Sortir du capitalisme par la République sociale

NDLR : ce texte collectif a été porté à la connaissance de ReSpublica avant le Congrès du Parti de gauche, auquel il était soumis. S’il n’y a pas été repris dans sa totalité – et donc n’engage pas le Parti de gauche – nous avons souhaité le diffuser parce qu’il coïncide avec nombre de thèses privilégiées par ce journal.

Le capital a plongé l’humanité dans la plus grave crise financière, économique, sociale et écologique de son histoire, et n’en poursuit pas moins ses prédations sur les peuples du monde entier. Ce mode de production, fondé sur la marchandisation et l’exploitation de la vie humaine et de l’écosystème, n’est pas une fatalité. Cette formation sociale et historique n’est ni tombée du ciel, ni consubstantielle à une prétendue « nature humaine », qui élirait toujours mystérieusement la pire des solutions. Façonné par la main de l’humanité, le capitalisme peut par conséquent être défait par elle. Au-delà des réformes d’urgence face à la crise, développées notamment dans le programme L’humain d’abord et dans le Contre-budget du PG, notre responsabilité en tant que parti est donc d’oeuvrer concrètement à la libération des travailleurs et de l’ensemble des citoyens en défendant des mesures de rupture avec le capitalisme. Pour ce faire, le Parti de Gauche ne connaît qu’une seule médecine : la République sociale.
Ce texte est issu des différents travaux de la Commission économie du Parti de Gauche. Nous le proposons comme contribution à notre congrès.

1. Récupérer la souveraineté du peuple face à l’Europe libérale : une nécessaire reprise en main de la politique monétaire

a. Refuser la privatisation de la monnaie

Pour rompre avec le capitalisme, il faut que le peuple reprenne la main sur la politique monétaire. Le traité de Maastricht a achevé la mise sous tutelle des nations européennes par les marchés financiers capitalistes. L’État, les collectivités territoriales, les caisses de protection sociale ne peuvent plus emprunter pour financer leurs investissements, directement ou indirectement, sans passer par les fourches caudines des banques privées et des marchés financiers. Ceux-ci ont le monopole de la monnaie ainsi privatisée. L’adoption du TSCG et ses règles absurdes de limitation de la dette et des déficits démontrent une fois de plus que l’union monétaire est un instrument de soumission des peuples à l’idéologie néolibérale. Dépossédés de l’instrument des taux d’intérêts et du taux de change et livrés à une libre concurrence exacerbée par l’élargissement de l’UE, les gouvernements instrumentalisent cet ensemble de contraintes pour justifier des politiques de compression du « coût du travail ». L’exonération des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les entreprises et les revenus du capital en est une illustration. Pour sortir de cette situation catastrophique, il faut désobéir aux traités européens et, en même temps, engager des discussions pour de nouveaux traités au sein de l’Union européenne.

b. Proposer une autre voie pour l’euro

 Nous mènerons ainsi un véritable coup de force qui nous permettra de subvertir les institutions européennes et de les pousser ainsi à se réformer radicalement. Le gouvernement fera voter tout de suite les dispositions constitutionnelles et légales nécessaires pour réformer le statut de la Banque de France. Son nouveau statut autorisera cette dernière à concourir directement au financement de l’État et à refinancer les banques publiques à taux réduit. Cette reprise en main de la politique monétaire, en violation du traité sur l’Union monétaire, alliée à un audit citoyen de la dette, à une réglementation drastique de la finance et à la nationalisation des grandes banques pour constituer un pôle public bancaire puissant, nous permettra de mettre en oeuvre une véritable politique de relance et d’être suivis en ce sens par les pays européens qui subissent de plein fouet les plans d’austérité. Nous réorienterons les intérêts de la dette actuellement versés aux capitalistes vers les budgets de l’Etat, des collectivités territoriales et les caisses de protection sociale ; nous embaucherons massivement dans les services publics ; nous financerons ainsi la nécessaire transition écologique. Et si nous sommes exclus de la zone euro par la BCE, nous serons en mesure d’assumer ce risque. Si la BCE refuse de se réformer avec la prétention de nous obliger à mener une politique néo-libérale pour rester dans la zone euro, nous entreprendrons de construire d’autres solidarités, fondées sur un nouveau rapport de forces(1)Cette stratégie est développée en détail dans la résolution du Conseil national du PG d’avril 2011 et dans l’ouvrage Nous on peut, de Jacques Généreux, paru aux éditions du Seuil.. Nous pourrions, par exemple, négocier la création d’un « eurosud » dévalué et refondé sur des principes coopératifs ou, si cela s’avère impossible, créer un système monétaire européen stabilisant les taux de changes intra-européens et associé au contrôle des mouvements de capitaux. (2)Une réforme allant dans ce sens est notamment proposée par François Morin, dans l’ouvrage Un Monde sans Wall Street, paru aux éditions du Seuil, collection économie humaine.

2. Réformer le droit de propriété des moyens de production contre le diktat du capital : une politique économique qui rende le pouvoir aux travailleurs

a. Renverser le rapport de forces entre capital et travail

 La réforme radicale de la politique monétaire, la réglementation de la finance et la relocalisation de l’économie constituent les premiers pas décisifs pour aller au-delà et changer radicalement la société. En effet, nous devons sortir du capitalisme, comme système d’exploitation des travailleurs et de privilèges indus octroyés aux actionnaires, sans quoi les crises continueront et les peuples en feront continuellement les frais. Il faut donc avancer vers une réforme drastique de la propriété privée lucrative, tout à la fois des moyens de production, des moyens de subsistance et des moyens de circulation monétaire. L’ensemble des entreprises oeuvrant à l’intérêt général de la nation (énergie, banques, transports, etc.) doivent être nationalisées immédiatement. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire doivent quant à elles être soutenues et privilégiées dans les marchés publics ; et les salariés doivent bénéficier d’un droit de préemption pour pouvoir reprendre leur entreprise en coopérative. De plus, nous ferons en sorte que les salariés voient immédiatement leurs droits renforcés au sein de l’entreprise. Une réforme de la direction des entreprises et l’établissement d’un droit de veto du CE sur l’ensemble des décisions stratégiques permettra enfin aux salariés de s’opposer aux plans de licenciements et de proposer de réelles alternatives.

b. Engager une socialisation progressive des entreprises

Le privilège fondateur du capitalisme est celui par lequel la totalité du capital accumulé par autofinancement, et donc généré par la combinaison productive du capital et du travail, appartient unilatéralement aux actionnaires. Il s’agit ni plus ni moins d’un vol légal, à l’instar des privilèges féodaux en leur temps. C’est pourquoi il est nécessaire de rompre avec ce privilège et de conférer la propriété d’une part croissante du capital aux salariés2 en tant que société des travailleurs, c’est-à-dire collectif de travail. Grâce à cette réforme de socialisation progressive, la part du bénéfice incorporée dans les fonds propres de l’entreprise chaque année sera partagée entre les actionnaires et la société des travailleurs, au prorata de la contribution du travail aux richesses produites, mesurée en proportion du travail et du capital consommés. Ce capital détenu collectivement par les salariés ne donnera pas droit à versement de dividendes. Il ne s’agit pas de droit de propriété individuelle lucrative, mais bien de propriété sociale collective. Si cette loi avaient été votée il y a dix ans, les salariés de PSA seraient majoritaires aujourd’hui dans le capital de leur entreprise, et donc au Conseil d’administration.

3. Sécuriser l’activité économique réelle face aux aléas du marché : une politique publique au service de l’intérêt général

a. Créer une Caisse de solidarité productive

 En synergie avec cette socialisation progressive, nous instituerons une Caisse de solidarité productive, qui permettra d’assurer la sécurité de l’activité de production pour l’ensemble des acteurs (salariés, travailleurs non salariés, entreprises, entrepreneurs) par mutualisation du risque, selon le même principe que la Sécurité sociale et par un système de cotisations des entreprises, dont le barème sera sur le modèle de l’impôt progressif (3)Cette proposition est notamment développée dans l’ouvrage Changer vraiment ! Quelles politiques de gauche ?, Fondation Copernic, Editions Syllepse. . Cette Caisse imposera donc par la loi une solidarité économique entre les entreprises, grandes et petites, face aux variations d’activité. Elle apportera aux entreprises des fonds propres, obtenus par mutualisation, sans le besoin de recourir à des fonds extérieurs privés. Elle fournira également des financements longs, par le crédit à taux bas ou nul pour les TPE/PME, sans que l’Etat n’ait à débourser un centime. La Caisse de solidarité productive pourra en outre se substituer aux employeurs pour financer la baisse du temps de travail, en cas de baisse de commandes, et assurer le maintien des salaires, ainsi que la continuité du contrat de travail, en cas de graves difficultés économiques ou de disparition de l’entreprise. En association avec la socialisation progressive, elle éliminera progressivement les capitaux privés des entreprises pour leur substituer des capitaux socialisés, ce qui assurera donc la sortie du capitalisme par la disparition des capitalistes en tant que classe.

b. Assurer un protectionnisme écosocialiste

Il est également indispensable de faire bifurquer le modèle libéral mondialisé qui entraîne partout, dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement, le chômage, la misère et l’accroissement des inégalités, tout en détruisant systématiquement l’environnement. À cette fin, il est absolument nécessaire de mettre en oeuvre une planification écologique, qui permettra la relocalisation des échanges, la prise en compte du temps long dans la production sociale et la préservation responsable de l’écosystème humain. C’est pourquoi nous devons mettre en place une politique protectionniste de relèvements des droits de douanes sur des critères sociaux et écologiques. Ceci n’est en aucun cas contradictoire avec la solidarité internationale des travailleurs, puisque ces mesures protectionnistes permettront de compenser les effets du dumping social et écologique. En effet, en augmentant le coût des importations, les revenus dégagés par ces taxes permettront d’aider les producteurs locaux et d’alimenter des fonds à destination des pays visés pour les aider à progresser socialement et écologiquement. Enfin, la Caisse de solidarité productive constituera un outil essentiel pour la planification écologique, en tant qu’elle permettra à la puissance publique d’orienter la vie économique vers un mode de production écosocialiste par le conditionnement des fonds alloués en fonction de critères écologiques.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Cette stratégie est développée en détail dans la résolution du Conseil national du PG d’avril 2011 et dans l’ouvrage Nous on peut, de Jacques Généreux, paru aux éditions du Seuil.
2 Une réforme allant dans ce sens est notamment proposée par François Morin, dans l’ouvrage Un Monde sans Wall Street, paru aux éditions du Seuil, collection économie humaine.
3 Cette proposition est notamment développée dans l’ouvrage Changer vraiment ! Quelles politiques de gauche ?, Fondation Copernic, Editions Syllepse.