“Chapeau !” – Un communiqué du SLMT Groupement national “Sauvons La Médecine du Travail”

« Pouvez-vous lever le bras ? ….. Comme pour mettre un chapeau…/— Mais c’est mon cœur…/ Répondez aux questions. Pouvez-vous mettre un chapeau ? ./.. Oui . Mais c’est mon cœur qui /.….Répondez aux questions sinon votre évaluation en sera affectée/… Vous êtes médecin ? Infirmière ?/…. Je suis professionnel de santé /… Vous êtes du ministère ? /… Nous sommes missionnés par le ministère ». (1)Le film « Moi Daniel Blake » de Ken Loach s’ouvre sur ce type de dialogue entre un ouvrier du BTP inapte au travail pour cause de cardiopathie et l’enquêtrice qui instruit son dossier d’invalidité . Ce dialogue, séquelle de la politique de Madame M. Thatcher en Grande-Bretagne, est importé en France en médecine du travail par la loi El-Khomri pour la VIP.
Le décret du 27 décembre 2016 relatif à la « modernisation de la médecine du travail » s’applique au premier janvier 2017. Il prévoit (Art. R. 4624-10) que « Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention [VIP ], dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. » C’est-à-dire le plus souvent avant la fin de sa période d’essai.
L’objectif est que cette visite soit réalisée par l’infirmier de médecine et santé au travail puisqu’il y a carence de médecins. « Elle a notamment pour objet : […] d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ». Si ce n’est pas le cas « Art. R. 4624-14. Le professionnel de santé délivre une attestation de suivi au travailleur et à l’employeur à l’issue de toute visite d’information et de prévention. »
Mais si ce professionnel « Art. R. 4624-13. – A l’issue de toute visite d’information et de prévention, […] l’estime nécessaire, [il doit] orienter sans délai le travailleur vers le médecin du travail […] Cette nouvelle visite, effectuée par le médecin du travail, a notamment pour objet de proposer, si elles sont nécessaires, des adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes. »
Dans ce cas « Art. R. 4624-25. – Cet examen […] donne lieu à la délivrance par le médecin du travail d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude [qui sera] transmis au travailleur et à l’employeur ».
Ainsi, après cette visite, réalisée avant l’embauche définitive, et en dehors des cas de suivi individuel renforcé (SIR), il y aura deux catégories de salariés. D’abord celle des salariés qui fourniront à leur employeur une attestation de suivi prouvant ainsi que le personnel de santé qui a réalisé la VIP n’a pas « identifié si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ». Il leur sera possible d’envisager une éventuelle embauche à la fin de leur période d’essai à venir. Ensuite, la catégorie des salariés qui reviendront avec un avis du médecin du travail. Même s’il s’agit d’un avis d’aptitude, l’employeur saura alors immédiatement que le personnel de santé qui a réalisé la VIP a « identifié [que] son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ». Alors, bien sûr, l’employeur aura naturellement à cœur de compenser ce handicap en offrant préférentiellement à ce salarié malheureux un poste dans son entreprise…
Le décret d’application de la loi El-Khomri confirme les raisons de l’opposition qu’elle a provoquée. Elle instaure dans le code du travail français la discrimination des salariés à l’embauche sur la base de leur état de santé. En plus, elle place ainsi le médecin du travail, quoi qu’il fasse, en position de délateur trahissant de fait le point le plus fondamental de son éthique professionnelle : le secret médical. Car il importera peu à l’employeur de connaître exactement le motif de l’orientation lors de la VIP vers le médecin du travail. Sa conclusion sera simple et radicale : ce salarié a des problèmes de santé.
Chapeau au Medef, qui, en 7 années (depuis l’échec de l’accord des partenaires sociaux non signé de 2009), a atteint un objectif qu’il poursuivait depuis la création de la médecine du travail moderne. A savoir déplacer le rôle du médecin du travail de préventeur en agent de sélection et de délation au profit de l’employeur. Mais maintenant, il va falloir appliquer ces dispositions qui sont inapplicables. Les salariés vont réaliser à quel point elles contreviennent aux principes d’égalité devant l’emploi, de non-discrimination de santé et d’incompatibilité entre la médecine du travail et la sélection.

Le 12 janvier 2017
http://www.slmt.fr
Si vous souhaitez signer la pétition :
http://www.mesopinions.com/petition/politique/selection-sante-embauche/27434

 

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Le film « Moi Daniel Blake » de Ken Loach s’ouvre sur ce type de dialogue entre un ouvrier du BTP inapte au travail pour cause de cardiopathie et l’enquêtrice qui instruit son dossier d’invalidité .