L’histoire grenobloise de l’Association pour la Démocratie, l’Ecologie et la Solidarité – ADES

C’est moins d’un an avant les élections municipales de 1983 que va naître l’ancêtre de l’ADES : « Grenoble Ecologie Autogestion (GEA) », qui s’élargira plus tard et changera de nom : « Ecologie, Alternative Autogestion (E2A) ». C’est en 1994 que l’association sera baptisée ADES. Le triptyque Démocratie-Ecologie-Solidarité deviendra le résumé du positionnement politique de cette association citoyenne qui ne variera pas durant plus de 30 ans.
En créant GEA, nous avons aussi lancé notre journal : « le Rouge et le Vert » qui répond à notre positionnement politique (écologiste et de gauche) et qui était aussi un clin d’œil au Rouge et Noir de Stendhal. Jusqu’en 2011 c’était un journal papier bi ou trimestriel, traitant des dossiers municipaux depuis c’est un hebdomadaire électronique envoyé à environ 4000 personnes.

Une histoire d’autonomie politique

Ce mouvement est né d’une idée simple : on ne doit pas envoyer des élus dans un conseil municipal (ou tout autre institution politique) sans qu’ils ne soient accompagnés durant tout leur mandat par un collectif de citoyens qui s’engage à travailler avec eux et les soutenir de manière active.
En 1982, devant l’usure de la majorité de gauche (PS-PC) qui en était à son 3ème mandat, un groupe de militants associatifs, syndicalistes et politiques a décidé de se présenter aux élections municipales en passant une alliance avec la gauche traditionnelle pour essayer de lui redonner un nouveau souffle. Ce fut un échec puisque la droite (A. Carignon) l’a emporté dès le 1er tour. GEA avait une seule élue et a commencé la résistance qui allait durer 12 ans contre la droite qui vendra Grenoble et ses services publics (dont l’eau) aux grands groupes privés, la Lyonnaise et la Générale des Eaux.
En 1989, nous présentons une liste appelée DESIR (démocratie, écologie, solidarité, initiatives et responsabilité) qui obtiendra 2 élus (G. Jonot qui sera remplacé à mi mandat par Cl. Jacquier et R. Avrillier) qui vont mener la bataille contre la corruption et pour la remunicipalisation de l’eau vendue à la Lyonnaise des Eaux. La gauche traditionnelle ne fait rien et se contentera de récupérer tout ce travail en 1995.
L’ADES présente une liste aux municipales de 1995 menée par R. Avrillier et obtient 11 élus dans la majorité de gauche et écologiste dirigée par M. Destot (PS). Cette majorité s’était faite élire pour la remunicipalisation de l’eau, mais le maire PS, qui va s’avérer au fil des ans comme un ami des grands groupes privés, veut maintenir la Lyonnaise des Eaux dans le service de l’eau par un montage qui lui laisse le pouvoir réel sur la gestion du service. Grâce à une résistance forte de nos élus et des habitants regroupés dans une association « Eaux-secours » et par de nombreux recours juridiques, nous parvenons à imposer à M. Destot le retour à une régie municipale en 2000.
En 2001, une liste d’union des écologistes et d’une gauche citoyenne, menée par P. Kermen obtient 18 élus dans l’union avec le PS. L’ADES ayant toujours 11 élus. L’affrontement avec le PS à l’intérieur de la majorité va se cristalliser contre le projet du grand stade de football qui ne faisait pas partie de l’accord majoritaire. Malheureusement la gauche citoyenne abandonne vite la bataille ce qui laisse les mains libres au maire pour réaliser le grand stade qui coûte très cher aux contribuables.
En 2008, M. Destot qui ne supporte plus cette alliance avec les écologistes et alternatifs décide de s’allier avec une partie de la droite grenobloise dont des anciens soutiens d’A. Carignon, le maire corrompu. Evidemment il n’était pas acceptable de participer à une majorité droite-gauche, aussi la liste menée par M. Boileau s’est maintenue au 2ème tour en obtenant 22,5 % et 6 élus qui vont mener la vie dure durant tout le mandat à cette majorité contre nature.

La victoire aux municipale de 2014 du Rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes doit beaucoup au travail des élus dans la minorité et de l’ADES à l’extérieur avec la mise en place de hebdomadaire électronique qui va devenir un petit média indispensable pour décrire et démonter dans le détail la politique néfaste menée par le PS, le PC, GO Citoyenneté (1)GO Citoyenneté a malheureusement trop souvent joué les supplétifs du PS même si à certains moments les militants auraient eu envie de prendre leur indépendance. En 2008 le mouvement s’est cassé. Une partie a démissionné en refusant l’alliance au second tour avec la liste Destot qui comportait notamment un ancien adjoint de Carignon. Ceux qui sont partis ont rejoint le rassemblement et en 2014 deux sont devenus adjoints dans la majorité actuelle. et ses alliés de droite.

Un objet politique non identifié

L’ADES assure une liaison étroite entre élus et citoyens motivés pour changer les politiques publiques. Le système institutionnel transforme les élus soit en notables professionnels soit en godillots s’il n’y a pas une liaison étroite avec un collectif militant extérieur. Les partis traditionnels ne sont plus des lieux de réflexion ou d’élaboration de propositions politiques mais des syndicats d’élus qui entendent pérenniser leurs mandats et qui ne s’occupent plus que des campagnes électorales. Trop souvent ce sont les élus qui prennent le pouvoir dans les appareils politiques ou qui se construisent localement des fiefs personnels.

L’expérience montre qu’il faut bien les trois pieds, démocratie, écologie et solidarité pour construire une action publique qui tienne debout et sur le long terme.

Un lieu de réflexion et de formation citoyenne notamment sur le fonctionnement des collectivités et des services publics

C’est un lieu de formation des futurs élus qui sont armés pour rester autonomes, critiques et efficaces, avec une exigence importante et indispensable : l’indépendance économique vis-à-vis de l’exécutif d’une collectivité.
Au fil des années d’expériences dans la majorité ou dans l’opposition, l’ADES s’est forgée une doctrine sur les règles que devrait suivre le processus de décision publique. Dans l’ordre : accès aux informations, analyses pluralistes, organisation de débats contradictoires, puis au moment de la décision un exposé clair des choix politiques qui la sous-tendent et après la décision, son contrôle et son adaptation en fonction de ses résultats.
Seules la patience et la continuité des actions sur de longues périodes permettent de gagner et de changer les politiques publiques : exemple, la lutte contre la corruption et la privatisation du service public, en utilisant tous les leviers de l’action, y compris la justice si nécessaire.

Des règles pour réussir

Lors d’une réunion publique à Grenoble pour débattre sur les raisons qui ont mené à la victoire de mars 2014 à la mairie de Grenoble, l’ADES a indiqué quelques règles qu’il faudrait suivre pour changer la donne politique localement.

1/ Principe absolu : Il ne faut pas laisser les élus seuls dans la machine institutionnelle, il faut la présence à l’extérieur d’un collectif militant travaillant en permanence les dossiers importants avec les élus. Ce collectif extérieur doit avoir une présence politique autonome sur le terrain avec sa presse, ses actions, ses dossiers, ses alliances… Ce qui donne aux élus un point d’appui important et leur permet d’éviter d’être contraint à suivre comme des godillots le fait majoritaire.

2/ La création d’une culture alternative aux conceptions et pratiques politiques des partis traditionnels ; Par une autonomie politique constante et fortement affirmée. Les postes d’élus sont gagnés sur le terrain et non suite à des tractations d’appareils.

3/ Ce travail permanent sur les sujets locaux (où il faut trouver des solutions concrètes) permet aux militants de sensibilités diverses de trouver les convergences pratiques. Ce qui forge une unité d’action solide et sur le long terme. C’est pourquoi toutes les tentatives de divisions et de débauchage par nos concurrents ou adversaires ont échouées dans le passé et devraient échouer à l’avenir.

4/ Nous avons appris comment fonctionnait ces machines institutionnelles et nous avons appris à les contrôler ou les combattre si nécessaire. Nous avons mis en place des pratiques efficaces pour contrôler, attaquer ou prendre les décisions publiques au profit de l’intérêt général. En mobilisant tous les leviers : mobilisation citoyenne, mobilisation médiatique, recours à la justice… De nombreux militants et élus ont été formés (2)Sur les formations (en fait pas limitées aux élus et même ouvertes sur l’extérieur). A une époque nous avons fait mensuellement des formations publiques sur le thème : des citoyens actifs pour changer l’action publique. Les thèmes étaient sur les déplacements (PDU) sur l’urbanisme (PLU), sur les finances (comment ça marche)… préparant les luttes contre les grands projets inutiles. Nous sommes intervenus pour que la nouvelle majorité démarre vite des formations sur le budget municipal. Il y en a eu 3 qui ont regroupé plus de 300 habitants intéressés. Il va falloir continuer. Je pense que les grandes différences avec les partis traditionnels, se traduisent par la volonté d’armer les citoyens pour qu’ils comprennent bien le fonctionnement de ces machines politico-administratives. Par exemple lors de la bataille contre la Rocade Nord nous avons fait dans les 4 communes impactées des séances de formation pour bien répondre à l’enquête publique. Cela a aidé à l’avis défavorable donné par les commissaires enquêteurs..

5/ Nous avons vécu tous les cas de figure possibles : en étant 12 ans dans l’opposition d’une droite corrompue, 13 ans dans une majorité de gauche et écologiste où nous avons démontré qu’on savait gérer et en même temps résister aux dérives du pouvoir en place et enfin 6 ans dans l’opposition à une majorité gauche-droite qui avait perdu ses valeurs. Ce qui nous a permis de participer à cette nouvelle campagne en véritable alternative aux sortants.

6/ Sur le plan des valeurs nous avons choisi un triptyque qui fonctionne très bien : Démocratie Ecologie et Solidarité, qui fonde une démarche citoyenne, de gauche et écologiste qui n’a jamais dévié de cette trajectoire depuis 30 ans. Il existe ainsi un fond politique de gauche et écologiste qui résiste à l’épreuve des faits et du temps, qui s’est forgé dans la pratique.

7/ Le travail en commun durant des années de l’ADES, d’EELV et des Alternatifs a forgé des habitudes de travail qui durent depuis de longues années. L’existence de l’ADES a été un élément important pour le rapprochement avec le Parti de Gauche. De même l’ADES a aidé à la construction du réseau citoyen qui a réussi à réunir de nombreux citoyens qui se battaient contre la politique municipale sur différents dossiers (chauffage urbain, urbanisme, lycée Mounier…) et a permis à ces mobilisations de trouver un débouché politique en s’investissant dans le travail municipal.
Conclusion : La réunion de toutes ces compétences et ces énergies dans un projet commun a été un facteur décisif pour construire une alternative crédible à gauche en mars 2014.
Nous avons su créer des pratiques et une culture du travail citoyen dans et hors l’institution qui vient de loin et qui a été certainement un élément important dans la réussite de la campagne.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 GO Citoyenneté a malheureusement trop souvent joué les supplétifs du PS même si à certains moments les militants auraient eu envie de prendre leur indépendance. En 2008 le mouvement s’est cassé. Une partie a démissionné en refusant l’alliance au second tour avec la liste Destot qui comportait notamment un ancien adjoint de Carignon. Ceux qui sont partis ont rejoint le rassemblement et en 2014 deux sont devenus adjoints dans la majorité actuelle.
2 Sur les formations (en fait pas limitées aux élus et même ouvertes sur l’extérieur). A une époque nous avons fait mensuellement des formations publiques sur le thème : des citoyens actifs pour changer l’action publique. Les thèmes étaient sur les déplacements (PDU) sur l’urbanisme (PLU), sur les finances (comment ça marche)… préparant les luttes contre les grands projets inutiles. Nous sommes intervenus pour que la nouvelle majorité démarre vite des formations sur le budget municipal. Il y en a eu 3 qui ont regroupé plus de 300 habitants intéressés. Il va falloir continuer. Je pense que les grandes différences avec les partis traditionnels, se traduisent par la volonté d’armer les citoyens pour qu’ils comprennent bien le fonctionnement de ces machines politico-administratives. Par exemple lors de la bataille contre la Rocade Nord nous avons fait dans les 4 communes impactées des séances de formation pour bien répondre à l’enquête publique. Cela a aidé à l’avis défavorable donné par les commissaires enquêteurs.