COLLABORATIONS – Enquête sur l’extrême droite et les milieux d’affaires Laurent Mauduit – Éditions La Découverte – Collection Cahiers Libres – 22 €

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L’auteur, journaliste à Médiapart, nous livre là un outil majeur pour comprendre et combattre l’extrême droite. Ce livre est le complément parfait du livre de Johann CHAPOUTOT LES IRRESPONSABLES – Qui a porté Hitler au pouvoir ? (Ed Gallimard – nrf essais).

 

Là où Chapoutot travaille sur l’Allemagne des années 1920-1940, Laurent Maudit mène l’enquête sur notre période.

Leçons de l’histoire

S’il faut rester prudent sur la comparaison des périodes, des parallèles inquiétants existent.

Le rôle du Patronat dans l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite est souvent occulté par l’histoire « officielle ». Comme Johann Chapoutot et Daniel Guérin(1)https://maitron.fr/guerin-daniel-eugene-edmond/., qui écrivit dès 1936 La Peste brune et Fascisme et grand capital,republié plusieurs fois depuis(2)https://www.editionslibertalia.com/catalogue/ceux-d-en-bas/daniel-guerin-fascisme-et-grand-capital/., Laurent Mauduit rappelle les faits historiques qui montrent que, si tout le patronat allemand des années 1920-1940 n’était pas nazi, l’immense majorité a choisi de soutenir, peu ou prou, Hitler contre le parti communiste allemand (KDP).

Un parallèle avec notre présent ?

Si nous n’avons, heureusement, pas d’équivalent à Hitler, pour le reste, il y a bien des signaux inquiétants qui émanent du Patronat de France.

Tout d’abord, parmi tous les patrons qui ont accepté de parler à Laurent Mauduit, un seul a annoncé que, s’il devait choisir entre l’économie et la démocratie, il choisirait la démocratie !

Pour tous les autres, la peur de voir un mouvement social offensif et le Nouveau Front Populaire au pouvoir les amène de plus en plus à trouver le RN fréquentable. Laurent Mauduit regroupe méthodiquement nombre d’informations éparpillées et souvent oubliées qui montrent que des passerelles existent depuis longtemps entre l’extrême droite et le patronat français. Il y a bien sûr Bolloré et Stérin, mais aussi, directement ou indirectement, Bernard Arnault, Charles Beigbeder, etc.

Sans compter la galaxie des ex-GUD(3)Groupe Union Défense. et d’Occident(4)Groupuscules fascisants violents., qui peuplent les réseaux de dirigeants et communicants des organisations patronales. La contamination touche aussi certains des hauts dirigeants de Dassault.

Le capitalisme libertarien ou sauvage de Musk : tout est permis.

Mais la description ne suffit pas, l’analyse du danger est aussi à mettre au regard de l’évolution du capitalisme aux États-Unis. Ce capitalisme, incarné par Trump et Musk, est qualifié par Laurent Mauduit de « Capitalisme Libertarien(5)Rien à voir avec les courants libertaires : anarcho-syndicalisme, communisme libertaire (dont Daniel Guérin se revendiquait), etc.». L’auteur consacre un chapitre passionnant sur ce thème de « La mafia libertarienne ». Ces capitalistes ne veulent plus de règles collectives, juste la « liberté » d’entreprendre. Ils remettent en cause le rôle de l’État, au sens d’un capitalisme sauvage qui veut s’affranchir de toutes les règles, même celles des monnaies classiques. D’où leur passion pour les cryptomonnaies, par exemple, et la « politique de la tronçonneuse » dans les services publics.

Aux USA, ils ont trouvé en Trump et Musk les relais politiques de cette vision de l’économie. En effet, un gouvernement ultra-réactionnaire, autoritaire, répressif, etc., convient très bien à leur projet. En France, pour l’instant, ils n’ont peut-être pas encore trouvé le bon candidat. L’extrême droite française leur semble trop « étatiste ». Encore que Bardella et l’inflexion très nette du RN au sein de l’Assemblée nationale (comme nous l’avons décrit dans un précédent numéro de ReSPUBLICA) laissent augurer une conversion d’une partie de l’extrême droite aux thèses antisociales, antiécologiques et antidémocratiques du Capitalisme Libertarien.

Le MEDEF sur la voie de ce capitalisme sauvage

On comprend mieux la sortie de Patrick Martin, président du patron du parti des milliardaires, le MEDEF, qui, en août 2025, déclarait :

 Attal, Retailleau et Bardella sont les plus conscients des périls économiques.

https://www.radioclassique.fr/economie/exclusif-patrick-martin-president-du-medef-attal-retailleau-et-bardella-sont-les-plus-conscients-des-perils-economiques/.

Si le combat antiraciste contre le RN et ses alliés objectifs a permis de relativement contenir la poussée de l’extrême droite en France(6)Au regard de ce qui se passe dans de nombreux pays., cet angle n’est pas suffisant.

L’extrême droite : faux amis du peuple

Il est plus que jamais nécessaire et utile de rendre public les connivences entre l’extrême droite et une partie conséquente du Patronat. Au moins pour faire tomber les illusions d’une partie des électorats des classes populaires et moyennes qui, désarçonnés par tous les renoncements de la social-démocratie, se sont tournés vers le RN et ses sbires. Voter RN, c’est voter contre ses intérêts de classe.

Reste aussi au mouvement social à imposer son agenda et ses revendications sociales, écologiques et démocratiques, pour que la gauche politique s’unisse et renonce à ses compromissions avec le centre. Mais là, c’est une autre histoire à écrire ensemble.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 https://maitron.fr/guerin-daniel-eugene-edmond/.
2 https://www.editionslibertalia.com/catalogue/ceux-d-en-bas/daniel-guerin-fascisme-et-grand-capital/.
3 Groupe Union Défense.
4 Groupuscules fascisants violents.
5 Rien à voir avec les courants libertaires : anarcho-syndicalisme, communisme libertaire (dont Daniel Guérin se revendiquait), etc.
6 Au regard de ce qui se passe dans de nombreux pays.