Réflexions sur l’euro

Les ordolibéraux, qui ont pour l’instant tous les pouvoirs dans l’Union européenne et dans les Etats nationaux, organisent actuellement la fuite en avant vers l’abîme, lutte de classe oblige car quand on est au pouvoir, avec des intérêts, on change plus facilement de couleur de costume ou de tailleur que de politique économique. Malheureusement, beaucoup de ceux qui veulent leur résister pratiquent une politique simplificatrice de la prééminence, à savoir qu’une seule idée permet de tout résoudre et de fédérer. Il n’en est rien. Car pour y parvenir, il faut déloger la classe au pouvoir qui n’ y a pas intérêt. Et pour inverser le rapport des classes, dans un contexte de fin de cycle comme aujourd’hui, il convient de globaliser les combats et donc de proposer un modèle global alternatif au modèle actuel ordolibéral et ensuite avoir une pratique qui puisse produire la nouvelle hégémonie culturelle nécessaire. Dire par exemple « il suffit de sortir de l’euro » ou « il suffit de faire la révolution anticapitaliste », etc. est un mot d’ordre idéaliste qui mène dans une impasse totale (ce que le peuple a compris, il suffit de voir les résultats électoraux de la partie de la gauche de gauche qui pratique ce discours) car aujourd’hui, pour sortir de l’euro, il faut inverser le rapport des classes. Dire « il faut sortir de l’euro » sans dire comment on réalise l’alliance des classes pour y parvenir est un enfantillage.

Comme aujourd’hui l’implosion de la zone euro est plus probable que la sortie de l’euro à froid, il vaut mieux se préparer à cette implosion et définir les politiques de temps long et de temps court qui seront nécessaires, tout en disant comment construire l’alliance nécessaire à ces politiques.
Les majorités en place et les alliances de classe en vigueur au moment de la création de l’euro par le traité de Maastricht n’avaient pas intérêt à faire des transferts budgétaires du type de ceux que l’Allemagne a consentis lors de sa réunification. Elles souhaitaient enrichir les plus développés et les plus riches en développant l’euro plus le libre-échange et la concurrence libre et faussée. C’est pourquoi elles ont développé la fuite en avant de l’élargissement pour introduire des pays beaucoup moins développés qu’eux pour effectuer les sous-traitances au sein de la zone euro en lieu et place de la sous-traitance dans les pays moins développés sur d’autres continents. Bien évidemment, c’est l’Allemagne qui a été le vecteur de cet ordolibéralisme, variante du néolibéralisme mondial. Elles ont pris le risque de faire une zone de libre-échange à monnaie unique avec des économies divergentes, sans politique de relance salariale et budgétaire ni transferts budgétaires massifs, tout simplement car cela leur permettait d’augmenter rapidement les plus-values réalisées aux dépends des pays moins développés et des couches populaires des pays les plus développés.

Ainsi, la crise actuelle n’est pas une crise de l’excès de dépense publique. Mais elle n’est pas non plus une crise dont la cause première est celle des dettes publiques. Car cette crise des dettes publiques a différentes causes : les déséquilibres commerciaux entre pays divergeant économiquement augmentés par la monnaie unique elle-même, la privatisation forcenée du crédit et de la création monétaire, les bulles financières, la profitabilité de l’économie réelle dans cette phase du capitalisme. C’est bien pourquoi nous disons que cette crise de la dette est directement liée aux politiques néolibérales mais également au capitalisme lui-même. Et que la seule perspective est bien de conduire une alternative en termes de modèle politique alternatif ; c’est dans ce but que nous proposons de travailler sur celui de la République sociale réactualisé pour le XXIe siècle.

Après le déni de démocratie du traité de Rome lui-même (voir le discours de Pierre Mendès-France du 18 janvier 1957 à l’Assemblée nationale), l’Acte unique européen puis le traité de Maastricht, il restait aux majorités en place et aux alliances de classe qu’elles représentaient à organiser une succession de coups d’Etat contre les peuples pour supprimer la démocratie – qui est une des armes dont les couches populaires et les peuples peuvent se saisir pour engager la lutte-  et faire qu’une instance extérieure aux peuples décide à la place des peuples.
C’est comme cela que l’on peut comprendre la séquence Traité constitutionnel européen, Traité de Lisbonne, MES, TSCG (et ce n’est pas fini) jusqu’à la dictature financière finale.
Il s’agit donc bien de mesurer l’affrontement de classe et non de savoir quelle est la meilleure mesure technique financière pour sortir de la crise.