La stratégie de l’islam politique en France

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Photo de la Grande Mosquée à Istambul

Le dernier épisode concernant la charte des valeurs du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui devait permettre la mise en place du Conseil national des Imams (CNI), est symptomatique. « Croix de bois, croix de fer », les fédérations religieuses qui le composent devaient, en quelques semaines, élaborer ce document, une fois que chacune ait adressé sa contribution au président du CFCM, Mohamed Moussaoui. L’intérêt de cette charte des valeurs servant de base au futur Conseil des imams était de séparer l’islam de l’islam politique ou islamisme. Au sujet de la synthèse proposée par Mohamed Moussaoui, le journaliste au JDD Mohamed Sifaoui (édition du 27 décembre dernier) précise le passage du texte qui est refusé par les intégristes de l’islam politique, Foi et pratique du Tabligh, les Musulmans de France (ex-UOIF, proche des intégristes de la Confrérie des Frères musulmans) et le CIMG (Milli Görüs, organisation de l’islamisme turc proche de la Confrérie des Frères musulmans, alliée d’Erdogan) :

« Par islam politique, la présente charte désigne les courants politiques et/ou idéologiques appelés communément : wahhabisme, salafisme, doctrine des frères musulmans ; et plus généralement toute mouvance locale, transnationale, ou internationale qui vise à utiliser l’islam afin d’asseoir une doctrine politique, notamment parmi celles dont les textes fustigent la démocratie, la laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes, ou qui fait la promotion de l’homophobie, de la misogynie, de l’antisémitisme, de la haine religieuse, et plus généralement toute idée et pensée qui contesterait, directement ou indirectement, les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ».

Ces trois organisations intégristes de l’islam politique ont refusé également un passage qui prévoyait de « ne pas qualifier d’apostasie de crime ni stigmatiser celles ou ceux qui renoncent à une religion », un autre passage qui rappelait « l’importance de l’école laïque publique qui doit être préservée des maux qui touchent la société » et enfin ce dernier passage : « Aucune autorité religieuse ne peut remettre en question des méthodes pédagogiques » !

Ces trois organisations intégristes de l’islam politique préparent un contre-texte également paraphé, toujours d’après Mohamed Sifaoui, par « l’islamiste Marwan Mohamed, ancien leader du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF, dissous par le gouvernement en novembre dernier suite à la décapitation du professeur Samuel Paty) » et animateur de la plateforme L.E.S. Musulmans. Mohamed Sifaoui stipule que Marwan Mohamed a stigmatisé sur Twitter « une charte de la honte » qui interdirait  « la simple expression des musulmans » et il invitait « toutes les mosquées, toutes les associations et tous les imams à qui il reste un minimum de dignité à ne pas signer cette charte » qu’il assimilait à « un acte d’aliénation ». Marwan Mohamed est l’un des initiateurs de l’islam politique de la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019, via le CCIF et la plateforme L.E.S. Musulmans, manifestation soutenue par la gauche identitaire et essentialiste (1)Voir notre précédent article : https://www.gaucherepublicaine.org/debats-laiques/retablissons-les-faits-sur-la-manifestation-du-10-novembre-2019/7417867.

Face à cela, la Grande mosquée de Paris (regroupant l’islam consulaire algérien) publie le 28 décembre un communiqué du recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz (2)https://www.mosqueedeparis.net/la-grande-mosquee-de-paris-se-retire-du-projet-de-creation-du-conseil-national-des-imams/ disant qu’il se retire de la création du Conseil national des imams et qu’il suspend ses relations avec « la composante islamiste du CFCM ». Dans ce document, il déclare avoir « soutenu (la Charte des valeurs) dans un but pédagogique, afin que notre jeunesse musulmane notamment, puisse comprendre que rien ne l’empêche, en France, de vivre, de façon harmonieuse, s a citoyenneté et sa foi ».

En page 2 du communiqué, le recteur poursuit :

« Malheureusement, la composante islamiste au sein du CFCM, notamment celle liée à des régimes étrangers hostiles à la France, a insidieusement bloqué les négociations en remettant en cause presque systématiquement certains passages importants. Des membres de la mouvance islamiste sont allés jusqu’à réaliser des manipulations médiatiques, salissant notre honneur et, dans le contexte, mettant ainsi notre vie en danger, faisant croire que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans. Ce qui est un mensonge éhonté, dont les conséquences peuvent être particulièrement graves.
Cette composante islamiste agissante au sein du CFCM œuvre, comme à son habitude, en coulisses et en surface, pour saborder toutes les initiatives qui visent à créer des rapprochements salutaires entre les musulmans de France et la communauté nationale.
Ce qui caractérise mon engagement depuis que je suis recteur de la Grande mosquée de Paris, c’est la franchise et la clarté.
Contrairement à d’autres, je ne sers ni d’obscurs objectifs ni d’intérêts personnels ou idéologiques. Je suis au service de la collectivité et jamais je n’opposerais les Français à leurs compatriotes musulmans. Par conséquent, j’estime que la représentation des musulmans mérite autre chose que des manœuvres dilatoires et des agissements douteux entourés d’actions qui cherchent à diviser la communauté nationale et à séparer les Français de confession musulmane de leur société.
J’ai donc décidé, car la GMP ne se rendra jamais complice de ces viles manipulations au détriment des intérêts de la communauté nationale et de ceux des citoyens de confession musulmane, de me retirer des discussions autour de ce projet de charte, de ne plus participer aux réunions qui visent à mettre en œuvre le projet du Conseil national des imams et de geler tous les contacts avec l’ensemble de la composante islamiste du CFCM.
Cette décision, mûrement réfléchie, est irrévocable.
Je souhaite donc alerter tous les musulmans afin qu’ils refusent et rejettent toute expression et toute action qui créerait le trouble dans leur esprit et les mènerait dans la voie de la discorde.
Je veux leur dire, à travers la position qui est la mienne, que certains milieux islamistes, en multipliant ces agissements irresponsables, sont en train  de compromettre l’avenir de notre religion en France, de nos enfants et de l’unité nationale.
Ma responsabilité en tant que recteur de la Grande mosquée de Paris m’engage à défendre les intérêts moraux des musulmans, et d’œuvrer ainsi pour la concorde, la paix civile et la fraternité.
Je refuse de voir des cercles malveillants transformer l’islam, une religion paisible, en une idéologie de combat afin de créer la discorde entre les enfants d’une même nation. »

Voici les arguments qui nous ont été donnés fin 2020. Voilà pourquoi nous disons : non au racisme anti-musulman mais aussi non à l’islam politique !