Le MEDEF pousse Nicolas Sarkozy à revenir à la stratégie de Jacques Chirac

Sous Chirac, la droite néolibérale organisait ses contre-réformes régressives sur l’essentiel en répondant positivement à quelques revendications de certains syndicats en contrepartie d’un accord de ces mêmes syndicats sur la contre-réforme régressive légèrement amendé.
Puis, le MEDEF a pensé que l’on pouvait aller plus vite dans les contre-réformes en passant en force sans négociation avec aucun syndicat. L’arrivée de Nicolas Sarkosy, candidat du MEDEF, a permis de faire cette politique (loi HPST, loi sur les retraites, et de nombreux autres textes). La faible mobilisation lors du vote sur la loi HPST (1)mobilisation qui arrive maintenant d’ailleurs, ce qui montre que rien n’est perdu ! a encouragé Nicolas Sarkozy à passer en force sans négociation avec quiconque pour la loi sur les retraites. Mais contrairement à ce que croit encore certains militants anti-libéraux (pas tous heureusement!), il est erroné de croire que l’échec de la mobilisation est le seul enseignement que nous pouvons en tirer. La résistance forte du peuple fut exemplaire à plusieurs titres et la droite néolibérale tient compte de ces enseignements. Il serait bon que la partie de la gauche antilibérale qui n’en tient pas compte rattrape leur retard à l’allumage.

Quels sont ces enseignements:
1) Le début du retour des salariés du privé (fortement majoritaires en France) et des couches populaires (ouvriers, employés soit 53% de la population française) dans la lutte contrairement à 1995 et 2003. Ce sont eux qui pallient au recul de la mobilisation chez les fonctionnaires et chez les régimes spéciaux. Et tous les analystes politiques sérieux savent que, dans l’histoire, c’est la montée des luttes dans le privé (et surtout des couches populaires) qui créent les conditions soit d’un recul sur l’ensemble des fronts sociaux de la droite et du patronat soit de la transformation elle-mème
2) Le soutien de près de 70% du peuple au mouvement sur les retraites. Il faut bien voir que c’est très rare de voir cela dans les conflits sociaux. Ce qui fait que la contestation populaire est sortie intacte de cette séquence.
3) La traduction politique de cet état de fait, c’est que les couches populaires vont d’abord se réfugier dans l’abstention (abstention record des cantonales 2011 par rapport à toutes les élections cantonales) car le retour partiel du lien entre l’Intersyndicale unie et les couches populaires n’a que très peu touché la nature du fossé entre les couches populaires et la gauche politique. Puis, c’est que l’UMP recule fortement dans les élections politiques et que donc le bras armé du MEDEF est en difficulté. Le MEDEF ne peut donc pas rester les bras ballants. Et enfin que la compétition entre ceux des couches populaires qui croient encore au bulletin de vote se passe principalement entre la gauche et le FN.

Le premier tour a montré que cela a surtout profité à EELV (+4% par rapport à 2004) et au FN. Un peu au Front de gauche (+1%) mais n’a pas profité au PS (-1%). Le deuxième tour a corroboré le premier tour avec des gains principalement pour le PS et les Verts.

Comme souvent le MEDEF s’adapte : il se dit qu’il vaut mieux revenir à l’ancienne stratégie de Jacques Chirac à savoir d’aller moins vite dans la régression (tout en y allant avec détermination) sur l’objectif central du MEDEF qui reste inchangé (2)détricoter le programme du CNR comme expliqué par Denis Kessler du 4 octobre 2007 dans la revue Challenges en lâchant à certaines organisations syndicales des gains sur des points sérieux mais seconds que l’on ne peut pas écarter d’un revers de main et qui permettrait, en tout cas c’est le souhait du MEDEF, de casser définitivement l’unité de l’Intersyndicale.
Voilà pourquoi on voit Madame Parisot devenir la chevalière blanche de l’accroissement du congé paternel. Et la grande majorité des médias se polarise sur ce point en montrant que c’est le MEDEF (et bien sûr derrière la droite néolibérale) qui fait des propositions qui vont dans le sens du progrès.

Quelle doit être la réaction des républicains de gauche et d’extrême gauche attachés au modèle laïque de la république sociale?
Oui, nous sommes pour l’augmentation du congé paternel comme nous avons été pour la loi contre les signes religieux à l’école ou pour la loi contre le voile intégral. Mais cela ne modifie en rien notre volonté à combattre avec la plus grande détermination tout le reste qui est le plus important à nos yeux ! Notamment tout ce qui touche à la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale), aux droits sociaux, à l’actuelle dictature médiatique insupportable, aux principes républicains (liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, sûreté, souveraineté populaire, universalité des droits et développement écologique) et sur tout ce qui touche aux 4 ruptures nécessaires (démocratique, laïque, sociale et écologique).
Et cette position, nous devons la propager face à ceux qui vont être contre une mesure positive parce que c’est le MEDEF qui la médiatise ou d’autres qui vont baisser la garde contre le turbocapitalisme sur le simple prétexte que l’adversaire cède sur une revendication positive mais secondaire.
Et là, un seul moyen, développer, aux cotés du pilier du champ politique et du pilier du champ syndical, le pilier de l’éducation populaire refondée et tournée vers l’action. Déjà, sur le thème “Refonder la République sociale : une urgence pour l’émancipation” fait l’objet de nombreux stages de formation, de réunions publiques, de cycles de conférences regroupant les différents domaines de la République sociale. Il faut amplifier cette campagne. Nous sommes sur un rythme de plus de 100 initiatives par an.
Pour cela, c’est vous qui pouvez engager cette bataille de tous les instants, c’est vous qui pouvez “déplacer les montagnes”.

Chiche, on en parle ensemble !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 mobilisation qui arrive maintenant d’ailleurs, ce qui montre que rien n’est perdu !
2 détricoter le programme du CNR comme expliqué par Denis Kessler du 4 octobre 2007 dans la revue Challenges