Condorcet, Catherine Kintzler et l’école

Notre amie Catherine Kintzler vient de faire paraître chez Minerva une 2e édition de son Condorcet, L’instruction publique et la naissance du citoyen.
Faute de trouver l’entretien où elle présente le livre dans l’édition papier du n° de Marianne, 6/12 novembre, on pourra se reporter en ligne à celui avec Alexandre Devecchio dans Figarovox : « La laïcité, c’est d’abord une liberté » : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/11/06/31001-20151106ARTFIG00327-catherine-kintzler-la-laicite-c-est-d-abord-une-liberte.php

Extrait :

Lorsque Condorcet présente son projet d’instruction publique, il le fait en articulant conjointement la question de l’autonomie des savoirs et celle du citoyen. On enseigne à l’école ce qui est intrinsèquement libérateur: les savoirs eux-mêmes sont autonomes, ils existent comme des objets libres ; les êtres humains acquièrent la plénitude de leur propre liberté par la rencontre avec ces objets libres. Et cela se fait de manière progressive: on commence par ce qui est élémentaire. Souci de l’élémentarité et de la progressivité ; analogie entre les objets du savoir comme objets libres et la liberté de l’être humain: tels sont les deux piliers soutenant une école laïque, c’est-à-dire une école qui n’est assujettie à aucune transcendance, à aucune finalité extérieure.

Cette conception très moderne, dans laquelle l’école ne compte que sur elle-même, a été obstinément détruite par trente ans d’une sempiternelle « réforme » consistant à renvoyer sans cesse l’école à son extérieur. C’est le sens de ce que j’écris dans l’avant-propos de mon Condorcet : une école qui prend pour règle les faits de société, qui rappelle constamment aux élèves leurs « différences », qui s’appuie même sur elles, cette école est discriminatoire dans son principe et renonce à sa mission qui est d’armer, d’instruire et de faire en sorte que tous commencent en même temps et à égalité. Les injonctions faites aux enseignants les détournent de l’essentiel. On leur demande de négocier avec les élèves, de se justifier, de considérer tout ce qui est extérieur pour différer le moment d’enseigner vraiment. Heureusement, une fois la porte de la classe fermée, beaucoup résistent et font leur travail, contre vents et marées qui les assiègent et qui trop souvent les désavouent.