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Chronique d'Evariste
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Le coup d’État « macroniste » adoubé par la séquence des élections présidentielle et législatives

par Évariste

 

Il faut lire cette chronique d’Évariste dans la continuité de celles qui ont suivi les deux tours de la présidentielle et le premier tour des législatives1.

L’abstention massive a une signification politique

Nul ne peut nier qu’un taux d’abstention qui est globalement de 57 %, qui dépasse les deux tiers dans de nombreux quartiers populaires et
frôle les 70 % chez les moins de 35 ans a une signification politique forte, qui questionne le lien social et politique entre les couches populaires ouvrières et employées et la représentation nationale mais aussi les partis. Surtout si on pense que ces couches sociales représentent 53 % des Français.
On pourrait ajouter à l’abstention massive, le nombre de 10% des blancs et nuls qui font que les votes exprimés vers des candidats sont de plus en plus minoritaires.

Cela seul devrait faire réfléchir ceux qui pensent que l’on peut aujourd’hui se passer de l’éducation populaire refondée. Car un lien brisé ne se reconstitue pas avec des formes traditionnelles militantes. Ce point sera pour nous un axe de travail pour le Réseau Education Populaire (Rep) qui devra se restructurer pour faire bien plus que les 400 initiatives annuelles actuelles ! Mais avec vous !

Le coup d’État « macroniste »

Le patronat et ses alliés ont anticipé l’écroulement du Parti socialiste (hollandais et frondeurs) et le déport de Fillon vers l’extrême droite catholique. Très vite, ils ont vu que pour battre leurs deux poulains, Juppé et Sarkozy, Fillon a passé un accord avec Sens commun, le parti d’extrême droite issu de la Manif pour tous. Ils ont alors organisé la mise en orbite d’un autre poulain : Macron. Car l’oligarchie jouera toutes ses cartes néolibérales avant de parrainer une alliance avec l’extrême droite. À cette fin, tous les groupes médiatiques dirigés par le patronat du CAC 40 ont « dégagé » des journalistes qui n’étaient pas dans la nouvelle ligne : des dizaines de journalistes écartés des postes importants. Beaucoup de députés, alliés du patronat, socialistes ou LR, ont rejoint le nouveau «  roi ». Ce qui restera de LR aura le choix entre rejoindre le camp du FN comme Dupont-Aignan l’a déjà fait et rejoindre le camp du nouveau « roi ». Ce qui reste du PS aura le choix entre rejoindre le camp du nouveau « roi » et affirmer une franche opposition de gauche à ce coup d’État « macroniste » avalisé par un plébiscite sans précédent. Le vote sur la confiance au gouvernement et la loi d’habilitation des ordonnances donnera alors les tendances pour la séquence nouvelle qui s’ouvre.

Le FN reste en embuscade

Le débat au sein du Front national devra revenir sur l’accentuation de plusieurs  contradictions internes. Entre une minorité de l’extrême droite catholique existante dans le FN qui aimerait faire la jonction avec la majorité de l’extrême droite catholique encore à l’extérieur du FN, notamment par une alliance avec  Sens commun, et l’actuelle direction qui voit les inconvénients de cette stratégie, notamment vis-à-vis des jeunes. Dilemme entre ceux qui veulent intégrer la droite de la droite et ceux qui veulent rester sur une position souverainiste vis-à-vis de l’Union européenne.

Mais pour nous, ce parti, qui a fortement progressé à la dernière présidentielle et qui a accru le nombre de ses parlementaires, reste un danger majeur, dans la mesure où si Macron subit le même désaveu qu’Hollande, il  pourrait être la roue de secours du patronat du CAC 40 comme dans les années 30.

La gauche divisée condamnée à la restructuration-recomposition

Dans l’opposition de gauche au coup d’État « macroniste », c’est l’extrême division qui est le réel.

Combien dans les députés PS se positionneront  dans une franche opposition au « roi » Macron ? Nous avons entendu des propos très contradictoires dimanche soir après les résultats de l’élection.

Le fait que la France insoumise puisse faire un groupe à l’Assemblée est plutôt une bonne nouvelle. Ce sera un point d’appui pour les luttes sociales et politiques à venir. Nous verrons donc quels sont les députés PC, PS ou divers gauche qui rejoindront ce groupe.

À noter cependant que si l’on ajoute les nouveaux députés FI et les députés communistes, ils sont bien plus nombreux que lors de la dernière législature.

Faire tomber les haines entre militants de la gauche d’opposition au coup d’État « macroniste » serait un point positif.

Que faire dans la nouvelle séquence ?

Si nous  reprenons notre slogan, il convient de se sortir des impasses de la gauche de la gauche, de la gauche radicale, etc., pour construire une vraie gauche de gauche.

  • Tout d’abord, retrouver le lien avec les couches populaires, ce qui demande un travail de terrain sur des bases sociales, laïques, anti-racistes et républicaines. À ce titre, il faut noter, par exemple, que Mathilde Panot, nouvelle députée « France insoumise » de la circonscription d’Ivry, a fait une campagne claire sur ces sujets, au contraire du candidat PC, qui a développé une campagne communautariste avérée.
  • Soutenir les luttes sociales et le mouvement syndical revendicatif qui seront, dans la nouvelle séquence, au premier rang de la lutte contre l’intensification de la politique de destruction des conquis sociaux par ordonnances durant l’été. Après les 49-3 de Hollande, voici les ordonnances de Macron.
  • Abandonner les postures para-keynésiennes en économie car les solutions à la crise ne sont pas des problèmes techniques que l’on peut résoudre seulement par un volontarisme accru. Il n’y aura plus de grands conquis sociaux, comme auparavant, sans un changement de paradigme avec un nouveau modèle politique alternatif à mettre en débat et en processus. Un modèle politique, c’est autre chose qu’un programme. Cette stratégie de l’évolution révolutionnaire (Marx 1850, Jaurès, etc.) vers un modèle politique alternatif se doit d’engager à terme un changement des rapports de production, un changement des rapports de propriété, etc.
  • Développer une formation militante cohérente et globale, sur les sujets intéressant les couches populaires ouvrières et employées et les couches moyennes intermédiaires, à savoir la protection sociale2, les services publics3, l’Union européenne, la politique sociale et économique, l’écologie, le féminisme, l’anti-racisme radical, la laïcité comme moyen de la souveraineté populaire, les politiques d’immigration et de la nationalité (car cela va ensemble), la géopolitique mondiale, les traités internationaux, etc.
  • S’engager prioritairement dans l’éducation populaire refondée pour mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle. Cela passe par de l’instruction, de la co-éducation et des nouvelles pratiques créant du lien social et politique. L’objectif d’un rassemblement des structures pratiquant l’éducation populaire refondée4 devrait devenir un objectif pour l’année 2017-2018.

En attendant, multipliez les débats mais pas dans l’entre-soi mortifère ni en n’invitant que ceux qui sont d’accord entre eux !

Hasta la victoria siempre !

 

  1. http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/les-enseignements-du-premier-tour-de-lelection-presidentielle-2017/7400228
    http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/retour-sur-le-triomphe-de-macron-le-7-mai-2017/7400277
    et  http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/11-juin-2017-enseignements-du-1er-tour-des-legislatives/7400393 []
  2. Par exemple, le partenariat du Réseau Education Populaire (Rep) avec l’équipe du film « La Sociale » de Gilles Perret a largement contribué au succès de ce documentaire (150.000 personnes, 500 débats). Pourquoi pas aujourd’hui répondre positivement à la demande de l’équipe du film de monter des comités « La Sociale » pour alimenter demain de nouvelles initiatives pour promouvoir une nouvelle Sécurité sociale refondée ? []
  3. La Convergence nationale Services publics en lien avec des syndicats CGT, FSU, Sud-Solidaires mènent aujourd’hui des luttes pour les services publics. []
  4. Et non pratiquant uniquement de la vente d’activités sans réflexion et sens de l’action comme cela se fait dans des organisations naguère d’éducation populaire. Rappelons notre définition de l’éducation populaire : « L’éducation populaire est une activité culturelle visant la transformation sociale et politique aux fins que chaque salarié, chaque citoyen soit acteur et auteur de sa propre vie ». A noter que si ladite transformation sociale et politique doit résulter de l’action politique, les militants des partis qui y œuvrent devraient plus réfléchir au rapport de l’éducation populaire avec l’action partisane… []
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Dans quelle crise sommes-nous ? n° 9

par Philippe Hervé

 

« La crise c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître. »
Antonio Gramsci

Ce neuvième numéro de notre série d’article “Dans quelle crise sommes-nous ?” (voir articles n°1, 2, 3, 4, 5 ,6, 7, 8), depuis l’implosion du capitalisme financier lors de la crise dite des Subprimes-Lehman de 2007-2008, sera marqué cette fois, et de manière appuyée, par la description de la décomposition brutale du Politique, au sens global du terme, dans l’espace occidental
D’abord financière, puis économique et sociale, l’onde de choc de la fermeture du pli historique ouvert au 16e siècle atteint maintenant les rouages des formes de représentation des populations, tant en Europe qu’en Amérique du Nord. Brexit au Royaume-Uni, élection de Donald Trump aux USA et celle d’Emmanuel Macron en France constituent les symptômes d’une fragmentation des dispositifs politiques. Chaque pays, avec son histoire particulière et ses formes juridiques institutionnelles spécifiques, réagit de manière différente à la révolution à laquelle nous assistons depuis neuf ans.

 

Révision : la notion de Grand radiateur monétaire

Rappelons que la mise en place d’une sorte de capitalisme assisté vers 2010-2011, prenant la forme de ce nous nommons un “Grand radiateur monétaire”, commence à peser. Il pressure, certes comme d’habitude les couches populaires – ouvriers et petits employés -, mais aussi les couches moyennes et désormais des fractions significatives de la petite et moyenne bourgeoisie. Rappelons une nouvelle fois ce que nous entendons par “Grand radiateur monétaire” et le déplacement de richesse qu’il induit: pour “assister” les monopoles financiers moribonds, les banques centrales de l’espace occidental injectent plus de trois mille milliards de dollars par an dans la masse monétaire globale. Pour éviter une inflation somme toute logique, voire une hyper-inflation, les économies sont soumises à des politiques économiques récessives car déflationnistes en terme de réduction de leur masse monétaire. Ainsi, les injections de liquidités (ou QE pour quantitative easing) sont égales ou peu différentes de la dévalorisation des actifs, au sens large, des particuliers et des petites et moyennes entreprises non transnationales. Comment se traduit cette dévalorisation générale des actifs ? Pour ceux qui ne possèdent rien de significatif sur le plan monétaire, elle se manifeste par une baisse des prestations sociales, seul “actif” des gens modestes, comme les indemnisations chômage, les couvertures santé, les retraites ou encore la “valeur” de leurs contrats de travail. Les petits possédants, quant à eux, sont confrontés à une dévalorisation, en intégrant la dévalorisation monétaire, de l’immobilier, la baisse de la valeur des fonds de commerce et aussi la valeur des contrats de travail pour les cadres moyens ou supérieurs (la valeur de ceux-ci pouvant atteindre plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d’euros pour des cadres aux salaires et à l’ancienneté élevés).

 

Divorce en raison de la dévalorisation générale des actifs

Cette dévalorisation générale des actifs, induite par ce “Grand radiateur monétaire”, est la base objective d’un divorce fondamental : la divergence d’intérêt entre la micro-couche financière internationale et les “bourgeoisies sociologiques” dans l’ensemble des pays occidentaux. Traditionnellement, l’alliance de classe dominante “type” en Europe et en Amérique du Nord solidarisait les intérêts du capitalisme financier avec ceux des “bourgeoisies sociologiques”, comme les professions libérales ou les petits patrons par exemple, des possédants. Elle intégrait même des fractions des classes moyennes, certains fonctionnaires ou parfois même des pans entiers de “l’aristocratie ouvrière” en particulier en Allemagne et en Scandinavie. Cette alliance a vécu, la survie sous assistance respiratoire des “zombies” financiers implique la guerre de classe… au sein même du camp bourgeois ! Cette guerre de tranchées entre des intérêts de classe divergents a provoqué une tempête politique dans l’année qui vient de s’écouler, principalement au Royaume-Uni, aux États Unis mais aussi en France.

 

Chronique d’une dislocation en trois exemples

Reprenons la chronique de cette tendance à la dislocation politique en décrivant trois situations aux Royaume-Uni, aux USA et en France.

Le Royaume-Uni protège la City

Le Royaume-Uni décide donc le Brexit. Distinguons bien : l’élément important n’est pas le non des Britanniques à l’Union européenne par référendum, ce qui est finalement assez courant en Europe. La véritable nouveauté est qu’une partie de la bourgeoisie d’affaires applique ce choix et n’exige pas de faire revoter jusqu’à ce que le “bon choix” s’impose. Cela a été le cas en Irlande ou aux Pays-Bas. L’autre option a été le passage en force par voie parlementaire comme en France. Les raisons de ce choix, entériné aussi bien par les conservateurs de Theresa May que par les travaillistes de Jeremy Corbyn, sont certainement multiples,  et en partie spécifiques. On en est donc réduit à des hypothèses. Elles peuvent être regroupées en raisons subjectives et objectives. Au sein du bloc dirigeant, le subjectif patriotique “îlien” a joué son rôle. Celui-ci est d’autant plus fort qu’il existe une trace politique aristocratique, présente en particulier à la chambre des Lords et autour de la Reine. Celle-ci a d’ailleurs refusé toute déclaration favorable à l’Union européenne et a considéré a posteriori le Brexit comme une bénédiction. Sur le plan des raisons objectives, on peut arguer que la rupture de l’accord implicite avec l’Allemagne a certainement contribué à ce repli britannique. En effet, en favorisant l’émergence de la place de Francfort comme concurrent direct de la City, Berlin a mis fin au partage des rôles économiques entre les deux pays, entre une puissance industrielle en Allemagne et une puissance financière à Londres. Dans la cité londonienne coexistent la haute finance globalisée et une multitude de petites et moyennes entreprises financières, assurantielles ou de services divers, qui tiennent à rester à Londres. Elles refusent de voir leur fonds de commerce de clientèle du Commonwealth ou du Golfe arabique leur filer entre les mains au grand bénéfice de leurs concurrents allemands. Les Anglais perçoivent l’avenir européen comme détruisant leur écosystème financier. Par ailleurs limité par une industrie déjà en grande partie étrangère et une agriculture sans grande envergure, le Royaume-Uni ne pouvait perdre ses PME financières. D’où cette décision de rupture. Ce divorce est décrit par les médias continentaux comme une catastrophe économique annoncée pour le peuple britannique. Rien n’est moins sûr. Dans une période de dislocation, l’indépendance politique, économique, financière et monétaire est un atout de taille. De plus, la crise politique aux USA avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence peut provoquer un “découplement” politico-militaire entre l’Amérique et l’Europe dont les conséquences seront difficiles à gérer, y compris en termes de paix et de sécurité par rapport à la Russie, dans la région du Donbass en particulier.

Etats-Unis : bientôt la guerre ?

Venons-en à l’élection américaine de novembre 2016. Le caractère ubuesque de Trump diffuse comme un brouillard. La critique politique devient plus difficile avec ce genre de personnage loufoque… Ce qui rend le danger encore plus grand. Essayons donc de clarifier. Tout d’abord, enfonçons les portes ouvertes : l’on ne peut gagner les primaires républicaines puis l’élection présidentielle contre une candidate démocrate, officiellement soutenue par Wall Street, qu’en agrégeant autour de sa candidature des intérêts très puissants pouvant fournir les milliards de dollars que coûte aujourd’hui une campagne victorieuse. Quels sont ces intérêts, qui sont les soutiens de l’Ubu Trump ? Il semble que la “bourgeoisie sociologique” américaine ait misé sur Donald, en particulier les magnats de l’immobilier, les pairs du président. Il faut noter au passage que la mafia américaine a beaucoup investi dans la pierre depuis les années soixante et a sans doute participé au premier cercle de soutien d’un candidat par ailleurs ancien tenancier de casinos. Notons que d’autres fractions capitalistes se sont progressivement ralliées à Trump, après avoir constaté l’indigence des Rubio ou Bush. Il s’agit en particulier des pétroliers texans et des magnats de l’agro-alimentaire. Autour de ce noyau, se sont agrégés tous les intérêts menacés par la “globalisation”. Pour cette fraction capitaliste, la Nation garde encore un sens, car leurs pouvoirs économiques dépendent de la puissance américaine. Leurs intérêts en termes de profits se placent aux antipodes de politiques récessives, minant la valeur immobilière par exemple, ou provoquant la baisse des cours du pétrole, ruinant ceux qui ont misé sur le pétrole et le gaz de schiste au Texas ou ailleurs.
La guerre fut donc implacable contre Clinton, championne de Wall Street, porteuse des intérêts des tenant des “circuits longs”, du made in China et de la dévalorisation des actifs des capitalistes “enracinés “. Les conséquences de cette élection sont immenses. En premier lieu, elle peut décider de la guerre ou de la paix. En effet, les périodes de mutations technologiques, comme celle que nous traversons aujourd’hui, entraînant un « pli historique », sont par nature des périodes dangereuses. Trump ouvre de nouveau l’option d’une guerre possible, y compris nucléaire. Le dilemme est le suivant : ou la paix sur le long terme et la mise en place du
« capitalisme récessif » impliquant de fait l’acceptation de la fin de l’hégémonie US au profit de la Chine, ou la guerre en Asie ou en Europe pour garder le monopole de la force. Le choix doit se faire maintenant… ce qui rend la période particulièrement dangereuse. Car la guerre peut aussi apparaître comme un compromis acceptable pour les deux fractions du capital : il conforte aussi bien les intérêts de la bourgeoisie “enracinée” que ceux de la finance globalisée par la destruction de richesse et donc du processus récessif que la guerre induit.

France : les classes moyennes et supérieures vont payer cash leur vote

Troisième exemple de fracturation, le “coup de théâtre” de l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française. En fait, il faudrait parler d’une « implosion contrôlée » du dispositif politique en France où PS, LR, le PC et même le Front National ont accusé un brutal traumatisme. Plutôt que de subir une crise de la représentation politique, Macron a été le vecteur du « tout changer pour ne rien changer ». On peut y lire une certaine analogie avec la crise politique italienne dans les années 80, le délire en moins.
En grossissant le trait, Macron est l’alliage de la haute administration, de la finance et l’oligarchie nationale, et tout cela en gestion directe. Mais pourquoi donc cette “gestion directe”? Pour comprendre, revenons aux spécificités des groupes oligarchiques, totalement dépendants des commandes publiques et lourdement déficitaires. Ces sortes de “combinats soviétiques à la française” sont entièrement dépendants du “Grand radiateur monétaire”. Sans lui, point de survie. Tous les mois, la Banque de France se voit confier près de 17 milliards d’euros par la Banque centrale européenne qu’elle met en partie à disposition des groupes français structurellement déficitaires. Être pro-européen pour les groupes oligarchiques français n’est pas une opinion, c’est vital ! Mais la BCE exige en contrepartie que le Grand Radiateur fonctionne et soit purgé. Il faut donc que la compression de la masse monétaire française diminue d’autant. Et pour cela, la solution c’est Macron. Homme des banques, sa main ne tremblera pas lorsqu’il faudra saigner les classes moyennes supérieures et les petits bourgeois. Car son programme est on ne peut plus clair :
• Dévalorisation de l’actif contrats de travail, en plafonnant les indemnités prud’homales. Les cadres moyens et supérieurs étant les plus gros perdants.
• Dévalorisation de l’actif retraites, avec une tentative d’alignement des retraites des fonctionnaires sur celles du privé.
• Dévalorisation de l’actif immobilier par un ISF uniquement concentré sur la pierre.
• Dévalorisation de l’actif fond de commerce en modifiant la réglementation des professions dites protégée, à la manière d’Uber cassant la valeur d’une licence de taxis.
Si ces premières mesures déflationnistes ne suffisent pas à faire le compte des 17 milliards d’euros mensuels, d’autres suivront.
Ainsi l’électorat Macron, c’est-à-dire les classes moyennes et supérieures, vont payer cash leur vote.
Sur la campagne électorale proprement dite, signalons un fait : Macron a été un candidat “globalisé” puisque les mêmes recettes resservent d’un pays de l’OTAN à un autre. Nous avons assisté à la répétition à l’échelle 1, acclimatée à l’Hexagone, de l’opération Ciudadanos en Espagne. Même brouillage idéologique, même destruction des « formes partidaires » y compris des aspects « démocratiques » de ceux-ci (congrès avec majorité et minorité, désignation des candidats par instances représentatives ou vote en assemblées plénières ou par « primaires » pour désigner le ou les candidats, etc…). Cela est remplacé par des « mouvements » tout dévoués à leurs « chefs », où l’adhésion ne donne pas droit au vote pour désigner les instances dirigeantes. De fait, il s’agit d’un affaiblissement considérable de la sphère politique, puisque la sphère financière et l’oligarchie viennent de prouver qu’en France, « pays du Politique », elle pouvait faire élire “n’importe qui” en six mois de temps.
Sans tomber dans un emblématisme réducteur, la liquidation judiciaire de Fillon est bien la volonté de la finance alliée à l’oligarchie de ne laisser aucune marge de manœuvre à la  « bourgeoisie sociologique ». L’alliance qui perdurait depuis les années 50 est révolue. Nous ne sommes plus à l’époque ou l’on laissait tout bon bourgeois français garnir son compte en Suisse. Sauf la micro-couche liée à la finance, la “société de contrôle” veut tendre vers l’absolu. Cette rupture de l’alliance de classe devrait être la justification d’un large Front populaire… Mais pour le moment, aucune force politique, même Mélenchon qui a fait une campagne pourtant dynamique et éducative, ne la formule en ces termes objectifs.

 

Tout se termine avec la Chine

Mais reprenons un peu de hauteur et, comme souvent dans cette chronique, nous conclurons sur la Chine. Clairement, sa position se renforce. Ces crises politiques dans l’espace occidental mettent en valeur la cohérence stratégique de l’Empire du Milieu. Tout à la construction de ses “nouvelles routes de la soie” à travers l’Asie vers l’Europe et renforçant ses investissements aussi bien en Afrique qu’en Amérique du Sud, la Chine se place en nouveau centre de gravité de la mondialisation. D’ailleurs, certains pays occidentaux commencent à jouer son jeu sur le long terme. L’Allemagne et l’ensemble de sa zone économique (Benelux, Scandinavie, certains pays de l’ex Europe de l’Est), dépendent de plus en plus des flux économiques avec la Chine. La Russie, quant à elle, hésite encore à devenir le fidèle second de cette puissance asiatique. Ce qui explique la réception en grande pompe de Poutine à Versailles par le nouveau président Macron, pour faire un compromis entre euro-zone et Russie. Ces approches sont toutefois limitées par la position de l’OTAN sur d’autres régions comme le Proche-Orient. Globalement, la Chine continue à tenir son cap de l’alliance, profitable pour ses intérêts, avec la finance globalisée pour le contrôle des “circuits longs”. Contrairement à la Russie, elle a plutôt choisi avec prudence Clinton contre Trump, et en France Macron lui va très bien. Reste le danger de guerre en Asie avec le problème de la Corée du Nord, mais n’est-ce pas déjà trop tard pour affronter la Chine qui modernise son arsenal militaire à la vitesse grand V et montre sa maîtrise spatiale civile et militaire?
Bref, les temps qui viennent seront certainement des moments de “découplage” en particulier entre les USA et l’Europe et de tension asiatique, avec des conséquences que l’on peine encore à entrevoir clairement.



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