Les « pères » ou les « mères » la morale pris en faute
Cette fois-ci, c’est M. Sarkozy qui se trouve sur le devant de la scène judiciaire. Pour le moins, il lui est reproché un manque de probité républicaine.
L’ancien président Nicolas Sarkozy se retrouve au cœur d’une tempête judiciaire. Cela va nourrir les débats sur la probité des responsables politiques. La sentence est-elle sévère ou à la hauteur des griefs pour lesquels il a été traduit en justice ? Celle-ci se traduit par cinq ans de prison, 100 000 € d’amende et un mandat de dépôt à effet différé et exécution provisoire.
L’arroseur arrosé
Cette métaphore convient à la situation. Comme pour nombre de personnalités politiques, le rappel de certains propos comminatoires pour masquer ses pratiques réelles qui prêtent à caution revient en pleine figure de l’ancien président. Les réseaux sociaux ne se gênent pas pour les citer. Nicolas Sarkozy n’y allait pas avec le dos de la cuiller :
« Le patron voyou doit être traité comme un voyou. C’est encore pire d’être un voyou d’en haut de l’échelle », Nicolas Sarkozy, 2012.
« Il faut que les peines soient exécutées. La non-exécution des peines, c’est l’impunité », Nicolas Sarkozy, 2012.
« Quand un individu revient pour la 17e fois devant le tribunal, il doit être puni pour l’ensemble de son œuvre », Nicolas Sarkozy, 2014.
« La République dit aux délinquants : tu n’as pas d’excuse », Nicolas Sarkozy, 2015.
« Je souhaite qu’il n’y ait pas de mesures d’aménagement de peine pour les peines supérieures à 6 mois », Nicolas Sarkozy, 2015.
« Nous devons tourner le dos à la culture du laxisme, de la déresponsabilisation, du désarmement pénal et moral », Nicolas Sarkozy, 2015.
Tout cela était bel et bien dit avec, toutefois, une bonne dose d’excès, de mauvaise foi et de démagogie. Encore faut-il se l’appliquer à soi-même. Un pouvoir absolu se caractérise par le fait qu’il s’affranchit des contraintes et règles qu’il a lui-même instituées. La justice est dans son rôle en rappelant que les lois concernent tout le monde.
Soyons équitables
Il est équitable de préciser que Nicolas Sarkozy a été relaxé des faits de corruption concernant l’affaire Kadhafi. A également été écarté par les juges l’enrichissement personnel. En droit français, la condamnation d’une personne ne peut se fonder sur la seule intention qu’elle aurait pu avoir de commettre une infraction. Le chef d’accusation relève de l’« association de malfaiteurs » en raison d’un financement illégal de la campagne présidentielle de 2007. Deux de ses collaborateurs en seraient donc la seule cause et en seraient les seuls responsables. Cependant, il s’avère que cela a conduit à un dépassement des plafonds de dépenses électorales. Cela aurait dû aboutir à annuler le verdict électoral, car faussé.
On sait que la CNCCFP (Commission nationale des Comptes de campagne et des financements politiques) remplit sa fonction avec sérieux. J’ai pu le constater lors de différentes élections municipales : la moindre dépense est décortiquée et doit être justifiée, notamment pour vérifier que le plafond n’a pas été franchi. Cela est juste afin de réduire l’impact des différences de moyens entre candidats. Pour quelle raison cela n’a-t-il pas été mis en œuvre lors de la présidentielle de 2007, qui a vu l’élection de Nicolas Sarkozy et qui a abouti à un considérable dépassement des dépenses électorales ?
Un doute saisit tout esprit critique. Comment un candidat ne peut-il pas être au courant des dépassements et des sources de financement ?
Lutte contre la délinquance politico-financière
Cette décision de justice, tout comme les précédentes concernant des personnalités de gauche et de droite, donne un signal fort que la justice, s’appuyant sur le droit, n’hésite plus à sanctionner les manquements à la probité, les contournements des règles démocratiquement instaurées. Il n’y a rien de pire pour la morale commune que de sembler sonner faux dans certaines pratiques politiques, y compris économiques. Toutes les entorses à la probité, notamment politique, affaiblissent la République quand elles s’abstiennent de respecter les grands principes fondateurs républicains.
Cela nourrit la défiance des citoyennes et citoyens à l’égard de la politique quand elle se détourne de l’intérêt général.
Décrédibilisation de la représentativité politique
Toutes ces affaires qui défraient la chronique judiciaire accentuent la crise de régime que tout un chacun peut constater. Le sentiment justifié que la plupart des élus ne nous représentent plus, nous pousse à nous détourner des urnes et à rechercher une vraie démocratie, non plus de délégation, mais de participation, ainsi qu’à sortir de la monarchie présidentielle. La France est quasiment la seule nation où une personne concentre entre ses mains tant de pouvoirs. Ces condamnations de personnalités politiques renforcent l’aspiration à l’autonomie politique des citoyens et citoyennes pour s’investir pleinement dans la vie publique.
Tout ceci nous conforte dans l’idée que nous sommes dans une crise de régime à deux titres : crise du régime électif ou de la démocratie représentative, ainsi que du système de gouvernement représentatif, surtout quand ses membres ne sont pas exemplaires. De plus en plus, les citoyens et citoyennes prennent conscience que ce système a été mis en place pour éviter une authentique démocratie, considérant que le peuple est ignorant et, donc, dans l’incapacité de gouverner.
La conscience montre que ceux qui sont chargés de gouverner ne sont ni plus vertueux ni plus compétents ni plus sages que le citoyen lambda et, souvent, beaucoup moins. La porte de sortie de cette crise de régime ne peut que conduire à la fin de la Ve République et du capitalisme ultralibéral, qui favorisent les comportements immoraux politiquement et économiquement parlant. Cette crise de régime et sa résolution doivent servir à créer de vrais contre-pouvoirs citoyens, à contrer l’oligarchie financière source du défaut de probité et de corruption en col blanc.