Comprendre l’imbroglio syrien pour éviter d’être l’idiot utile d’un impérialisme ...ou d’un de ses alliés communautaristes ou intégristes

Les implications étrangères croissantes sont le fruit du développement des contradictions entre impérialismes

Comme l’économie est toujours « déterminante en dernière instance », partons des problèmes géo-économiques.

Acte 1 : De nouveaux gisements d’hydrocarbures ont été découverts en Syrie. La Syrie a donné le droit d’extraction des hydrocarbures et d’organiser la chaîne de traitement à la Russie.

Acte 2 : Deux gazoducs concurrents sont prévus par les protagonistes du Moyen Orient pour alimenter l’Union européenne : celui qui provient du Qatar (sunnite, soutien de la Confrérie des frères musulmans et allié des États-Unis) et celui qui provient de l’Iran (chiite, soutien du Hezbollah libanais et plutôt allié avec la Russie). Les deux devraient passer par la Syrie depuis que le gouvernement islamiste sunnite turc refuse de faire passer par la Turquie un gazoduc iranien.

Acte 3 : l’ensemble des protagonistes agissant en Syrie vendent des armes à l’ensemble des belligérants : les impérialismes occidentaux (dont la France) vers les monarchies pétrolières sunnites (notamment l’Arabie saoudite et le Qatar) dont une partie aboutissent par des détours compliqués aux islamistes sunnites dont Daech. De plus, les impérialismes occidentaux financent et fournissent des armes à l’opposition syrienne qui aboutissent directement à l’ex-front al-Nosra (filiale d’Al-Qaïda) devenu depuis peu le Fatah Al-cham, tout simplement parce que le Fatah Al-cham dirige la coalition anti-Assad. La Russie fait de même notamment avec la Syrie et les islamistes chiites. N’oublions pas la Turquie, alliée des impérialismes occidentaux, qui avait commencé par soutenir Daech, soutiennent plutôt les organisations proches des Frères musulmans de la coalition anti-Assad tout en agissant contres les organisations kurdes (elle-même anti-Daech) tout simplement parce qu’elle ne veut en aucun prix d’un Kurdistan syrien qui pourrait être une base arrière du PKK agissant en Turquie.

Acte 4: la seule base navale russe hors territoire russe est en Syrie.

Tout s’éclaire, non ? Bien sûr, il faudrait dans une analyse plus fouillée relier cela aux autres confrontations des impérialismes mondiaux. Par exemple, pour comprendre pourquoi la Chine défend l’intégrité de la Syrie alors que la plupart des protagonistes se dirigent vers une partition comme en ex-Yougoslavie, en ex-URSS, en Libye, ou ailleurs.

Du printemps arabe à une guerre entre impérialismes réalisée par des sous-traitants

Les printemps arabes ont été déclenchés pour s’opposer d’abord  aux politiques de privatisation et d’austérité des régimes dictatoriaux et corrompus. Ainsi étaient formulés des revendications sociales et démocratiques et quelquefois laïques; Si il y a bien eu un printemps arabe en Syrie, le fait qu’il n’y ait pas eu d’organisation représentative de ce printemps arabe et indépendante des impérialismes a vite entraîné le dévoiement de ce printemps arabe vers une instrumentalisation par les différents impérialismes et leurs alliées.

Partir du réel pour atteindre l’idéal

Nous sortons d’un monde unipolaire dirigé par les États-Unis pour entrer dans un mode multipolaire. C’est ni bien ni mal, c’est la réalité matérielle et donc il faut partir de là. Le monde multipolaire n’est pas plus propice à la paix que le monde unipolaire. Certaines forces se disant de transformation sociale et politique souhaitent s’allier avec un impérialisme contre un autre. Comme d’autres qui souhaitent s’allier avec telle extrême droite religieuse sous le prétexte que cette religion serait la religion des pauvres. Dans le premier cas, ces forces sont instrumentalisés par le dit impérialisme et dans le second cas, par la doctrine sociale de l’église correspondante et deviennent alors les idiots utiles d’une alliance entre un impérialisme avec ses extrêmes droites religieuses spécifiques. Voilà pourquoi nous devons opter pour la stratégie du double front d’une part contre les impérialismes et d’autre part contre les communautarismes et intégrismes religieux qu’ils soient djihadistes ou pas car les seconds sont le terreau des premiers. C’est sur cette base et sur aucune autre que doit se construire l’internationalisme. Ce qui doit nous guider doit être défini par une analyse de classe et par une détermination des alliances de classe nécessaires pour permettre au peuple d’agir. Les gauchistes communautaristes ou les élus qui pensent acheter la paix sociale en soutenant l’islamisme politique, sont en fait les idiots utiles d’un impérialisme ou d’une extrême droite religieuse. Ils n’ont toujours pas compris l’assassinat d’Abanne Ramdane, chef laïque du FLN supprimé par les dirigeants du FLN en 1957, le massacre d’un million de morts en 1965 en Indonésie, le massacre des communistes, des athées et laïques dans les années 80 en Iran, les centaines de milliers de morts en Algérie dans la décennie noire de la fin du XXe siècle, l’assassinat de Mohamed Boudiaf en 1992, les assassinats récents en Tunisie de deux dirigeants du Front populaire tunisien Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi par des islamistes, etc.

Les autres causes de l’imbroglio syrien

Si la cause principale de l’imbroglio syrien réside dans la géo-économie, d’autres causes ne doivent pas être occultées. Tout d’abord la géopolitique. Depuis l’effondrement du panarabisme, la question religieuse structure les luttes géopolitiques avec le soutien des impérialismes. La lutte pour l’hégémonie que se mènent l’Iran, l’Arabie saoudite et le Qatar sème la terreur dans la région et dans le monde. Et la division sunnites/chiites est utilisée pour structurer les contradictions géopolitiques. Mais cerise sur le gâteau de l’islamisme politique, les gouvernements néolibéraux, comme les gauchistes communautaristes ou les élus de tous bord qui souhaitent acheter la paix sociale favorisent les islamismes politiques jusque dans les quartiers populaires. Tout cela favorise en Europe bien sûr la montée des extrêmes droites chrétiennes et politiques (comme le FN) qui développe différentes formes de racisme et de haine contre une religion « bouc-émissaire », hier le judaïsme, aujourd’hui l’islam.

Voilà pourquoi il est préférable d’écouter Kepel et Pena Ruiz plutôt que Roy, Baubérot, Plenel ou Gresh. Voilà pourquoi, à la stratégie du double front, nous devons ajouter la liaison des combats démocratique, laïque, social, écologique et féministe. C’est plus difficile, mais c’est le seul chemin possible vers l’émancipation.