Coup de gueule ou coup de cœur ?

Certains le disent en chanson, d’autres l’écrivent ou le peignent, d’autres encore le proclament dans de beaux discours. Que pourrais-je ajouter ? Si ce n’est conseiller à toutes celles et tous ceux qui ne l’ont pas encore fait, de lire Matin Brunde Franck Pavloff …
De le lire et surtout de le recommander à tout le monde car cette œuvre a le grand mérite de ne faire que dix petites pages et d’être très facile à lire. C’est un vrai support d’éducation populaire … Et ces quelques pages traduisent si bien cette terrible interrogation : Sait-on assez où risquent de nous mener collectivement les petites lâchetés de chacun d’entre nous ? Pourtant, deux ou trois exemples de notre Histoire et d’un Présent ailleurs, nous prouvent que nous pouvons aller très loin dans l’ignominie.
Bien sûr, on peut toujours se dire qu’ils sont minoritaires, qu’ils ne prendront jamais le pouvoir, qu’ils ne représentent personne …
Ou bien on peut se dire qu’ils existent, qu’ils recueillent de plus en plus une haine ordinaire qui gronde, qu’ils agissent, qu’ils ont des appuis, qu’ils sont organisés, et qu’ils pourraient bien un jour …
Tous ces regroupements d’ultras, d’extrêmes, sont inquiétants et ne devraient pas nous laisser indifférents. Ils devraient nous effrayer comme un camp de concentration, comme une machette rwandaise, comme un charnier serbe. Parce qu’entre les deux, combien y a t-il de pas à faire ? Le savons-nous vraiment ?
Certes le Front national tente de se vêtir de couleurs pastels, il n’en demeure pas moins un parti de haine aux couleurs criardes du racisme et de la xénophobie.
Mesurons-nous réellement la gravité qu’il y a à laisser s’installer dans notre paysage ces groupes de haine qui n’ont aucune réponse sérieuse pour vivre ensemble ?
Au-delà du fait qu’il me plaît à moi de vivre avec des gens qui n’ont pas la même façon de regarder les étoiles, de chanter des berceuses ou de manger du pain. Pensent-ils vraiment, ces fanatiques, que le « chacun chez soi » est une solution politique ? Des individus, chaque jour, sont prêts à mourir en mer pour quitter leur pays. D’autres sont prêts à vivre dans des bidonvilles au bord du périphérique pour être en France. Je ne vois pas ce qui pourrait arrêter cette détermination. Mis à part de construire une immense muraille de Chine en guise de frontière et d’y poster des tireurs … Jamais nous ne pourrons empêcher des individus de vouloir quitter le pire pour tenter de vivre un peu mieux. Mais au fond pensent-ils vraiment que le « chacun chez soi » est une solution politique ?

Alors en attendant une vraie politique d’accueil et d’intégration, en attendant une autre politique internationale et de solidarité aidant les pays en souffrance à devenir vivables, en attendant une autre politique sociale qui permette à tous les habitants sur le sol français de vivre dans des conditions décentes, nous devons nous sentir toutes et tous agressés par ces partisans de la haine et du rejet.
Se sentir concerné ne suffit plus.
Pour commencer, cessons de taire nos frustrations et nos peurs, cessons de les laisser se transformer en venin, cessons de les laisser tranquillement être récupérées par ces excités d’extrémistes. Permettons qu’elles soient dites, discutées et transformées en solution. Car nous possédons autant de solutions qu’il y a de difficultés à vivre ensemble. Et c’est là que l’éducation populaire intervient … en libérant la parole, en agissant contre « toutes ces petites contrariétés du quotidien » que nous acceptons la gorge serrée, en créant de la démocratie là où on nous fait croire qu’il y en a.
Cela ne signifie pas que toute parole est bonne à dire, mais qu’il faut prendre en considération tout ce qui nous chagrine. Et aujourd’hui ce qui me fait mal et m’inquiète c’est d’entendre : « on ne peut pas faire confiance à un Arabe », c’est de lire sur une banderole : « à morts les nez crochus », c’est d’entendre : « il faut punir ceux qui vivent dans le péché », « ces gens-là ne sont pas normaux », …

Je refuse d’être agressée par ces propos, alors parlons-en … avant que le silence ne soit obligatoire.