Nicolas Hulot ou l’écologie médiatique

Respublica ouvrait la rubrique écologie en début d’année avec un article au titre qui au fond s’avérait prémonitoire « le culot de Nicolas Hulot ». Effectivement il en faut une bonne dose pour se refaire une virginité écologique en démissionnant en direct par un coup médiatique, affirmant qu’il ne pouvait plus assurer sa fonction de ministre, tout en assurant son amitié à tous les membres du gouvernement et au président Macron et en souhaitant le succès à ce gouvernement. Bien sur l’intrusion d’une personnalité de la société civile dans le champ politique n’est pas une mince affaire ; on se souvient du Professeur Schwarzenberg, cancérologue hautement reconnu, acceptant le poste de ministre de la santé sous le gouvernement Rocard et démissionné une semaine plus tard après sa nomination, mais non 15 mois comme c’est le cas pour Nicolas Hulot.

Il semble complètement abscons de vouloir admettre à Nicolas Hulot sa sincérité au titre d’un engagement écologique trompé et d’une bonne volonté mise à mal : il savait où il mettait les pieds en entrant dans le gouvernement ultralibéral d’Emmanuel Macron et il n’en fait pas mystère en évoquant les veux de réussite pour ce gouvernement. Nicolas Hulot est un bateleur remarquable de la question écologique, mais il serait bien naïf de le considérer comme porteur de la cause écologique. On ne sort pas innocemment de l’univers médiatique de TF1 pour incarner la transition écologique et énergétique, comme sortir de la Banque Rothschild pour incarner l’intérêt général et lutter contre les inégalités sociales ! Le système financier et médiatique que l’on sert a sa logique et sa cohérence. Au mieux, peut-on lui décerner, si le personnage vous semble sympathique, le titre de tintin écologique au pays du capitalisme roi.

Le bilan politique de Nicolas Hulot est en effet très faible, la plupart du temps marqué par des postures pour justifier par exemple l’évacuation musclée des 300 zadistes de Notre-Dame-des-Landes par plus de 2 000 policiers avec un dispositif militaire disproportionné en déclarant « l’écologie ce n’est pas l’anarchie », ou par des décisions, au titre de la transition énergétique, qui ne pèsent rien comme l’interdiction (hors des permis en cours) d’exploiter les hydrocarbures en France alors que le niveau de production nationale représente moins de 1 % de la consommation nationale, ou des prises de décision qui frisent l’imposture comme l’interdiction du glyphosate d’ici trois ans sans l’inscrire dans la loi. Peut être que sa seule position courageuse aura été de reconnaître l’impossibilité actuelle de fermer les centrales nucléaires sans pour autant manifester la moindre volonté opérationnelle d’arrêter le nucléaire énergétique.

Cet écologiste, tout feu tout flamme pour expliquer que la planète brûle et que les bonnes décisions politiques ne sont pas prises, accepte en même temps sans sourciller les injonctions ultralibérales de l’Union européenne comme la privatisation des barrages hydroélectriques, la réforme de la SNCF sans évoquer, ne serait-ce que sur le site internet de son ministère, les enjeux écologiques, les incidences de la suppression à terme de plus de 10 000 km de lignes ferroviaires régionales, de laisser la voiture individuelle répondre aux nécessités de déplacement des citoyens, de faire la promotion du transport par autocars (cf. la loi Macron de 2015) et d’abandonner le fret à la route. En 2000, la part modale du fret ferroviaire était de 21 %. En 2016, le rail transporte moins de 10 % des marchandises, plus de 400 gares de fret ont été fermées. Cette stratégie de casse planifiée a conduit à mettre plus d’un million de camions chaque année sur les routes et l’on prévoit un doublement des camions sur ces mêmes routes d’ici 2050 ! Pour Macron et son gouvernement, l’avenir du rail c’est la route et Nicolas Hulot souhaite malgré tout le succès de ce gouvernement ! L’aménagement du territoire et le bilan carbone semblent être des notions inconnues à Nicolas Hulot. Les attributions de son ministère concernent les transports et leurs infrastructures et il est symptomatique que sa démission intervienne peu de temps après l’effondrement du pont autoroutier de Gênes et des interrogations françaises sur l’entretien effectif du réseau routier en France. Nicolas Hulot est porteur de la bonne parole écologique, mais s’est trouvé absolument muet sur les enjeux et les besoins de protection des réfugiés climatiques (de 25 millions à la fin du siècle précédent, ils sont pronostiqués à 250 millions selon les Nations Unies en 2050) au moment de l’élaboration de la loi Asile et Immigration.

Si ce constat peut paraître fâcheux et bien sévère pour un homme qui fait partie des personnalités les plus appréciées par une majorité de Français et se veut incarner le combat écologique, notamment par les travaux de sa Fondation, il convient pour en expliquer les raisons de faire apparaître les silences coupables de Nicolas Hulot sur le combat qu’il entend promouvoir pour la cause écologique car celle-ci mérite une cohérence de pensée et d’action.

La crise écologique et la crise sociale sont intimement liés et les dissocier conduit à un immobilisme écologique tel celui que l’on peut constater. La croissance ne peut être la réponse à la crise sociale et encore moins aux enjeux écologiques ; la réduction des inégalités, le partage des richesses constituent l’une des clés majeures pour sortir de cet impasse et non la théorie du ruissellement qui ne semble pas troubler Nicolas Hulot.

Les politiques ultralibérales de l’Union européenne ne peuvent répondre aux enjeux actuels. Les politiques de libre échange sont désastreuses pour nombre de pays africains, vidant les ressources publiques et déstructurant des sociétés déjà fragilisées par le changement climatique. Le protectionnisme social et environnemental constitue une approche qui mérite une réflexion approfondie, tant au niveau de la production industrielle que de la production agricole. Les politiques monétaires peuvent constituer des leviers importants pour s’orienter vers des nouvelles politiques respectueuses de l’environnement à condition de remettre en cause de l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE).

Sur tous les sujets qui conditionnent un avenir durable, nécessitant de trouver un nouveau système économique et social qui puisse s’installer en harmonie avec l’écosystème de la planète, Nicolas Hulot est absent de ces débats majeurs. S’il reste un excellent vulgarisateur de la cause écologique, son positionnement politique est d’une totale incohérence et sa démission une soumission à l’ordre établi (TINA, « there is no alternative ») en souhaitant le succès à Macron. Cette démission n’incarne aucunement un quelconque courage mais plutôt un reniement à la cause écologique qu’il entend défendre au nom d’un ordre établi dont il fait partie. Son successeur ne fera pas mieux.

ReSPUBLICA a décidé de consacrer ce numéro spécial à l’écologie, en publiant trois textes qui abordent ces thématiques. Bonne lecture !