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Le bout du tunnel – Du suicide collectif au renouveau de la gauche française, par Jean-Claude Rennwald

Jean-Claude Rennwald, journaliste, politologue, dirigeant syndical (Union syndicale suisse et Unia – le plus grand syndicat de Suisse qui représente les intérêts des employés du secteur privé) et ancien député (PS) au Conseil cantonal suisse.

C’est un ouvrage dense qui parcourt la situation politique de la gauche française du XXe siècle et la situation actuelle. Il pointe du doigt la faiblesse syndicale en nombre d’adhérents et sa division en une multiplicité de syndicats. Il tente de proposer des perspectives quant aux potentialités de rebond de la famille progressiste socialement parlant. C’est un essai intéressant qui permet de mieux appréhender le réel pour construire une société plus juste. Une critique peut être faite : il invite certes la gauche à renouer avec les travailleurs, à promouvoir des réformes favorables aux couches populaires, mais il oublie la « double besogne ». Cette dernière consiste à la fois à défendre les intérêts immédiats du peuple, à porter des revendications sociales, mais à étendre dans l’ordre économique ce qui a été obtenu dans l’ordre politique avec le suffrage universel et les principes républicains.

Des propos inspirants de Jean Jaurès précisent qu’il faut parvenir, dans l’ordre économique, à transformer la propriété capitaliste au travers de délégués ouvriers dans les conseils d’administration, que « la propriété cesse d’être monopoleuse, cesse d’être particulière et privée, devienne sociale afin que les producteurs associés participent à la fois à la direction du travail et au fruit du travail », qu’il ne faut pas « opposer l’action d’aujourd’hui [réformes sociales] à l’action de demain, l’esprit révolutionnaire et l’action réformatrice »(1)Propos cités dans le livre Jaurès, rallumer les soleils, collection Omnibus.. C’est là, peut-être, le point faible de cet ouvrage au demeurant très utile, car son analyse est étayée par de nombreux tableaux et statistiques. 

« La gauche la plus bête du monde ne sait pas compter »

L’échec, lors de l’élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022, trouve, en partie, son origine dans la pléthore de candidats se réclamant de la gauche. Les autres causes relèvent, pour une partie des dirigeants, de l’oubli des classes populaires, de l’adhésion à une politique ultralibérale très amplifiée sous le quinquennat Hollande, des egos surdimensionnés chez la plupart des candidats au point de faire dire à Cécile Prieur, citée par l’auteur : « La lutte des classes a été remplacée par la lutte des places. » Pour l’auteur, l’organisation d’une primaire citoyenne aurait pu éviter la dispersion des voix et d’affirmer que Jean-Luc Mélenchon aurait eu tout à gagner à y participer. À cela s’ajoute, notamment au sein du PS, un certain « mépris de classe » au point de « porter un regard condescendant sur celles et ceux qui ne sont pas du sérail », à savoir de l’ENA ou de Sciences Po. Cela a ouvert, à côté de la montée en puissance de l’abstention, un boulevard au RN pour agréger les habitants de la « France des services publics insuffisants ». L’autre obstacle qui empêche une parole alternative est « la dérive médiatique » qui met sous la coupe de milliardaires nombre d’outils de communication et d’information.

L’auteur semble minimiser les désaccords entre les candidats de gauche qui auraient un certain nombre de sujets sur lesquels ils sont d’accord : la hausse du pouvoir d’achat (1 400 € net à 2 000 € pour le SMIC), l’âge légal de départ à la retraite (statu quo à 62 ans ou retour à 60 ans), le temps de travail (32 heures par semaine voire 4 jours), la sortie progressive du nucléaire (hormis le candidat du PCF). Pourtant sur l’Union européenne et la souveraineté, des divergences profondes existent.

Les résultats au 1er tour de l’élection présidentielle indiquent une progression du total des voix de gauche passant de 27,85 % en 2017 à 31,94 % en 2022 avec Jean-Luc Mélenchon qui a obtenu le meilleur score. Le vote « utile » l’a favorisé en partie, pour environ 30 %(2)30 % des décisions de dernière minute lui ont été favorables., mais c’est surtout un « vote de classe » qui l’a favorisé dans les quartiers populaires des grandes villes et parmi la jeunesse.

Paysage politique : bilan de quatre décennies

L’affaiblissement de la gauche s’est accompagné d’une recomposition avec un PCF et un PS au bord du gouffre au bénéfice des Insoumis qui tiennent le haut du pavé. L’autre constat est que cela est valable pour l’élection présidentielle, mais pas pour les élections locales dans lesquelles PS et PCF conservent une implantation non négligeable.

À l’autre bout de l’échiquier, la droite traditionnelle sort affaiblie, laminée par Renaissance macroniste et l’extrême droite, notamment le RN.

Petit rappel historique des moments plus ou moins grands de la gauche française

L’auteur brosse un rapide tour d’horizon des grands moments populaires :

Liens entre réformes sociales et victoire de la gauche

Un trait commun apparaît entre tous les moments décrits ci-dessus : « Toutes les victoires de la gauche au XXe siècle [1936, 1981, 1997 avec des bémols concernant à mon avis les portées réelles des réformes souvent plus sociétales, à ne pas négliger, que sociales] ont été associées à la promesse d’une ou plusieurs réformes sociales clairement compréhensibles et visualisables dans la vie quotidienne. »(3)Christophe Bouillaud, politologue, blog Mediapart, 13 septembre 2021..

Toutes les avancées sociales sont le fait de la gauche unie au pouvoir.

Robert Guediguian, cinéaste et militant de gauche.

Analyse des raisons des échecs de la gauche

L’auteur revient sur le tournant de la rigueur décrété par François Mitterrand en mars 1983. Ce tournant signifie le ralliement du Parti socialiste à l’économie de marché et la fin d’une politique de rupture économique qui se traduit par un « tassement des salaires et du pouvoir d’achat ». Ce ralliement n’est pas sans rapport avec la philosophie économique et financière de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. En un laps de temps très court, de 1983 à 1986 (Laurent Fabius et Jacques Delors) et de 1988 à 1993 (Pierre Bérégovoy et Michel Rocard), les profits ont engrangé neuf points prélevés sur la richesse nationale annuelle au détriment des salaires. « Cette politique de « désinflation compétitive » se traduit par du chômage de masse, la fin de la réduction des inégalités et la modification brutale de la répartition de la valeur ajoutée aux dépens des travailleurs. »(4)Fabien Escola, chercheur à Sciences Po Grenoble.

Banalisation et montée du Front national devenu Rassemblement national

L’instrumentalisation de l’extrême droite façon FN puis RN (même si la dirigeante de ce dernier a pris ses distances avec les positions crypto-fascistes et libérales de son père) est un coup politique : « On a tout intérêt à pousser le FN. Il rend la droite inéligible. »(5)Pierre Bérégovoy, ministre en 1984. Autrement dit, l’intérêt général et des salariés passe par pertes et profits. L’objectif est de rester au pouvoir quoi qu’il en coûte.

Déontologie ou éthique à géométrie variable

François Mitterrand a cumulé les « affaires » :

Gouvernement Jospin (1997-2002) ou l’inféodation au système ultralibéral

Les « privatisations à la pelle » et/ou les ouvertures aux capitaux privés, malgré les promesses d’arrêt de ce processus, sont le signe patent de la poursuite du tournant de 1983 et de son inscription, même si l’auteur ne le précise pas, dans la logique maastrichtienne :

Comble du comble qui confirme une sorte d’abandon de la classe ouvrière, c’est l’absence du mot « ouvrier » dans le document de campagne de l’élection présidentielle de 2022.

Quinquennat Hollande (2012-2017) : la gauche néolibérale assume une politique délétère pour les travailleurs

À côté de certaines réalisations intéressantes socialement et sociétalement comme le retour à la retraite à 60 ans pour certains secteurs, la baisse du salaire du président et des ministres, la loi sur le harcèlement sexuel, la gratuité de la contraception pour les mineurs, le mariage pour tous, la création de 7 000 emplois dans l’Éducation nationale, ce qui a marqué le quinquennat est l’alignement sur la logique des « réformes » du chancelier Gerhard Schröder qui a détruit outre-Rhin des pans entiers de la Sécurité sociale, qui a augmenté dans de grandes proportions la précarité et la pauvreté. Cet alignement a inspiré François Hollande pour affirmer qu’il faudra « travailler plus longtemps ».

Les dérives néolibérales, souligne l’auteur, résident dans la « politique de l’offre » et la loi Travail :

La loi Travail constitue une formidable régression en instaurant la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche. Jusque-là, l’accord d’entreprise primait seulement si et seulement s’il était plus avantageux pour les salariés.

Abandon de la classe ouvrière

La conséquence visible, comme nous l’avons soulignée dans nos analyses des élections présidentielles et législatives, est que la classe ouvrière et les classes populaires en général ont retiré leur confiance au Parti socialiste en particulier et à la gauche en général. Cela est sous-jacent d’une stratégie privilégiée de conquête des classes moyennes supérieures. Seul Jean-Luc Mélenchon réussit, en partie, à rallier un vote des classes populaires dans certains quartiers. Ce vote populaire s’est retrouvé dans l’abstention, le vote RN favorisant l’émergence idéologique néolibérale de l’extrême-centre du macronisme attirant, soit par opportunisme soit par conviction, des élus socialistes ou de droite.

La division syndicale comme facteur aggravant

Ce qui caractérise le syndicalisme français, c’est l’éparpillement de ses forces avec sept centrales syndicales ou organisations « généralistes », sans compter les organisations propres à une profession ou à une région. Cela expliquant peut-être cela, en parallèle, s’ajoute un taux de syndicalisation « misérable » avec 8,8 % contre plus de 50 % en Europe du Nord et en Belgique voire 90 % en Islande ou encore 10,1 % aux États-Unis.

L’absence de relais politique entre syndicat et mouvement politique depuis la Charte d’Amiens de 1906 – prônant l’indépendance vis-à-vis des partis politiques sinon la défiance à l’égard du combat parlementaire – n’arrange rien. L’histoire nous apprend que c’est lorsque le duopole partis de gauche d’un côté et syndicats de l’autre fonctionne que les forces de changement parviennent à obtenir de profondes réformes.

Emmanuel Macron : l’injustice et le néant

L’auteur consacre un chapitre à Emmanuel Macron en introduisant son propos par une reprise d’Eloi Laurent(8)Économiste, professeur à Science Po in Alternatives économiques, juillet-août 2021. : « La menace la plus grave qui pèse sur la vie des personnes en France n’est pas la violence des autres, c’est la brutalité des conditions d’existence, l’inégalité devant l’accès aux soins préventifs et curatifs… » Les mesures phares de son quinquennat le placent en bonne place parmi la catégorie des présidents des riches : suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) soit entre 3,5 et 5 milliards de recettes fiscales en moins et un gain appréciable pour les 1 % des plus aisés de la population, baisse de l’imposition des revenus du capital (dividendes, intérêt, plus-values), diminution de l’impôt sur les sociétés passant de 33,3 % à 25 % en cinq ans. Parallèlement(9)Selon l’Institut des politiques publiques., le taux de pauvreté a crû de 2016 à fin 2020 de plus 0,6 %(10)Passant de 14 % à 14,6 %. et les 5 % les plus modestes ont vu leur niveau de vie baisser alors celui du 1 % le plus aisé s’est accru de 2,8 % et celui du 0,1 % de très riches de 4,1 %.

Aux mesures favorables aux plus riches, se sont conjuguées des mesures antisociales : diminution des aides personnalisées au logement, davantage de travail de nuit et du dimanche, possibilité pour les employeurs de négocier des accords d’entreprise moins favorables aux travailleurs que les accords de branche, réduction de l’aide aux salariés qui perdent leur emploi, transfert du financement de la protection sociale des cotisations sur les salaires vers l’impôt.

Cela remet en cause l’État « providence » (auquel je préfère, car moins « religieux » l’État de droits, notamment universels). En effet « toute baisse d’impôts réclame une baisse des droits sociaux… »(11)Christian Chavagneux in Alternatives économiques, janvier 2022.

Des milliardaires toujours plus riches, indique François Ruffin, député de la France insoumise(12)Le Monde, 22 juin 2022 : « En cinq ans de Macron, les milliardaires ont vu leur patrimoine multiplié par trois… Les cinq premières fortunes ont triplé sous Emmanuel Macron. » Une méthode de gouvernement antirépublicaine où l’État privatisé est la marque de fabrique du macronisme avec en 2021, selon un rapport du Sénat, plus d’un milliard d’euros de dépenses pour des prestations demandées à des cabinets de conseil privés et un doublement de ce type de dépenses depuis 2018. Le cabinet le plus connu est celui qui est surnommé « La Firme » à savoir McKinsey(13)Cf. https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-contre-le-neoliberalisme/mckinsey-ou-la-volonte-dintervenir-dans-des-domaines-regaliens/7431204.

Autre caractéristique de la méthode Macron, c’est un exercice du pouvoir à la fois autoritaire et solitaire(14)Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde qui ont publié le livre Le traître et le néant, traître pour les naïfs…. Cela s’accompagne d’une attitude méprisante à l’égard du peuple : « Je traverse la rue et je vous trouve du travail. » ou encore « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas. » Selon Ludivine Bantigny(15)Face à la menace fasciste. Sortir de l’autoritarisme, Fayard, 2022., il serait plus exact de parler de « bonapartisme néolibéral » ou « d’autoritarisme du capital ». À ReSPUBLICA, selon l’expression chère à notre camarade Bernard Teper, nous préférons l’« extrême centre néolibéral » (Voir : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-lu-et-a-lire/lextreme-centre-ou-le-poison-francais-1789-2019-de-pierre-serna/7432195).

La « trahison » de certains socialistes

L’auteur pointe du doigt les nombreux socialistes qui ont quitté la gauche et rejoint Emmanuel Macron. La liste serait trop longue pour les citer ici. Nous pourrions préciser qu’il n’y a rien d’étonnant à cela vu la différence plus que ténue entre la politique économique et sociale menée sous Hollande ou celle de la droite sarkozyste. À côté de cette raison principale, il ajoute le propos d’Arnaud Montebourg : « Ils étaient devenus des professionnels, de ce cette nouvelle profession la politique. Leur métier était le pouvoir. Ils y étaient payés pour s’y maintenir. »(16)Arnaud Montebourg, L’engagement, Grasset, 2020..

Alternance : fin d’un cycle

Les élections législatives semblent, selon nombre d’observateurs cités par l’auteur, indiquer la fin de l’alternance gauche-droite et de la bipolarisation de la vie politique autour de deux grands partis de gouvernement, PS et Républicains. L’auteur aurait été inspiré de préciser gauche et droite acquises à l’économie de marché, au capitalisme actionnarial et financier.

Marine Le Pen et l’Union européenne : une analyse spécieuse

Nous ne sommes pas obligés de suivre l’auteur quand il critique la politique européenne du RN qui vise, tout comme par ailleurs le programme de la France Insoumise, à sortir la France du commandement intégré de l’Alliance atlantique, à s’émanciper des diktats de Bruxelles ou renégocier les traités comme y invite LFI. Le tropisme pro-européen semble affleurer quand il cite Enrico Letta(17)Ancien Premier ministre de l’Italie et président de l’institut Jacques Delors. : [en cas de victoire de Marine Le Pen] « l’existence même de l’Union européenne serait menacée ». Nous conviendrons que l’argument est spécieux : critiquer le fonctionnement actuel de l’Union européenne dans sa forme ultralibérale n’est pas être anti-européen, mais vouloir une autre Europe plus démocratique qui préserve la souveraineté des États et des peuples. Pour autant, nous ne mettons pas un signe d’égalité entre le RN et LFI comme le font nombre de commentateurs par paresse d’esprit.

Les législatives de juin 2022 : une « nouvelle donne »

L’auteur décrit la Nupes, dont Jean-Luc Mélenchon a été le moteur principal de cette alliance entre LFI, PCF, PS, EELV et Génération.s, comme un événement historique. C’est une recomposition de la gauche française, d’abord dominée par le PCF et le PS puis le PS seul et aujourd’hui par la LFI. À côté d’accords sur le retour à l’âge de départ à la retraite à 60 ans, sur un SMIC à 1 400 € net, l’instauration d’une VIe République (régime parlementaire), la planification écologique et l’abrogation de la loi EL Khomery (réforme du Code du travail sous Hollande), des différences voire des oppositions apparaissent, car cet accord ne mentionne pas le nucléaire, totem du PCF, la désobéissance aux traités européens chère à LFI. L’accord se contente du service minimum pour une Europe « au service de la bifurcation écologiques et solidaires ».

Nupes et Front populaire

Il y a loin de la coupe aux lèvres : entre les deux moments, il y a des différences essentielles. En effet, au-delà de l’unité, du danger que représenterait le RN, contrairement à 1936, en 2022, la dynamique syndicale et sociale primordiale avant-guerre n’est pas là et plus problématique l’articulation entre combat politique et luttes sociales n’est toujours pas d’actualité. À l’heure où cet ouvrage est écrit, l’auteur subodore cette possibilité avec un l’émergence d’un large mouvement populaire pour contrer le projet Macron-Ciotti de porter l’âge de la retraite de 62 à 64 ou 65 ans. Nous pouvons constater une large union syndicale. Le débat fait d’outrances verbales, d’invectives souvent indignes, à l’Assemblée nationale, rend difficile la convergence entre forces syndicales et forces politiques.

L’auteur, à raison, pointe une autre différence avec 1936, la composition sociologique de la société :

Des revendications communes et rassembleuses sont plus difficiles à définir. Des revendications telles que le pouvoir d’achat ou le « reste à vivre », une retraite digne semblent avoir un effet rassembleur.

Une gauche toujours minoritaire, mais une belle progression

L’unité a permis d’enrayer la descente aux enfers électoraux de la gauche non macroniste, mais s’est conjuguée avec une hausse inquiétante du RN. L’auteur poursuit en listant les 650 propositions de la Nupes qui se déclinent en chapitres tels que : « un autre partage des richesses », « le social d’abord », « articuler le social et l’écologie », « réindustrialisation du pays », « une autre Europe », « une éducation solidaire ». Ce programme de la Nupes(18)Dixit Mathieu Fulla, chercheur au centre d’histoire de Sciences Po. se situe dans la tradition de la gauche de 1936 à 1972 en passant par 1944 : primat de la question sociale, combat pour l’égalité, augmentation du pouvoir d’achat, baisse du chômage, confiance dans l’État comme levier principal de la transformation sociale avec la nationalisation des secteurs névralgiques (énergie, transports, banques…). L’auteur cite Romaric Godin(19)Mediapart, 1er juin 2022. qui considère le programme de la Nupes comme sérieux :

Internationaliser les luttes

L’auteur aborde ce thème en citant le personnage Khalil d’un roman(20)Khalil, taximan palestinien dans L’intrication, roman de Jacques Sibony, 2016. : « L’Internationale, les prolétaires en ont rêvé et les capitalistes l’ont faite ; ils l’ont appelée globalisation. »

Il pointe la dérive sociale-libérale de l’UE, la domination de l’économique sur le politique et le social (il serait plus juste de parler de renoncement volontaire des forces politiques), la priorité au grand marché, le chômage de masse (en 2018, 17 millions de personnes sans emploi dans l’UE). Il cite le livre de Thomas Piketty Rapport sur les inégalités mondiales qui invite à lutter contre les inégalités en proposant :

Pour l’auteur, une réflexion transnationale devrait émerger pour analyser le divorce entre les forces politiques notamment de gauche et l’électorat populaire.

Conclusion de l’auteur

L’auteur évoque des moyens pour la gauche de rebondir. Il semble arrimer ces moyens sur le Parti socialiste qui doit renouer avec son « cœur de métier », mettre « le social au cœur ». Le PS doit reconstruire l’alliance historique entre les classes populaires et moyennes. Cela implique également que les syndicats et les partis politiques s’interrogent sur certaines de leurs pratiques et sur leur fonctionnement. La réflexion doit se centrer non pas seulement sur la domination sociale et économique subie par les classes populaires, mais aussi sur le plan organisationnel. Le mouvement des Gilets jaunes s’explique en partie par le mépris tant social que culturel affiché par certains dirigeants de gauche, par la mise à l’écart de fait des classes populaires des assemblées, des partis, des collectifs.

L’auteur, sur le plan institutionnel, propose :

Pour lutter contre l’abstention, il suggère les innovations suivantes :

Cette dernière proposition pose de multiples questions, mais engage le nécessaire débat sur l’amélioration nécessaire de la représentativité plus équitable sur le plan socioprofessionnel.

Il prolonge son propos en insistant sur la nécessité d’opérer un « retour du social aux dépens du sociétal » tout en articulant ces questions avec l’écologie et l’égalité homme/femme. Il faudrait sortir d’une situation où les syndicats et les partis politiques sont trop recroquevillés sur eux-mêmes et sur leur pays. Pour autant, nous pourrions inviter l’auteur à relire Jean Jaurès pour qui « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie et que beaucoup d’internationalisme y ramène ». Ce même Jean Jaurès avait une vision de l’Europe comme une entité indépendante d’États, d’une part autonomes et souverains et d’autre part solidaires et fraternels, soit l’exact contraire de l’Union européenne actuelle…

Nous pouvons également critiquer dans sa conclusion l’appel à l’émergence d’un véritable leadership à gauche et de rappeler à notre bon souvenir la candidature de rassemblement de François Mitterrand dans la décennie 1970 : il oublie que Mitterrand a mené une politique de gauche durant quelques mois pour se rallier dès 1983 à l’économie ultralibérale et de marché tournant le dos aux intérêts des travailleurs. Souvenons-nous du vers de l’Internationale : « Il n’est pas de sauveur suprême. ». Le seul sauveur c’est le peuple organisé. Mais il a raison de citer Antonio Gramsci : « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté. ». Cela rejoint également la question de l’hégémonie culturelle que doivent conquérir les forces populaires, notamment au travers d’un réseau comme ReSPUBLICA, les cercles de « Combat laïque, combat social, fédérer le peuple », le REP (Réseau d’éducation populaire) s’y essaient en voulant créer des cercles militants transpartisans.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Propos cités dans le livre Jaurès, rallumer les soleils, collection Omnibus.
2 30 % des décisions de dernière minute lui ont été favorables.
3 Christophe Bouillaud, politologue, blog Mediapart, 13 septembre 2021.
4 Fabien Escola, chercheur à Sciences Po Grenoble
5 Pierre Bérégovoy, ministre en 1984.
6 Rapport de la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda, 26 mars 2021.
7 Lionel Jospin, Construire l’alternance (1971-1997), Fondation Jean Jaurès, 2022.
8 Économiste, professeur à Science Po in Alternatives économiques, juillet-août 2021.
9 Selon l’Institut des politiques publiques.
10 Passant de 14 % à 14,6 %.
11 Christian Chavagneux in Alternatives économiques, janvier 2022
12 Le Monde, 22 juin 2022
13 Cf. https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-contre-le-neoliberalisme/mckinsey-ou-la-volonte-dintervenir-dans-des-domaines-regaliens/7431204
14 Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde qui ont publié le livre Le traître et le néant, traître pour les naïfs…
15 Face à la menace fasciste. Sortir de l’autoritarisme, Fayard, 2022.
16 Arnaud Montebourg, L’engagement, Grasset, 2020.
17 Ancien Premier ministre de l’Italie et président de l’institut Jacques Delors.
18 Dixit Mathieu Fulla, chercheur au centre d’histoire de Sciences Po.
19 Mediapart, 1er juin 2022.
20 Khalil, taximan palestinien dans L’intrication, roman de Jacques Sibony, 2016.
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