Les sociétés de sondage sont à la démocratie ce que sont les agences de notation pour la mesure de l’économie. Les unes, liées aux banques, défendent leurs intérêts ; les autres, dans ce monde régi par l’argent, influencent les choix démocratiques de ceux qui les payent.
Pour comprendre ce jeu de manigances, il suffit de regarder pour qui opère la grande majorité des directions des médias qui utilisent les sondages. Au lieu de nous prendre pour des c… en annonçant hypocritement : « nous vous prévenons, c’est l’analyse d’un moment donné ne présumant pas pour autant le vote final », ne devraient-ils pas nous expliquer l’utilité d’un sondage fait un an auparavant ?
On voit pourtant bien de quelle manière nous sommes conditionnés : Dominique Strauss-Kahn serait le seul candidat crédible à gauche… Suite aux sondages, beaucoup que nous rencontrons nous expliquent suivre leurs résultats. Et quelle manipulation !
Il suffit de se rappeler les unes des groupes de médias Dassault et Lagardère favorisant Ségolène Royal dans la primaire socialiste pour l’échéance de 2007, puis favorisant Nicolas Sarkozy dans l’élection elle-même.
Il suffit de se rappeler que le 24 janvier 1994, un sondage IFOP-L’Express donnait Balladur gagnant le second tour de la présidentielle avec 68 % face à M. Rocard et 64 % face à M. Delors. M. Chirac battrait M. Rocard mais serait distancé par M. Delors. Dans l’hypothèse où les deux “gaullistes” seraient sur les rangs, M. Balladur, avec 41 %, laisserait loin derrière lui M. Chirac (17 %). Le 18 janvier, un sondage Sofres avait même donné le premier ministre, testé comme seul candidat de la majorité, élu dès le premier tour avec 52 % ! On connaît la suite : M. Balladur fut éliminé d’entrée de jeu, et M. Chirac, confronté à M. Jospin, élu président de la République. Au final, du sondage au vote de M. Balladur, c’est le plus grand écart jamais recensé : avec beaucoup d’argent, on nous a fait croire que c’était le candidat qui allait gagner.
Et l’histoire se répète sans fin : il suffit de se rappeler un sondage CSA-Libération sur les intentions de vote, réalisé les 5 et 6 janvier 2001, ayant crédité M. Jospin de 29 % au premier tour (pourtant concurrencé par trois autres candidats de la “gauche plurielle”), contre 23 % pour M. Chirac et 9 % pour Jean-Marie Le Pen. Au second tour, le candidat socialiste l’emporterait avec 54 %, contre 46 % au président sortant. Trois autres sondages, début février, livrent la même conclusion : M. Jospin serait élu avec 54 % (BVA-Paris Match), 53 % (Sofres-Nouvel Observateur) et 51 % (Ipsos-Le Point). L’épilogue est, de loin, très différent : le 21 avril 2002, M. Jospin est éliminé, et M. Le Pen est qualifié pour le second tour…
Un quinquennat plus tard : un sondage CSA-Marianne réalisé les 25 et 26 janvier 2006 donne Ségolène Royal, pour la première fois, gagnante au second tour de 2007, avec 51 % contre 49 % à Nicolas Sarkozy…
2012 ? Il paraît évident que si Dominique Strauss-Kahn maintient sa candidature, il y aura beaucoup de monde pour rappeler qu’il a été nommé au FMI, entre autres par Nicolas Sarkozy, et qu’il fait la politique qui frappe les couches populaires. Il descendra alors dans les sondages. Le mot est lancé : bien plus que les 24% des salariés intermédiaires et les 15% de cadres salariés, ce seront les 53% des couches populaires (ouvriers, employés) qui feront l’élection !