela, la barrière qui s’est progressivement dressée entre le monde éducatif et le monde de la culture du fait, notamment, de la séparation des deux ministères.
L’école doit permettre à tous les élèves d’acquérir les attitudes culturelles fondamentales leur permettant de découvrir et d’aimer l’histoire, la langue et le patrimoine littéraire ainsi que la création artistique de notre pays, de l’Europe et du monde, condition pour vivre en homme ou en femme libre, pour apprécier et s’exprimer, tout au long de leur vie, par l’art, le spectacle, la littérature, et toutes les autres formes de pratiques culturelles.
Nous pensons que la création d’un enseignement d’histoire de l’art ne peut constituer le support de cette éducation culturelle que si tous les enfants, durant l’ensemble de leur scolarité, peuvent d’abord avoir une pratique artistique effective, d’acteur et de spectateur, en diversifiant les possibilités et en favorisant les pratiques collectives. Une action spécifique devra être menée dans le domaine de «l’éducation à l’image» et de la distance critique indispensable face au déferlement audiovisuel imposé chaque jour aux «jeunes cerveaux disponibles». Chaque établissement scolaire devrait établir un « projet artistique et culturel » en fonction de son environnement, et nouer si possible des liens privilégiés avec un ou plusieurs établissements culturels de son territoire. Vous favoriserez pour cela la formation des professionnels de la culture, médiateurs et artistes volontaires qui souhaitent s’engager ou développer dans ces actions partenariales. Enfin, vous veillerez à ce que les établissements scolaires reçoivent régulièrement des oeuvres de haute qualité sur support numérique, appareillées et accompagnées de compléments documentaires qui en facilitent l’approche (Grandes expositions, Chorégraphies, Films de théâtre, Portraits d’artistes, Archives documentaires de la télévision publique...). La création de telles médiathèques de ressources, adaptées à la transmission en direction des jeunes est un facteur de rentabilité des crédits publics de soutien à la création. Les grandes institutions culturelles (Théâtres nationaux, Centres dramatiques, Musées nationaux, Opéra) en lien avec les producteurs audiovisuels (chaînes publiques, éditeurs numériques) devront participer à cet effort de diffusion et de libre accès aux oeuvres crées et représentées.
La mise en œuvre de cette politique d’éducation culturelle et artistique suppose un partenariat renouvelé et durable entre votre ministère et celui de l’Education nationale afin que les administrations et le monde de l’éducation se rapprochent de ceux de la culture. Avec le ministre de l’Education, vous étudierez les modalités de ce partenariat pérenne, qui associera les collectivités locales en vous appuyant sur les très riches expériences qui existent déjà dans notre pays. Vous organiserez pour cela un « Grenelle de l’éducation artistique et culturelle » permettant d’associer le plus grand nombre de partenaires à la définition de cette nouvelle politique.

L’accès aux œuvres de l’esprit passe de plus en plus, par la médiation audiovisuelle. A la télévision comme à l’école, la culture doit être davantage présente dans les programmes. France Télévisions doit fortement affirmer son identité de service public à travers une offre culturelle plus dense, plus créative, plus audacieuse ; une offre qui marque une plus grande différence avec les chaînes privées; une offre fondée sur des programmes populaires de qualité aux heures de grande écoute et un accompagnement résolu des artistes par des portraits, reportages, documentaires et informations multiples sur leurs travaux, incitant les spectateurs à aller à leur rencontre. Un cahier des charges rénové, qui évitera la référence unique à l’audimat, sera rédigé pour encadrer les activités et préciser les identités des différentes chaînes de France Télévisions.

Radio France devra également poursuivre sa modernisation et promouvoir la diversité éditoriale, culturelle et musicale. S’agissant des radios privées, vous dresserez avec le CSA un bilan des règles applicables en matière de quotas et proposerez des aménagements permettant d’améliorer l’exposition de toutes les musiques comme l’accompagnement des événements artistiques et culturels.
Quant à la révolution numérique, elle doit être l’occasion de conduire un public toujours plus nombreux vers le patrimoine culturel français et de langue française, et vers la création contemporaine. L’Etat peut l’encourager par la mise à disposition gratuite, sur Internet, du patrimoine public ou financé par des fonds publics, et par l’incitation à la diffusion numérique croissante de contenus culturels privilégiant des solutions innovantes, interactives et éducatives. L’INA devrait être associé fortement à cette diffusion et lever les obstacles (financiers notamment) qui freinent cette action.

La gratuité des musées nationaux a été évoquée lors de la campagne présidentielle. Vous conduirez une expérimentation de la gratuité avec un échantillon significatif d’établissements, en évitant de confondre la gratuité du coût avec la gratuité du sens. Il importe en effet que l’acte culturel conserve, pour chacun, un sens et des valeurs qui ne sauraient se diluer dans une pratique strictement consumériste. Cette gratuité devra donc être accompagnée d’actions spécifiques de sensibilisation et de médiation que vous expérimenterez avec les professionnels concernés. Vous abandonnerez cette initiative si, comme cela semble probable, elle s’avère démagogique et sans effet véritable.

Vous étudierez à l’échelon de l’Union européenne, en profitant à cet effet de la présidence française de l’Union au second semestre de l’année 2008, toutes convergences possibles d’actions de création, de diffusion et de circulation des oeuvres et des publics, notamment pour les jeunes et les « seniors », par exemple un droit de visite gratuit aux sites les plus remarquables du patrimoine européen. Cette proposition sera faite par la France à l’ensemble de nos partenaires européens.

Vous vous appuierez sur toutes les forces vives compétentes (professionnels, associations d’éducation populaire, syndicats, comités d’entreprises...) pour faire venir à la culture des publics qui en sont aujourd’hui éloignés. Avec un renouvellement des pratiques d’action culturelle, vous expertiserez la proposition d’un «chèque culture» remis aux familles les plus défavorisées pour leur permettre d’accéder aux équipements culturels de leur choix, là encore, en évitant de confondre la gratuité du coût avec la gratuité du sens.

La diversité culturelle, c’est enfin veiller à ce que les aides publiques à la création, tout en tenant compte des attentes des publics, permettent un soutien clairement affirmé à la recherche, à l’innovation et aux formes de création les moins inféodées aux canons académiques ou aux productions strictement commerciales. Vous réformerez à cette fin les conditions d’attribution des aides en créant des commissions décentralisées indépendantes d’attribution associant des experts, des artistes, des élus et des représentants des médiateurs et des associations qui oeuvrent en direction du public. Les travaux de ces commissions devront faire l’objet d’un compte-rendu public afin que les critères de choix puissent être connus de tous, par exemple lors de «conférences régionales de la culture» qui pourraient se réunir régulièrement.
Vous exigerez de chaque structure subventionnée, qu’elle rende compte de son action et de la pertinence de ses interventions, au regard du projet artistique et culturel de chacune. Vous éviterez de leur fixer des obligations de résultats trop contraignantes et uniquement basées sur des critères quantitatifs, mais travaillerez avec chacune à une méthodologie d’évaluation nouvelle et rigoureuse. Vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions, dès lors qu’un projet ou qu’une structure aurait démontré un essoufflement manifeste, en inscrivant chaque projet dans une temporalité prévue en amont. Pour autant, vous resterez attentive à l’importance de la durée dans un processus artistique et culturel et éviterez de précariser les acteurs qui s’y engagent. Dans le même esprit, et de manière alternative, vous examinerez dans quelle mesure le dispositif d’aide à la production cinématographique, qui repose en partie sur le succès public des œuvres subventionnées, pourrait être appliqué en partie au théâtre, ce qui n’interdit pas de le moderniser par ailleurs.

Deux secteurs traversent actuellement une crise particulièrement grave. Ils devront mobiliser particulièrement votre ministère.

Nous souhaitons que soit conduit dans les plus brefs délais un plan de sauvetage de l’industrie musicale et, plus largement, de protection et de promotion des industries culturelles couvertes par les droits d’auteur et droits voisins, sans pour autant vous laisser abuser par les groupes de pression de ce domaine. Ce plan devra être mené avec la ministre de l’Economie, des finances et de l’emploi, et s’appuyer sur trois volets : la montée en puissance d’une offre numérique diversifiée, bon marché et simple d’utilisation ; la mise en place rapide d’une licence globale ou de tout autre mécanisme similaire, permettant d’en finir avec la prétendu « piraterie » de notre jeunesse ; l’aide à l’adaptation des structures et modèles économiques des industries concernées. A cette fin, vous favoriserez la mise à disposition du public d’offres commerciales attractives de musique, de films et de toutes les formes de création enregistrée sur les nouveaux réseaux fixes et mobiles. La chronologie des médias doit d’urgence poursuivre son adaptation. Vous inciterez les titulaires de catalogues à numériser leurs œuvres et à les distribuer sur tous les supports. Vous ferez de l’interopérabilité une priorité majeure. Parallèlement, vous rechercherez voies et moyens pour conclure un accord interprofessionnel permettant de dissuader efficacement et de réprimer la contrefaçon de masse. Les solutions techniques et économiques existent, elles doivent être expérimentées et mises en œuvre. Vous nous proposerez les mesures d’accompagnement utiles à la sauvegarde et à la transition des industries culturelles vers de nouveaux modèles de développement et de croissance. Vous préparerez donc une révision de la loi DADVSI, pour permettre à notre pays d’être en position pionnière en pour la défense des internautes, la diffusion de contenus numériques, la promotion de l’interopérabilité et la responsabilité des acteurs de l’Internet.

Par ailleurs, vous prendrez les dispositions nécessaires pour permettre à la presse quotidienne de sortir de la crise qu’elle traverse depuis des années, en particulier en ce qui concerne le régime de sa distribution et son adaptation à l’univers numérique.

Les Français sont, vous le savez, très attachés à notre patrimoine. Vous poursuivrez l’effort de remise à niveau des crédits alloués à la politique du patrimoine, vous vous efforcerez d’augmenter le nombre et monuments accessibles au public et poursuivrez la politique d’animation territoriale qui avait été instaurée dans plusieurs d’entre eux, avec grand succès.

Vous éviterez pour cela de dépenser trop de moyens pour un centre de recherche et de collections permanentes dédié à l’histoire civile et militaire de la France. De même, en prévision des soixante-dix ans de l’appel du Général de Gaulle (2010), vous vous abstiendrez du projet trop ambitieux de mémorial de la résistance et de la France libre, en hommage à tous les résistants. Leurs témoignages, histoires, récits et mémoires, pourraient être simplement collectés puis réunis dans un DVD qui serait remis gratuitement à tous les enfants de France, le jour de la lecture de la lettre de Guy Môquet. Une grande émission de télévision sur le thème «Résister» pourrait accompagner cette journée nationale.

En lien avec le ministre des Affaires étrangères et européennes, nous vous demandons de moderniser en profondeur l’action culturelle extérieure de la France. Nous souhaitons que la France soit plus déterminée à promouvoir sa langue, sa culture et ses artistes à travers le monde de même qu’elle entend accueillir, dans les conditions les plus dignes, les artistes du monde. Dans l’esprit de la convention de 2005 sur la diversité culturelle, voulue par la France dans le cadre de l’UNESCO, vous donnerez priorité à la coopération et au développement des industries culturelles des pays les plus pauvres.

Vous appuierez l’effort de rationalisation des structures de la politique culturelle extérieure de la France demandé au ministre Affaires étrangères et européennes, afin que cette politique gagne en cohérence, en visibilité et en impulsion. Vous étudierez les moyens de mieux déployer nos implantations culturelles à l’étranger en fonction de la nouvelle géographie des zones d’influence et de création dans le monde, et des conséquences de l’intégration européenne sur l’étendue de notre réseau diplomatique et consulaire. Vous proposerez notamment à toutes les institutions et structures culturelles subventionnées, en accord avec les collectivités territoriales, d’être jumelées avec des structures correspondantes du même domaine d’activité, dans un pays d’Afrique ou d’Europe.

A partir d’une étude définissant nos objectifs selon les différentes parties du monde, vous élaborerez un schéma de réorganisation et de rationalisation des instruments de la politique audiovisuelle extérieure la France pour une présence audiovisuelle plus forte, plus cohérente, plus ambitieuse, plus efficace.

De même, nous voulons que la France joue un rôle majeur dans l’accueil et la formation des futures élites culturelles et artistiques des pays étrangers. Vous prendrez les dispositions nécessaires pour les attirer en France créer des liens étroits et durables entre ces élites et nos artistes. Par ailleurs, vous rechercherez des collaborations européennes et internationales (principalement avec les pays du Sud) dans le domaine de l’enseignement artistique supérieur.

Si elle ne saurait être soumise aux seules lois de l’argent et du profit, la culture n’en est pas moins de plus en plus une source d’emplois et de richesses. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce que les Français dépensent plus qu’autrefois en matière culturelle. Nous devons également prendre conscience que les industries culturelles sont l’objet d’une lutte d’influence entre plusieurs pays dans le monde et que les enjeux ne sont pas seulement économiques, mais aussi idéologiques, identitaires et d’émancipation.

C’est pourquoi vous prendrez toutes les dispositions nécessaires pour donner à nos industries culturelles les meilleures chances de se développer ou de se renforcer, et à l’image du cinéma français dont le succès est incontestable, ou de la politique du livre qui globalement remplit ses objectifs, vous consoliderez l’action des pouvoirs publics au service de l’indépendance et de la prospérité de ces industries.

Dans le cadre d’une renégociation de la sixième directive TVA, qui sera pilotée par la ministre de l’Economie, des finances et de l’emploi, vous vous efforcerez d’obtenir le droit pour notre pays d’appliquer un taux de TVA réduit à l’ensemble de nos biens culturels, dans l’univers physique comme sur les réseaux.

A l’issue d’une réflexion stratégique associant tous les acteurs et couvrant tous les sujets, vous nous proposerez, avec la ministre de l’Economie, des finances et de l’emploi, une remise à plat des dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent au secteur de l’audiovisuel. En tenant compte de la nouvelle donne du marché comme des exigences de la création, l’objectif doit être de supprimer les incohérences croissantes de la législation actuelle et de permettre l’émergence de groupes de communication audiovisuelle français de premier plan, capables de structurer une industrie française puissante des contenus et d’affronter les nouveaux défis liés à la multiplication des canaux de distribution.

Vous accorderez une attention particulière aux arts numériques interactifs. La France dispose d’un capital humain recherché et de sociétés créatives dans le domaine du jeu vidéo et nous souhaitons que ce secteur soit intégré dans vos priorités.

Vous prendrez les dispositions nécessaires pour redresser rapidement le marché de l’art français. Vous analyserez notamment sa situation juridique et fiscale (TVA, droit de suite...) au regard de la situation dans les autres pays, et ferez des propositions d’amélioration. Vous examinerez les raisons qui freinent la reconnaissance des talents français à l’étranger. Vous évaluerez, avec les professionnels concernés, la pertinence de l’organisation des commandes d’art (FNAC et FRAC) et vous abstiendrez de poursuivre l’étude contre nature de la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections, sans, soi-disant, compromettre le patrimoine de la Nation.

Vous poursuivrez la réflexion quant au régime d’indemnisation du chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant et de l’audiovisuel, évaluerez rapidement la réalité des faits engendrés par la mise en œuvre du dernier protocole et proposerez des solutions innovantes pour la reconnaissance et la dignité de ces milieux artistiques. Vous réfléchirez notamment à l’élargissement de ce statut aux artistes plasticiens, écrivains, photographes...

Enfin, vous nous proposerez un pilotage rénové de l’organisation de la profession d’architecte et de son enseignement et vous veillerez à favoriser la diffusion de l’architecture contemporaine et sa prise en compte dans les programmes d’urbanisme et de construction.

Pour réaliser ces missions et mettre en œuvre ces priorités, vous devrez disposer d’une administration rénovée, moderne, et dégager des marges de manœuvre accrues. Nous souhaitons que les dépenses de fonctionnement du ministère et de ses organismes rattachés, dès lors qu’ils auront été sérieusement évalués, soient réduites au profit de l’aide à la création et à la diversité culturelle.

Sans qu’ils se substituent aux financements publics, vous encouragerez le financement privé de la culture, en étendant encore d’avantage les avantages alloués en faveur du mécénat et des fondations, en favorisant l’extension du mécénat à la politique de sauvegarde du patrimoine, en sachant toutefois que seuls les grands établissements pourront trouver dans la recherche de mécènes un complément (toujours modeste) à leurs financements. A la tête de tous les établissements et administrations relevant de votre autorité, vous veillerez à associer des personnalités d’envergure du monde culturel et artistique à des gestionnaires confirmés, comme cela se fait déjà dans de très nombreuses structures.

Vous le savez, le programme gouvernemental devra être mis en œuvre en respectant scrupuleusement la responsabilité républicaine de préserver l’avenir des générations futures grâce à une gestion rigoureuse des finances publiques, conforme aux engagements européens et composante essentielle de la démocratie irréprochable que le gouvernement prétend mettre en place.

Réussir les réformes attendues par Français et cesser la spirale de l’endettement ne sont nullement inconciliables, mais sont au contraire deux objectifs complémentaires dès lors qu’il est décidé de substituer véritablement l’intérêt général aux intérêts particuliers de quelques-uns. Répartir la pénurie est aussi absurde et inefficace que laisser courir la dette publique. Si nous voulons modifier en profondeur les structures et les modes d’intervention des administrations publiques, c’est pour que chaque euro dépensé soit un euro utile et que le potentiel humain inestimable de notre administration soit beaucoup mieux valorisé.

Prochainement, une révision générale des politiques publiques sera entreprise.

L’objet de cette révision générale sera de passer en revue, avec la collaboration, naturellement, des ministres concernés comme des principaux acteurs de chaque domaine, chacune des politiques publiques et des interventions mises en œuvre par les administrations publiques, d’en évaluer les résultats et de décider des réformes nécessaires pour améliorer la qualité du service public rendu aux Français. Nous vous demandons d’organiser, à cet effet, la plus grande concertation sur ces thèmes, en vue d’initier une politique nouvelle (stratégie, finalités, indicateurs) véritablement élaborée et construite conjointement par les acteurs, les citoyens, les élus… Seule une telle démarche démocratique permettra de rendre cette politique plus efficace et moins coûteuse, et surtout de réallouer les moyens publics des politiques inutiles ou inefficaces au profit des politiques qui sont nécessaires.

Une attention particulière sera portée aux domaines de l’éducation, de la santé, de la culture et de l’environnement, dont la dimension de «bien commun» appelle un engagement rénové et pérenne de la puissance publique.

Nous vous demandons de vous impliquer personnellement dans cet exercice sans pour autant remettre aucunement en cause le sens même de la mission que la présente lettre vous confie. Nous insistons sur le fait qu’un bon ministre ne se reconnaîtra pas (seulement) à la progression de ses crédits, mais à la définition des ses objectifs, à sa capacité à innover et à mobiliser les forces vives et à préparer l’avenir culturel de notre pays.

Sur l’ensemble des points de cette lettre de mission, nous sommes à votre disposition pour vous proposer des méthodes d’évaluation conjointe, que nous ne confondront pas avec une simple approche comptable ou statistique des données.

Nous ferons le point chaque année de l’avancement de votre mission et des commentaires qu’il convient, le cas échéant, de lui apporter.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression nos respectueux hommages démocratiques et républicains.

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Les Éditions De L’Attribut

3 - UIMM : l'opposition demande qu'un juge d'instruction soit saisi

In Le Monde. Article paru dans l'édition du 02.11.07.

L'affaire des comptes cachés de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) vire à l'affrontement politique. Lors de la séance des questions, à l'Assemblée nationale, mercredi 31 octobre, Alain Vidalies, député (PS) des Landes, a reproché au gouvernement son "inertie" face à la découverte de "détournements de fonds et de corruption". Agitant la menace de création d'une commission d'enquête parlementaire, le député socialiste a demandé "l'ouverture d'une instruction judiciaire sur la caisse noire de l'UIMM".

"J'attends que ce soit la justice qui parle pour connaître la vérité des faits", a rétorqué Xavier Bertrand, ministre du travail, qui a relancé le débat autour de "la représentativité syndicale, de la démocratie sociale ou du financement des syndicats" et a retourné aux organisations de salariés les soupçons sur les éventuelles largesses du patronat. "Qui doit financer les syndicats : est-ce l'Etat ? Sont-ce les entreprises ? Les adhérents ? Au bout du compte, ce sera aux salariés de décider du nombre et de l'audience des syndicats", a indiqué M. Bertrand.

Le témoignage d'un ancien ingénieur de Thomson-CSF (devenu Thalès), Jean-Claude Duret, 65 ans, ancien représentant de la fédération métallurgie CFTC, publié dans Libération du 31 octobre, tend à accréditer la thèse privilégiée du financement occulte pour "fluidifier les relations sociales", selon la formule de Denis Gautier-Sauvagnac, président de l'UIMM. M. Duret affirme avoir été approché par un dirigeant de l'organisation patronale qui lui aurait fait une offre lors d'une réunion de négociation à propos du régime de retraites des cadres en juin 1998. "Quels sont vos besoins ? Tout homme a son prix, un syndicaliste n'est pas incorruptible. Je vous serre la main, c'est pour la dernière fois", rapporte le délégué. A la suite de son refus, ce dernier affirme avoir été écarté des structures syndicales de son entreprise comme de sa fédération, avant d'être mis à la retraite d'office. Jacques Voisin, président de la CFTC, a assuré que "la corruption n'était pas dans les pratiques" de son organisation, tandis que l'UIMM s'est abstenue de tout commentaire.

Le Parti socialiste s'est aussitôt saisi de ces déclarations. Avant l'offensive menée à l'Assemblée, son porte-parole, Stéphane Le Foll, a demandé que "soient diligentées les enquêtes nécessaires".

ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE

Un mois après les premières révélations, l'affaire n'a pas encore abouti à la désignation d'un juge d'instruction. A moins qu'une des parties, soucieuse d'accéder au dossier, se constitue partie civile, la décision d'ouvrir une information judiciaire revient au procureur de Paris. Celui-ci a ouvert une enquête préliminaire pour "abus de confiance", le 26 septembre. Dans ce cadre procédural, dont il a la totale maîtrise, il dispose d'importants moyens d'investigation. A l'issue de l'enquête préliminaire - qui n'a pas de limitation de durée -, il peut classer l'affaire, ouvrir une information, ou délivrer une ordonnance de citation directe qui conduit à un jugement.

L'affaire pourrait aussi avoir des incidences financières pour les personnes en cause. Selon Le Parisien du 31 octobre, la direction nationale des vérifications des situations fiscales aurait commencé à s'intéresser aux comptes personnels de M. Gautier-Sauvagnac et de cadres qui auraient bénéficié de primes non déclarées. Le ministère de l'économie n'a pas confirmé, mais souligne qu'il s'agit là d'une procédure normale dès lors que des soupçons surgissent.

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Michel Delberghe

Alain Salles

4 - Grève de la magistrature sur la carte judiciaire le 29 novembre

ARIS (Reuters) - Les magistrats et personnels de justice appellent à la grève le 29 novembre pour protester contre la réforme de la carte judiciaire, une démarche rare dans ce corps.

Les syndicats de magistrats ont boycotté lundi la visite de la ministre Rachida Dati au palais de justice de Paris, où elle a annoncé la suppression de 13 tribunaux d'instance sur 76 dans les ressorts des cours d'appels de Paris et Versailles.

Des personnels se sont regroupés dans les couloirs du palais, sous la surveillance de gendarmes, dans une ambiance houleuse. Une banderole montrait Nicolas Sarkozy s'adressant à Rachida Dati en ces termes : "Rachida, maintenant que j'ai divorcé, tu peux supprimer les tribunaux".

Le mot d'ordre de grève pour le 29 novembre est lancé par le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et les trois principaux syndicats de personnels de justice Usaj (Union syndicale autonome justice), CGT et CFDT.

L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), qui n'est pas opposée aussi radicalement à la réforme, a expliqué qu'elle allait consulter ses instances pour savoir si elle rejoignait le mouvement - perspective très probable.

"A priori, il n'y a pas de raison qu'on ne s'y associe pas", a dit Christophe Régnard, secrétaire général de ce syndicat.

Le SM et l'USM dénoncent la réforme qui entraîne, selon eux, des fermetures de services publics sans logique, sans méthode, sans concertation et sans moyens financiers. Ils soulignent qu'aucune création de tribunal n'est prévue, alors que la carte est inchangée depuis 1958. La population française a augmenté depuis lors de 20 millions d'habitants. Ils estiment qu'avec 6,519 milliards d'euros, incluant le fonctionnement des prisons (2,4% du budget de l'Etat), le système actuel ne peut fonctionner normalement.

DATI PROMET D'ENTENDRE LES INQUIETUDES

"C'est une fausse réforme. C'est un coup de gomme donné sur ce qui fonctionne le mieux, les tribunaux d'instance, sans concertation véritable et sans réflexion", a déclaré lors d'une conférence de presse lundi Hélène Franco, secrétaire générale du SM.

"Mme Dati ne sait pas où elle va, c'est consternant, elle est en train de rater la réforme qu'il ne fallait pas rater, on repart pour 50 ans de n'importe quoi", a ajouté Christophe Régnard.

Lors d'une conférence de presse après sa visite au palais de justice de Paris, Rachida Dati a promis de tenir compte des oppositions mais a affiché sa fermeté.

"Ces inquiétudes, je les entends et je les intègre, c'est normal. (...) Il y a des résistances pour des raisons d'usages et d'habitudes", a-t-elle dit.

"Ce n'est pas du courage de faire cette réforme, c'est simplement une nécessité, les Français attendent cela", a-t-elle ajouté.

La réforme de la carte judiciaire, lancée en juin, a pour objectif déclaré de rationaliser la répartition des juridictions. Ce dossier fait l'objet de vives contestations chez les élus locaux de gauche comme de droite, qui craignent une sanction des électeurs lors des municipales de mars 2008.

La place Vendôme a déjà renoncé au principe initial de la réforme - un tribunal de grande instance (TGI) par département, une cour d'appel par région - pour se concentrer sur la suppression de petits tribunaux d'instance (TI), qui gèrent les petits litiges civils et pénaux.

La ministre a abandonné le comité consultatif national et a écarté l'annonce d'un plan national au profit d'un tour de France des cours d'appel qui doit se terminer mi-novembre. Pour l'heure, quelque 80 TI et six tribunaux de grande instance sont promis à la fermeture. Au total, 200 TI devraient être supprimés, ainsi qu'une vingtaine de TGI.

Les syndicats de magistrats soulignent qu'aucune économie ne pourra être réalisée, puisque les locaux, souvent bâtiments historiques, resteront à la charge de la collectivité, tandis que les personnels transférés devront être indemnisés.

REUTEURS

6 - Extrême-droite religieuse

1 - En Irak, la chasse aux gays est ouverte

http://rue89.com/2007/11/01/en-irak-la-chasse-aux-gays-est-ouverte

Depuis la fatwa de l'aytollah Sistani, les milices chiites traquent les homosexuels, qui vivent terrés. Témoignages.

Avec ses lunettes tendance et sa barbe bien taillée, Ali Hili pourrait passer pour un gay de Londres branché. Il l'est. Mais pas seulement. Car s'il aime rencontrer ses copains dans les bars à la mode à la nuit tombée, lorsqu'il fait jour, sa vie se fait plus militante et moins glamour.

En effet, Ali Hili, âgé de 34 ans, a fuit l'Irak en 2002. Il vivait à l'époque avec un diplomate étranger à Bagdad et sa relation était connue. Le régime de Saddam a donc voulu se servir de lui comme espion, pour obtenir des informations. Après être passé par la Jordanie, Dubai, la Turquie et les Pays-Bas, il a atterri à Londres, où sa demande d'asile a été rejetée plusieurs fois. Aujourd'hui, son dossier est en appel, mais il ne se fait pas d'illusion.

"Avant, il y avait des night-clubs gays à Bagdad"

En 2005, traumatisé par les assassinats en chaîne de ses amis restés au pays, il a fondé une association. Depuis, Iraqi LGBT aide les minorités sexuelles à se cacher pour échapper aux rafles des milices chiites et à fuir à l'étranger, dans le but de demander, comme lui, l'asile politique. Sa voix est calme et l'homme a appris à parler tout bas:
"Depuis l'invasion anglo-américaine, la vie des minorités sexuelles est devenue impossible à Bagdad. Avant, sous Saddam Hussein, l'Etat était laique et c'est difficile à croire, mais il était possible d'avoir une vie homosexuelle, il y avait des night-clubs gays. Aujourd'hui, le chaos a installé la terreur islamique chiite et les gays sont persécutés."

Pour les amis d'Ali, l'horreur a commencé suite à une fatwa (décret religieux), lancée par le grand ayatollah Ali Al-Sistani sur son site Internet. En mars 2006, le chef spirituel des chiites en Irak appelait les fidèles à tuer les homosexuels "de la pire manière qu'il soit". Entre temps, la page a été retirée, mais pas la fatwa. Et sur les pages en français du site, l'ayatollah répond encore, sans tabou, aux questions des internautes francophones chiites en matière de sodomie.
"Depuis cet appel d'Al-Sistani, les attaques, les menaces, les tortures et les meurtres homophobes se sont multipliés. Les fondamentalistes veulent nettoyer l'Irak de ses homosexuels. Il y a une milice, l'armée du Mahdi, qui est dirigée par Moqtada Al-Sadr, le chef de fil des chiites radicaux. Elle terrorise les gays. Et ses liens entre le ministère de l'Intérieur sont connus de tous."

Sur son blog, Ali Hili tient méticuleusement à jour les chiffres des victimes de la chasse aux impurs, obligeant l'ONU et le département d'État américain a condamner l'inaction du gouvernement irakien en décembre 2006 et mars 2007. Celà n'a pas été fait de bon coeur, tant les Républicains rechignent à charger la barque du cabinet précaire de Nouri Al-Maliki, le Premier ministre. Ce dernier, par la voix de son porte-parole, Ali al-Dabbagh, a repproché à la communauté internationale, en janvier, d'aborder un sujet tabou pour les Irakiens:
"Le rapport de l'ONU parle du phénomène de l'homosexualité et leur donne des droits. De telles positions ne sont pas supportables pour la société irakienne. C'est rejeté. (Les Nations-Unies) doivent respecter les valeurs et les traditions, ici, en Irak."

"Plusieurs de nos membres sont déjà morts après avoir parlé aux médias"

Depuis cette prise de position, rien n'a bougé sur le terrain et la situation s'enlise. Ali Hili le déplore:
"Nous sommes tout un réseau, mais malheureusement, je suis le seul à dévoiler mon visage et à donner des interviews, parce que plusieurs de nos membres sont déjà morts après avoir parlé aux médias. Du coup, on ne montre pas nos projets à la presse et la conséquence est terrible : personne ne parle de nous."

Le ton est un peu amer, car l'association Iraqi LGBT, qu'il a fondée avec l'aide du vétéran anglais pour la libération homosexuelle Peter Tatchell, n'a plus les moyens financiers de payer les médicaments des personnes séropositives et d'entretenir les maisons anonymes qui servaient de refuge aux homosexuels menacés de mort. Deux d'entre elles ont fermé mercredi.

Par l'intermédiaire d'un militant sur le terrain, après avoir donné le mot de passe, il est possible de discuter au téléphone, et dans un anglais approximatif, avec plusieurs de ces homosexuels, traqués, terrorisées et dont certains ne savent pas où aller. Personne ne devait savoir où se situaient ces maisons. Ceux qui y vivaient ont échappé à des rafles, ont reçu des menaces ou sont des proches de gens assassinés. Ils ne peuvent plus travailler, n'arrivent pas à quitter le pays. Leur homosexualité est connue des islamistes. L'un d'entre eux raconte, sans qu'il soit, bien sûr, possible de vérifier son histoire: "Le propriétaire a récupéré les clefs mercredi. On n'arrivait plus à payer le loyer et les frais s'élevaient à 2000 dollars par mois, en comptant le salaire des deux gardes qui veillaient sur nous. Nous étions une douzaine d'homosexuels à y vivre et aujourd'hui, je ne sais pas où aller, je dors chez un ami, les milices vont nous retrouver."

Il raconte comment il a échappé à la mort cet été:
"Des membres des milices se sont fait passer pour des homosexuels sur la toile et m'ont donné rendez-vous. C'était en juillet. Ils m'ont séquestré et torturé. Ils voulaient que je donne le nom d'autres gays. Puis ils m'ont emmené dans le désert. Ils m'ont dit qu'ils allaient me tuer, puis ils ont reçu un coup de téléphone et sont partis précipitement. Je n'en reviens toujours pas d'être encore en vie."

Les témoignages de ce genre sont très nombreux. Face à eux, Ali Hili déplore son impuissance:
"Je suis désespéré et j'ai un peu honte, parce que je ne peux plus promettre des choses que je ne peux pas offrir. Moi-même je n'ai droit de rien faire, puisque je suis en demande d'asile. Ni de travailler, ni de voyager. Je suis en survie. Iraqi LGBT, qui est la seule association reconnue au monde qui vienne en aide aux gays irakiens, ne reçoit aucune subvention de la part du gouvernement britannique. Pourtant, elle est utile et sérieuse: nous travaillons avec Human Right Watch et Amnesty International."

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Blaise Gauquelin Journaliste

Agenda

vendredi 9 novembre 2007, 20:30

Laïcité et humanités

Vendôme (Loir-et-Cher ; à 43 minutes de Paris par TGV) au Minotaure

Le Comité Vendômois pour la Défense de la Laïcité reçoit Catherine Kintzler (neuf ans après sa première conférence à Vendôme) pour présenter son dernier livre : Qu’est-ce que la laïcité ? (Vrin)

et pour prononcer une conférence : "Laïcité et humanités"

La conférence sera suivie d’un débat et d’une séance de signatures.

samedi 10 novembre 2007, 13:30

Journée pour le République

Belgique
Salle des Miroirs du centre culturel De Markten
rue du Vieux Marché aux Grains 5 à 1000
Bruxelles

Le Cercle républicain et le Masereelfonds organisent pour la troisième fois une "Journée pour le République". Comme de coutume, le programme est très varié.

Nous commencerons par trois conférences:

Après un interlude musical présenté par Lady Day, vous assisterez à un débat (bilingue)

Gerlinda Swillen (Masereelfonds) dirigera un entretien entre Rik Van Cauwelaert (Knack), Dorothée Klein (Le Vif) et Vincent Pfeiffer (Télémoustique) sur la relation entre les médias et la monarchie.

Après une deuxième pause musicale assurée par Lady Day, la journée se clôturera par une remise de prix

Le Masereelfonds décernera le prix "De Potter-Gryp", prix du mérite républicain

Le Cercle républicain (CRK asbl) décernera le "Prix du Citoyen de la République" ainsi que le "Prix du Sujet de Sa Majesté".

La participation aux frais est de 4 EUR pour les membres du Cercle républicain et du Masereelfonds, 5 EUR pour les autres.

Annonce

samedi 19 janvier 2008, 08:00

1ère CONFERENCE DU SUD DE LA FRANCE SUR L'HOMOPARENTALITE

CENTRE RABELAIS
Boulevard Sarrail (Esplanade)
MONTPELLIER

APGL organisée par l'Antenne Languedoc-Roussillon de l'Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL)

Le programme de cette conférence se veut d'aborder toutes les situations rencontrées par les homosexuels pour fonder une famille et vivre leur parentalité. Des thèmes encore peu accessibles comme le désir d'enfant chez les transexuels et la gestion pour autrui (GPA, mères porteuses) seront aussi abordés.

Toutes les infos (inscriptions, programmes, etc) à cette adresse: http://conf.homoparentalite.free.fr/

Voir l'agenda complet en ligne

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine est édité par l'association:
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