La laïcité: un enjeu de souveraineté, par Simone Lafont – Le débat autour du “voile” comme révélateur d’enjeux politiques généraux, par Jeanne Bénigne

Ce livre de 46 pages édité par Inclinaison (www.inclinaison.fr) au prix de 4,5 euros est d’un grand intérêt. Pour le premier texte de Simone Lafont sous-titré “Repères historiques”, il est intéressant de voir que pour l’auteure, la laïcité est plus qu’un principe d’organisation sociale et politique car elle est un enjeu majeur de la souveraineté.

Dit autrement, pas de souveraineté de la nation sans laïcité. Pour elle, la souveraineté doit combattre contre tous les pouvoirs qui souhaitent l’assujettir. Et les pouvoirs cléricaux avec les forces sociales et politiques alliés font partie avec d’autres de ceux qui souhaitent museler la souveraineté du peuple.
Elle développe l’idée que c’est la conjonction de la liberté de conscience individuelle et de la souveraineté du peuple qui seule peut s’opposer aux emprises communautaires. Et pour cela, elle part des positions de Ferdinand Buisson puis de Jean Jaurès pour mener son analyse.
On pourra juste regretter que dans son analyse de la Convention européenne des droits l’Homme, elle omette d’analyser l’article 9.2 qui limite l’article 9.1 qu’elle analyse très bien.

Par contre, elle redonne à juste titre de l’importance au rapport de la Commission Debré alors que beaucoup de discours font comme s’il n’avait existé que la Commission Stasi. On comprend bien après avoir lu son texte pourquoi le lobby catholique est intervenu auprès de la Présidence de la République contre la le rapport de la Commission Debré. Et Jacques Chirac mis alors en place la commission Stasi.
C’est cette thèse que je défends dans mon livre Laïcité: plus de liberté pour tous (voir la “Librairie militante” du site de Respublica).

Et puis, elle montre dans son texte, ce que nous disons dans ce journal – largement cité dans cet opuscule – : que la lutte de classes est intimement liée à la défense de la forme républicaine de l’Etat. Et là à partir de la pensée de Marx, elle montre (pages 22 et 23, comment cet aspect essentiel est « peu évoqué dans le débat actuel ». Elle montre que que souvent « le contexte historique est mis entre parenthèses » comme le rapport de la Commission Debré. Puis que ” »’on porte un médiocre intérêt aux contenus comme aux formes des offensives menées par les différentes classes détentrices des grands pouvoirs… ». Et elle montre « l’absence d’études approfondies » des rapports qui se jouent entre les États féodalo-capitalistes enrichis par la rente pétrolière et les grandes puissances impérialistes.

Elle termine son propos ainsi : « il importe de ne pas commettre une erreur d’aiguillage à l’instar de ceux qui, notamment à l’extrême gauche, sous l’influence des forces sociales régressives (arborant l’habit des opprimés), prônent les alliances de classes et les bricolages idéologiques les plus réactionnaires. »

Dans le deuxième texte, de Jeanne Bénigne, nous pouvons revivre la fine analyse des arguments des uns et des autres contre et pour la loi du 15 mars 2004. Puis, l’auteure fait état des débats au sein de la Commission Stasi avec des précisions qui en apprendraient beaucoup à ceux qui en parlent si souvent ! Les positions d’Henri Pena-Ruiz, membre de la Commission Stasi sont souvent citées. Elle montre que “l’affaire du voile” n’est qu’un épisode d’une offensive politique d’ensemble des forces réactionnaires de l’oligarchie capitaliste avec les idiots utiles de l’extrême gauche communautariste. Elle appelle à « ne pas substituer le combat identitaire à la lutte pour l’émancipation sociale » et se demande même si l’exploitation du malaise social par les forces réactionnaires « n’a pas été rendue possible par la désintégration des organisations politiques du peuple ». Et elle termine par une analyse de l’ambiguïté et des ambivalences du rapport de la Commission Stasi.

Ce petit livre permettra à tous les militants progressistes et laïques de travailler aux conditions de la Révolution citoyenne nécessaire. Il permettra aussi de sortir le débat laïque de sa ghettoïsation, voulue par certains, vis-à-vis des autres principes émancipateurs.