Déclaration sur la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Depuis une année, la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord s’est considérablement dégradée au plan politique et a sérieusement plombé les espoirs de liberté et d’ouverture des peuples à la modernité.

Ainsi, en Tunisie le parti Ennahda remporte les élections constituantes du 23 octobre 2011 et obtient 90 des 217 sièges de l’Assemblée avec plus de 40% des suffrages.

Au Maroc, avec plus d’un siège sur quatre, les islamistes du Parti pour la Justice et le Développement, sont les vainqueurs des législatives du 25 novembre 2011 et depuis, pour la première fois de son histoire, le gouvernement marocain a un premier ministre islamiste.

Les élections législatives en Egypte quant à elles, ont été un véritable raz de marée puisqu’à eux seuls les islamistes détiennent près de …70 % des sièges du parlement !

Les islamistes, forts de soutiens politiques décisifs et de moyens financiers sans précédent, sont sortis du bois et confisqué « démocratiquement » la majorité des suffrages là où des « élections » se sont tenues.

1. Ne pas capituler face aux ennemis de la démocratie !

En Algérie, si la mouvance islamiste n’a pas encore en main toutes les clefs du pouvoir, le tsunami islamiste risque d’emporter le pays par la brèche électorale si le pouvoir s’obstine à maintenir les échéances des élections législatives de Mai prochain. Celui-ci sait pourtant qu’une telle aventure électoraliste a coûté des dizaines de milliers de victimes et ruiné l’infrastructure économique du pays. Seuls le coup d’arrêt à un processus électoral suicidaire vingt ans plus tôt et les immenses sacrifices des forces patriotiques et démocratiques ont permis à l’Algérie de ne pas abdiquer face à l’islamisme armé.

Aujourd’hui, les apprentis sorciers du pouvoir font fi de l’Histoire et serine un discours rassurant. Il semblerait même qu’ils songent à recycler de vieux chevaux de retour san’tegidiots pour réactualiser le contrat de la trahison du 13 janvier 1995 conclu entre le FLN, le FIS et le FFS. Ils jouent sur le mensonge pour se faire passer aux yeux du peuple pour les champions et les précurseurs du changement et agitent l’épouvantail de la peur pour apparaître comme les sauveurs de la République. Tout indique qu’ils sont déjà en campagne pour rameuter le maximum de voix sur leurs candidats.

Les premières passes d’arme sur la scène politique montrent à l’envie que la classe politique aussi ne tire pas les leçons du passé et semble s’acheminer sans état d’âme vers les urnes, à l’instar du FFS, de l’UDR, des Rahabi et consorts.

Pourtant, les élections en Algérie ont toujours été un simulacre. Elles n’ont en fait servi au pouvoir en place qu’à maquiller une dictature pour conforter une image «démocratique » à l’extérieur et se donner d’autre part toute la garantie de manoeuvre à l’intérieur pour y imposer ses choix.

Mais pourra–t-il faire face au rouleau compresseur islamiste auquel la dynamique du succès électoral assure une marche triomphale inexorable ? Autrement dit, pourra-t-il manipuler les chiffres à sa guise comme dans les scrutins précédents ? L’escroquerie des voix et le bourrage des urnes, pourront-t-ils se faire dans les mêmes proportions pour assurer le rapport de force dont a besoin le système pour perdurer ?

2. Les élections de Mai : un engrenage suicidaire !

Des voix désespérées s’élèvent de l’intérieur même du pouvoir pour fustiger l’abstention qui se profile, qui risque de réduire considérablement le tripatouillage des voix et de chambarder les quotas préétablis.

Au plan politique, la « majorité » présidentielle a l’air de se fissurer. Après avoir tiré profit de tous les
dividendes du pouvoir, les islamistes se démarquent de plus en plus de celui-ci dans la perspective de
constituer à eux seuls les majorités de demain et fait inédit, l’Algérie est désormais dans les mâchoires
islamistes de l’étau maghrébin.

Le nouveau contexte régional pousse à l’inquiétude et rejaillit sur la sécurité intérieure du pays. Les
frontières sont plus poreuses au trafic des armes, à l’infiltration terroriste et l’AQMI a fait du sahel une
base arrière terroriste redoutable. La mobilité et les capacités de nuisance du terrorisme islamiste sont
telles que ses commandos agissent sans embarras aux quatre coins du territoire et sont à même de
mener des opérations spectaculaires : Dans la région de Tindouf, trois étrangers sont enlevés dans un
camp de réfugiés sahraouis tandis qu’à la frontière libyenne, le wali d’Illizi en personne est kidnappé
dans une zone ultra sécurisée. Ce dernier est libéré 24 heures plus tard sans que l’on ne sache à quel
prix a été obtenue sa libération. Par contre, des centaines de citoyens ont été kidnappés au cours de
l’année 2011 sans que le pouvoir n’ait investi le moindre effort dans leur libération.

Mais ce qui est nouveau sur la scène politique, c’est le zèle que manifestent l’Occident, notamment les
USA et la France, ses alliés historiques : la Turquie, l’Arabie Séoudite et dans le lot, un nouveau
mercenaire particulièrement actif et agressif, le Qatar, dans la tentation de soumettre tous les pays
arabes aux fourches caudines de l’islamisme « modéré ». Mieux encore, l’organisme français
d’assurance (COFACE) s’est converti à l’expertise politique et parie carrément sur la victoire du FLN
aux futures « élections » législatives. D’où tient-il cette indiscrétion ? En tous cas, d’aucuns
s’interrogent sur ce qui a bien pu le pousser à gonfler la note sécuritaire de la bonne élève et ce, en
flagrante contradiction avec l’état réel du pays, qu’est devenue à ses yeux l’Algérie.

Dans une situation politique aussi délétère et dangereuse, faudrait-il que les démocrates s’engagent
dans un processus qui risque d’assombrir durablement l’horizon démocratique du pays ? A-t-on le
droit de se hasarder dans un engrenage suicidaire et jouer le va-tout du pays à la roulette russe ?

Le combat solitaire et le black-out des années 90 ont ébranlé le pays mais ne l’ont pas mis à genoux.
Les Algériennes et les Algériens ont fait la traversée du désert en subissant une des étapes les plus
cruciales de leur existence sans faillir à l’objectif principal : Tenir en échec l’islamisme armé. Cette
victoire leur a été confisquée par ceux-là mêmes qui les ont traînés dans cette souillure infâme que
sont la « Réconciliation nationale » et la « concorde civile » et qui, aujourd’hui font allégeance aux
nouveaux maîtres de l’heure : les émirs du Qatar et de la Tunisie, après avoir largement ouvert
l’échiquier politique algérien à l’islamisme.

3. Résister, c’est construire un front républicain et démocratique

Les réformes proposées par le pouvoir articulent clairement une tactique politique au souci de
préserver le compromis islamo-conservateur. Elles s’inscrivent dans le refus d’une sécularisation du
pays et illustrent, en dernier ressort, le caractère profondément anti-démocratique d’une démarche qui
nie les valeurs de liberté et d’égalité.

Saignés par les vampires de l’islamisme politique et une maffia vautrée dans la corruption et l’incurie,
les Algériennes et les Algériens n’en peuvent plus de voir s’éloigner les échéances du redressement et
n’aspirent qu’à la paix et à la construction de l’Etat de droit.

La démocratie n’est ni une partie de poker, ni un saut dans l’inconnu mais elle s’arc boute sur un socle
de valeurs universelles que les islamo-conservateurs n’ont pas en odeur de sainteté. A partir de quel
seuil du pire va-t-on commencer à réfléchir à l’avenir du pays et cessé enfin de jouer avec le feu
d’élections biaisées ?

La démocratie ne se construit pas avec ses fossoyeurs. C’est pourquoi, briser le cercle vicieux dans
lequel on veut enfermer les Algériens, devient un impératif car le système n’est pas une fatalité.

Au plus fort du terrorisme, dans un sursaut salutaire d’union sacrée, les Algériennes et les Algériens
ont su passer sous silence toute leur mal vie et puiser dans leurs dernières ressources de résistance
pour permettre à la puissance publique de casser la déferlante islamiste. Aujourd’hui, l’urgence est de
sceller l’union la plus forte pour faire barrage à l’échéance macabre de mai 2012.

Respectueux des fondements de l’Etat de droit, nous ne sommes pas contre le principe des élections
mais nous ne signerons pas un chèque en blanc à ceux qui les ont profilées pour se reproduire ad vitam
aeternam et à ceux qui s’en servent comme ruse pour tuer dans l’oeuf le projet démocratique.

L’heure est au combat dont l’épicentre est le projet de société moderne par lequel les individus, quel
que soit leur sexe et leur origine sociale, sont des citoyens libres et égaux. C’est pourquoi s’impose la
nécessité de constituer un très large front de forces patriotiques acquises à l’idéal laïque et
démocratique pour s’opposer aux « élections » de mai 2012 et travailler avec l’ensemble des forces
vives du pays : les travailleur(se)s, les citoyen(ne)s, les jeunes, les cadres du pays, les artistes, les
intellectuel(le)s, à la mise en oeuvre d’une transition républicaine. De ce point de vue, la plate-forme
de la Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD), peut être une base de
départ pour relancer la dynamique de la convergence de toutes les forces démocratiques.

Le Bureau National du PLD

Alger le 22 janvier 2012

Cette déclaration a été publiée intégralement dans le quotidien algérien El Watan en date du 22 janvier 2012.