Mobilisation réussie, et après ?

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Image par succo de Pixabay.

Plus d’un million de manifestants dans les rues des villes de France, des taux de grévistes importants dans les secteurs de l’éducation, des transports, de l’énergie, 98 % des pharmacies fermées. Le constat est clair, la mobilisation sociale est d’un niveau exceptionnel pour un milieu septembre. En effet, souvent, on évoque une « rentrée chaude ». En réalité, par le passé, c’est plutôt le mois d’octobre, voir surtout le mois de novembre, qui ont connu des irruptions populaires, très rarement le mois de la rentrée des vacances depuis l’instauration des congés payés.

Mobilisation réussie… et la suite

Force est de constater que le mouvement social est, à ce jour, de forte intensité. Cela est le résultat du « tour de chauffe » du 10 septembre qui, en créant une nouvelle génération militante, a lancé la mobilisation de l’intersyndicale du 18 septembre. Cette journée d’actions remplit globalement ses objectifs. Mais le mouvement n’est pas à son maximum, loin de là. Sur le plan international, il est suivi avec attention, notamment par le camp du progrès. Il ne peut suffire en lui-même à stopper l’offensive de l’extrême centre macroniste, de la droite réactionnaire, mais surtout de l’extrême droite qui agit et complote en sourdine. Toutes ces forces politiques sont sous l’influence du MEDEF, qui dispose d’un programme cohérent pour briser en miettes les conquis sociaux, casser les services publics, bref « faire payer les pauvres ». Si le mouvement social en reste là, s’il se contente d’une belle journée d’actions sans plus, il ne bâtira pas une ligne de défense suffisante pour briser la manœuvre antipopulaire qui s’annonce.

Mouvement du 10 septembre

Les assemblées générales jusqu’au 10 septembre étaient de bon niveau. L’intérêt du mouvement du 10 septembre fut d’adjoindre dans l’arsenal des actions le blocage des flux aux blocages de la production. Notons cependant que les AG du mouvement postérieures au 10 septembre ont largement perdu de leur puissance propulsive. En nombre d’abord, mais aussi avec le retour des pratiques gauchistes de type « maladie infantile », comme, par exemple, le vote de motions aux directions nationales syndicales leur demandant d’appeler à la grève générale.

Et tout simplement parce que, dans l’histoire, jamais une grève générale ne fut déclenchée par un simple appel d’une direction nationale (voir ci-dessous dans le paragraphe « Nécessaire mobilisation dans la durée »). L’annonce de l’intersyndicale de la journée 18 septembre a eu pour conséquence un certain nombre de renoncements du 10 en faveur du 18. S’il fallait comparer le 10 et le 18, disons que c’est le 18 et l’intersyndicale qui ont repris la main, mais c’est le mouvement du 10 septembre qui a permis d’atteindre le niveau du 18 aussi vite au moment de la reprise sociale.

Vers une dissolution ?

Difficile de prévoir l’avenir. La ligne de plus grande pente reste in fine celle de la dissolution. La nomination ultra rapide de M. Lecornu au poste de Premier ministre est une première étape vers une dissolution vraisemblable du Parlement, qui apparaît de plus en plus comme une issue à la crise politique et sociale que nous vivons. Il est d’ailleurs qualifié par Macron et consorts de « gouvernement de la dernière chance ».

Mais la possibilité d’un accord Lecornu avec tout ou partie de la CFDT et du PS n’est pas impossible, même si ce n’est pas le plus probable. Tout simplement parce que, dans cette ambiance de division à gauche, le PS n’a pas intérêt à de nouvelles élections législatives. Si cette nouvelle majorité parlementaire n’est pas trouvée, que peut-il se passer ? Eh bien, Macron convoquera une nouvelle fois des élections législatives ! Et comme nous l’écrivions dans ReSPUBLICA depuis début septembre, le « petit miracle » du rassemblement du Nouveau Front Populaire (NFP) de juin et juillet 2024 risque de ne pas se reproduire. En l’état, la droite et l’extrême droite ont alors de grandes chances de gagner le scrutin et cela relancera le projet du MEDEF de l’union de toutes les droites.

Nécessaire mobilisation sur la durée

Nous réaffirmons que seule une mobilisation massive, permanente et allant crescendo peut inverser cette tendance funeste pour le camp populaire.

Nous réaffirmons que seule une mobilisation massive, permanente et allant crescendo peut inverser cette tendance funeste pour le camp populaire. Point positif, déjà des forces syndicales appellent à cette action sociale et proposent de bloquer le pays par une grève longue et reconductible des transports et de la production indispensable. D’autres mouvements peuvent aller dans ce sens. La grève ne peut pas attendre l’Intersyndicale nationale interprofessionnelle, elle doit se construire dans les secteurs où c’est possible. Grève conduite dans les AG de salariés, avec le soutien interprofessionnel et des citoyens. Ces appels sont très bien venus.

Ayons en tête que la grève générale ne se décrète JAMAIS par un appel initial des états-majors nationaux. Il faut un mouvement continu qui conscientise le camp populaire et qui impose ses rythmes. Mais attention à ne pas reproduire la succession des manifestations saute-moutons du type du mouvement des retraites (manifestations et grèves un jour par mois pendant de trop nombreux mois). Tant à cause des nouveaux modes de rémunération des salariés(1)primes importantes conditionnées à l’assiduité –  un jour de grève fait perdre la prime mensuelle ! que de la fatigue des salariés. Mieux vaut bien préparer une grève longue et reconductible. Sinon, la gesticulation politicienne reprendra ses droits et les trahisons reprendront le dessus, dans les rangs syndicaux ou politiques. Ne restons pas l’arme au pied, et, comme disait le slogan de mai 68 : « Ce n’est qu’un début, continuons le combat ! ».

Le tract de l’Intersyndicale, qui s’est réunie le 19 septembre, a donné un ultimatum au Premier ministre Sébastien Lecornu d’ici le 24 septembre pour répondre à ses revendications. Les syndicats seront reçus ce jour-là par le Premier ministre pour négocier. Comprenons que cela cache des désaccords entre les syndicats de l’Intersyndicale. Mais, comme le Premier ministre Lecornu n’a probablement pas la marge de manœuvre pour y répondre, prenons ces quelques jours aux fins de préparer la prochaine date qui sera choisie pour des manifestations, des blocages et des grèves en allant rencontrer tous les salariés des entreprises en vue d’une grève reconductible, là où c’est possible.

Aller au-delà de la simple taxation des riches

Taxer les riches est un préalable, mais cela ne suffit pas. Tout simplement parce que la crise n’est pas due à trop de dépenses publiques, mais bien à un effondrement des recettes organisé par l’extrême centre macroniste(2)https://ofce.github.io/psmt/#fig-def et https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-09/20240715-RSPFP-2024.pdf.. Plus de 60 milliards d’euros manquent à l’appel à un moment où il faut réinvestir dans la sphère de constitution des libertés (école, services publics, Sécurité sociale).

Deux tabous doivent être mis sur la table : la conditionnalité des aides aux entreprises et le carcan des règles de l’Union européenne

Pour résoudre la crise actuelle, un changement de paradigme s’impose. Il est nécessaire de tout mettre sur la table, y compris les tabous actuels de l’oligarchie capitaliste et de leurs alliés (grand patronat, très haute fonction publique, extrême centre, droite installée et extrême droite et gauche néolibérale). Deux points sont indispensables :

Concernant le premier tabou, même Pierre Gattaz, ancien président du MEDEF, est favorable à l’ouverture d’un débat(4)VIDEO. Pierre Gattaz, ancien patron du Medef, « ne veut plus d’aides publiques aux entreprises ».. Pour le second tabou, il faudra affronter les médias dominants, tous soumis à cette doxa européenne ultralibérale. Le sentiment d’une impuissance des peuples, confirmée par les faits, face aux marchés financiers et aux commissions d’experts autoproclamés, ainsi que les privilèges exorbitants conférés par l’argent et les licenciements boursiers expliquent et justifient l’ampleur de la mobilisation populaire.