19 janvier 2023 : un tournant vers une nouvelle séquence favorable au monde du travail ?

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Manifestement, le champ des possibilités s’ouvre avec la mobilisation du 19 janvier. Bien sûr, « on ne peut pas faire bouillir les marmites de l’avenir » (Friedrich Engels), d’autant que plusieurs conditions manquent encore à l’appel. Mais nous devons tenter d’utiliser cette opportunité. Comme nous avons une conception matérialiste, historique et dialectique de l’évolution du monde, nous savons que ce sont les événements qui sont déterminants en dernière instance pour créer les idées et les conditions de la transformation sociale et politique. Tant pis pour les conceptions idéalistes de la petite bourgeoisie intellectuelle. Si on prend une moyenne des calculs effectués par certains syndicats et organismes avant les exagérations numériques habituelles, nous avons eu entre 1,6 et 2 millions de manifestants dans toute la France pour un premier événement. C’est exceptionnel. À Paris, la préfecture de Police a immédiatement ouvert un deuxième circuit en parallèle au boulevard Beaumarchais en ouvrant le boulevard Voltaire. Malgré cela, après plus d’une heure vingt de manifestations, il restait encore 80 000 personnes sur la place de la République. Juste pour ridiculiser les chiffres du ministère de l’Intérieur qui donnait ce dernier chiffre pour l’ensemble de la manifestation parisienne alors que ce chiffre correspond à la contenance de la place de la République dans sa densité maximale atteinte (et que tous les téléspectateurs ont pu voir sur les chaînes de télévision), chiffre bien connu des professionnels de la Préfecture de police lorsque la densité est maximale et que le rassemblement déborde sur tous les boulevards, rues et avenues qui en partent ! À noter aussi, les photos de nombreuses villes de province montrent le caractère exceptionnel de cette mobilisation.

L’intersyndicale prend le leadership du mouvement social, la jeunesse marque sa présence dans le mouvement

Quant à la bataille du leadership de la mobilisation entre l’intersyndicale et la France insoumise, elle est terminée puisque le peuple français a tranché. Les responsables de la France insoumise ont d’ailleurs pris acte de cela en appelant pour la suite du mouvement à se mobiliser à l’initiative unique de l’Intersyndicale et en présentant la marche du 21 octobre non comme une manifestation de la France insoumise comme prévu initialement, mais comme une marche des organisations de jeunesse soutenue par la France insoumise, ce qui n’est pas la même chose. Les nombreux milliers de jeunes présents représentant une dizaine d’organisations de jeunesse (non compris l’Unef) sur une manifestation entière de 30 à 35 000 personnes (facilement calculable, car Bastille-Nation emprunte une rue étroite) ouvrent néanmoins des possibilités d’actions non négligeables pour l’avenir si on se réfère à Mai 1968, aux actions contre le ministre de l’Éducation Lionel Jospin fin des années 80 ou contre le ministre Villepin au début de ce siècle.

Quelques responsables des organisations de jeunesse nous ont présenté la suite de leur agenda de lutte. Dès le 25 janvier, des assemblées dans les lycées et les universités sont convoquées pour débattre des actions dans ces établissements (manifestations, blocages, etc.). Si la mobilisation prend dans la jeunesse au même moment qu’elle prend dans le monde du travail salarié, le développement d’un fort mouvement social sur le premier semestre 2023 est possible. Nous espérons que les syndicats sauront rassembler les organisations de jeunesse.

La bataille est enclenchée entre l’exécutif et le mouvement social

Le Conseil des ministres se réunit ce lundi 23 janvier. Les commissions parlementaires se réuniront la semaine suivante et le débat parlementaire sera ouvert le 6 février probablement pour une cinquantaine de jours maximum si le gouvernement déclenche l’article 47.1 au lieu du 49.3. L’avenir nous dira la voie que suivra le gouvernement.

L’Intersyndicale a fixé la date de la prochaine date de grèves et de manifestations au 31 janvier 2023. Cette date est cruciale et nous souhaitons, à ReSPUBLICA, que toutes les forces populaires convergent dans toute la France à cette date.

Nous vous proposons également de lire dans ce numéro de ReSPUBLICA les interviews que nous ont données sur ce sujet la secrétaire confédérale CGT Catherine Perret chargée de la protection sociale et des retraites, le secrétaire général de la FSU, Benoît Teste, la secrétaire nationale de Solidaires Evelyne Ngo, chargée des retraites et de Christophe Delecourt, secrétaire général CGT de l’Union fédérale des syndicats de l’État.

D’une façon générale, autour de la revendication fédératrice des retraites solidaires, les discussions montrent que le mouvement s’élargit avec d’autres revendications : salaires, conditions de travail, lutte contre le chômage et donc combattre pour une meilleure formation professionnelle tant dans l’entreprise que de la part de l’État et des régions.

Les formes de lutte en discussion

Dans les discussions que les membres de notre Réseau ont eues dans les manifestations des 19 et 21 janvier, nous pouvons en conclure provisoirement qu’il y a une possibilité de coagulation sociale en France après la forte coagulation sociale en Grande-Bretagne (voir l’article de ce numéro à ce sujet). C’est manifestement la bataille des retraites qui est l’élément fédérateur. Les jeunes d’une vingtaine d’années que nous avons rencontrés nous ont dit qu’ils allaient défendre dans les AG le principe du retrait de la réforme d’augmentation de la date légale de départ à la retraite pour améliorer l’embauche des jeunes à la sortie de leurs études. Et de ce fait, disent-ils, le retour à 60 ans serait encore mieux ! Mais d’une façon générale, autour de la revendication fédératrice des retraites solidaires, les discussions montrent que le mouvement s’élargit avec d’autres revendications : salaires, conditions de travail, lutte contre le chômage et donc combattre pour une meilleure formation professionnelle tant dans l’entreprise que de la part de l’État et des régions.

Mais aussi, nous avons entendu la crainte de recommencer des manifestations saute-mouton sans fin qui ne sont que des ranonnées pédestres sans débouchés qui épuisent les travailleurs. D’où le besoin, disent-ils, de larges assemblées générales pour discuter de la suite à donner, de la décision ou non des blocages des établissements voir de l’économie. Ces discussions sont fréquentes dans la jeunesse mobilisée, chez les cheminots, chez les salariés du secteur de l’énergie, chez les fonctionnaires. À noter que la réussite du 19 janvier a aussi été due à une participation plus élevée de salariés du privé. Et le soutien populaire du mouvement est dû principalement à cette poussée de la volonté de mobilisation des salariés du privé. Ce sera donc plus dur pour le gouvernement de soutenir via les médias qu’ils contrôlent un sentiment antiblocage de l’économie et des établissements.

Nos tâches

Nos tâches sont donc de marcher sur nos deux jambes, à savoir tout faire pour mobiliser au maximum pour la journée du 31 janvier qui doit être plus massive encore que le 19 janvier, mais aussi de participer à des réunions larges dans les entreprises, dans les réunions territoriales pour mieux comprendre le fonctionnement du système de retraite, de revenir à des principes solidaires que le mouvement réformateur néolibéral a détruits et de contrer les mensonges du gouvernement. Par exemple, quand les représentants de l’oligarchie se basent sur le ratio nombre des actifs et nombre de retraités : tous les économistes sérieux sont d’accord que c’est le ratio production de richesses et nombre de retraités qui compte. Il faut bien sûr tenir compte de l’évolution de la productivité dans l’histoire et de la répartition des richesses créées, mais aussi, dans le cas où le pouvoir oligarchique ne veut rien savoir de la volonté populaire majoritaire, aller vers le blocage des économies comme dans les victoires populaires que nous avons connues dans l’histoire sociale.

Un mot sur les violences policières

Pour l’instant, la doctrine Lallement (nassage, grenades de désencerclement, flashballs, chars de l’armée) pour la police n’a pas été utilisée le 19 janvier, ce qui montre bien que la cause des blessés lors des manifestations des années précédentes relevait bien d’une stratégie gouvernementale d’alors de faire monter la peur comme dans les régimes préfascistes. Il a été montré en revanche le 19 janvier que lorsque la police sépare les « violents » du « cortège de tête » (on appelle cortège de tête le cortège situé devant la manifestation), la manifestation continue dans le calme. À noter que le cortège de tête  était formé de quelques milliers de personnes, mais que les violents  n’étaient que quelques dizaines. Donc dans ceux du cortège de tête qui ne font pas confiance à l’intersyndicale, le groupe des violents était largement minoritaire.

Conclusion provisoire

Développons nos luttes pour gagner, introduisons la démocratie dans nos luttes et nos assemblées générales, dans les choix des formes de lutte, gardons le soutien populaire, rassemblons-nous le plus largement, développons la formation et surtout l’éducation populaire refondée pour combattre l’hégémonie culturelle de l’oligarchie capitaliste. Voilà pour la conclusion provisoire. Et n’hésitez pas à nous contacter (evariste@gaucherepublicaine.org) si vous souhaitez construire avec nous une initiative d’éducation populaire refondée.