“Peut-on progresser en mettant la charrue avant les bœufs ?”, demande Pierre-Victor Tournier dans son blog à la suite de récentes annonce gouvernementales. S’appuyant sur la position de la FARAPEJ (Fédération des associations réflexion action prison et justice) qui suit :
Alors que la population carcérale atteint des records (69 675 personnes), le Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a remis au parlement, le 20 septembre dernier, un rapport sur l’encellulement individuel, intitulé « Pour en finir avec la surpopulation carcérale ». Si la FARAPEJ partage de nombreuses analyses qui sous-tendent le rapport (importance de l’encellulement individuel, nécessité de se pencher sur la vie en prison et sur la préparation à la sortie, nécessité d’une politique réductionniste), notre fédération ne peut pourtant valider les conclusions et préconisations de ce rapport. Alors que le rapport propose une analyse fine et précise de la situation – notamment une analyse des moyens d’une politique réductionniste – les conclusions soumises au parlement, dont les évaluations des besoins en places de prison, privilégient la construction.[…] Pourtant, dans le contexte de forte inflation carcérale que l’on connaît depuis quarante ans, c’est en s’interrogeant sur la place de la prison plutôt que sur le manque de places de prison qu’on pourra résoudre le problème à moyen terme. Toute solution qui prévoirait la construction de prisons, sans s’attaquer à l’inflation carcérale ni engager une politique réductionniste, serait vouée à l’échec car elle s’attaquerait au symptôme et non aux causes du problème.
P.-V. Tournier ajoute :
Nous regrettons, tout particulièrement, que le Garde des Sceaux n’ait pas été au rendez-vous du 15 août 2016 prévu dans l’article 20 de la loi du 15 août 2014 : le Gouvernement s’était engagé à remettre un rapport au Parlement, dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, soit le 16 août 2016, « étudiant la possibilité de sanctionner certains délits d’une contrainte pénale à titre de peine principale, en supprimant la peine d’emprisonnement encourue, et évaluant les effets possibles d’une telle évolution sur les condamnations prononcées ainsi que ses conséquences sur la procédure pénale ».
Ce rapport d’évaluation de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte que l’on nous promet désormais pour fin octobre, aurait bien évidemment dû précéder toute considération sur la nécessité de construire de nouvelles places de prison. Sur la base du peu de statistiques disponibles, nous savons que cette nouvelle sanction « dans la communauté » et cette nouvelle mesure de libération anticipée sont très peu prononcées par les juges, alors qu’elles avaient vocation à prévenir la récidive de par leur nature et de par la baisse de la surpopulation qu’elles devaient logiquement produire.
Il y a urgence à prendre les décisions qui s’imposent pour que la loi du 15 août 2014 soit enfin appliquée.
NB – Inflation carcérale au 1er septembre 2016 : + 2 700 détenus en plus en un an ( dont + 2 000 pour les prévenus), surpopulation carcérale : 13 800 détenus en surnombre dont 1 439 dorment sur un matelas posé à même le sol. 39,5 % de l’ensemble des détenus bénéficient d’une cellule individuelle.