LA BONNE ANNÉE 2011 EST LÀ !

Certes, ce n’est pas une surprise : tout le monde s’est souhaité les meilleurs vœux de bonne année, de bonne santé et de réussite. La superstition de début d’année a encore bien fonctionné même si beaucoup traduisent la formule magique par de bons voeux pour une meilleure année sachant que le nombre d’exclus et notamment de chômeurs va encore augmenter, comme les inégalités sociales.

Chers lectrices et lecteurs, vous avez échappé à ce rite de passage incantatoire, car RESPUBLICA a pris quelques vacances émaillées de réflexion pour définir les axes de son plan annuel. Sans vouloir jouer les Pythies de Delphes ou les moines retirés sur le mont Athos, ce que nous souhaitons… c’est partager avec vous nos analyses et en débattre.

La crise du turbocapitalisme se creuse telle une tombe.

Après la chute de l’Islande, de la Grèce et de l’Irlande sont venues les difficultés de l’Espagne et du Portugal ; pour ces deux pays, un répit dû à la nécessité pour les Chinois de répartir leurs achats de dettes entre l’Europe et les États-Unis. En arrière-plan, les contradictions vont donc s’accroître entre les États-Unis et la Chine. C’est ainsi que le marché de la dette devient un enjeu politique majeur, mais aussi la nouvelle faiblesse du turbocapitalisme. Parallèlement, la globalisation financière continue de plus belle et sans entraves, avec des profits financiers sans aucune commune mesure avec la croissance de la richesse matérielle. Les prochaines bulles sont déjà en formation côtoyant dans certains pays une demande intérieure en berne.

Le FMI en pompier pyromane, avec son commandant néolibéral affiché socialiste Dominique Strauss-Kahn, lance partout ses politiques d’ajustements structurels et fait payer aux couches populaires et à la majorité des couches moyennes les cataclysmes organisés par la gouvernance mondiale politico-financière.

L’Allemagne, pays ayant sauvegardé une vraie politique industrielle, de recherche et d’innovation, prend le leadership européen en utilisant les pays proches de l’Est pour une partie de ses délocalisations. Quant à la Grande-Bretagne qui peut mener une politique monétaire, elle dispose encore de marges de manœuvre qui font défaut à une France ayant choisi la voie de la désindustrialisation et du renoncement en matière d’innovation, de recherche scientifique et industrielle.

Des pays arabes sont entrés dans une nouvelle phase de leur Histoire. Après les manifestations en Iran contre la dictature de l’extrême droite chiite, voici les mouvements populaires contre les dictatures militaires algériennes et tunisiennes. Les peuples sont de retour et savent faire entendre leurs exigences.

Par contre, les Palestiniens sont loin d’être à la fête, entre l’arrogance du gouvernement d’extrême droite israélienne, la dictature islamiste du Hamas à Gaza et le constat que, malgré la croissance des inégalités sociales en Israël, son taux de croissance est fort comme ses investissements en recherche et développement.

Tout ce qui retarde la création de l’État palestinien aux côtés de l’État israélien sur les frontières de 1967, avec un juste traitement des réfugiés et le partage de Jérusalem, soulève notre indignation. Indignation aussi contre le CRIF et quelques intellectuels réactionnaires qui appellent à supprimer la liberté d’expression à Stéphane Hessel, indignation contre la directrice de l’École Normale supérieure que cette atteinte ne dérange pas.

En Afrique, le socialiste Gbagbo (membre de l’Internationale socialiste) soutenu par des conseillers de l’extrême droite européenne, tente de conserver le pouvoir par une dictature militaire contre Alassane Ouattara, l’homme des Occidentaux néolibéraux et vainqueur des élections — d’une courte tête. Autant dire que ce côté du monde nous laisse sur notre faim de révolution sociale.

En Amérique du Sud, un début de coordination politico-économique s’effectue entre les pays dirigés par la gauche. Le Brésil a eu l’audace d’organiser le mois dernier, une première Conférence mondiale pour le développement des systèmes universels de sécurité sociale, au moment où les politiques néolibérales s’acharnent à détruire l’indispensable protection sociale solidaire.

Partout dans le monde, des liens se nouent entre les combats laïques, sociaux et politiques, nous aurons de nombreuses occasions de revenir sur cette indispensable liaison.

Des indicateurs pointent clairement la fragilité de la phase du capitalisme financier que nous avons intitulée depuis plus de 20 ans le turbocapitalisme.

L’accélération de cette agonie, due pour beaucoup à une baisse tendancielle du taux de profit obligeant la gouvernance mondiale néolibérale à durcir le pressing sur les couches populaires et une partie des couches moyennes aux fins de leur faire payer la crise, ne peut être utilisée efficacement qu’à la condition d’élargir le front des mobilisations populaires.

Dit autrement, il s’agit de se préparer à la prochaine crise. Nous y sommes contraints, car les dirigeants néolibéraux ne savent plus faire autre chose que de nous lancer dans la prochaine crise. Leur système implique, à partir notamment de la baisse tendancielle du taux de profit, la baisse des salaires qui ne peut plus à partir d’un moment, être contrebalancé par un endettement massif.

Ici et dans le même temps, nous voyons arriver Madame Le Pen à la tête du FN, renforcée qu’elle a été par l’ancienne extrême droite païenne qui a réussi en passant du père à la fille, à changer de bouc émissaire, passant de l’immigré au musulman ; cette stratégie leur attire les bonnes grâces de l’UMP et celles de quelques transfuges doriotistes issus de la gauche et de l’extrême gauche. La défaite de Gollnish soutenu par l’extrême droite catholique laisse les mains libres au clan Le Pen pour concrétiser ces nouvelles alliances déjà en oeuvre dans plusieurs pays d’Europe.

Un mot sur l’arrogance de N. Sarkozy : c’est bien le seul domaine où il ne faillit pas. Allez voir le film « Walter en résistance » et vous verrez notre président de la République mépriser les Résistants républicains espagnols et français avec ses blagues grossières sur la cascade d’en face ou la chemise rose d’un tel. Et ceci pendant la cérémonie du plateau des Glières, haut fait de la Résistance pendant la guerre.

Vigueur nouvelle dans le ballet des prétendants à la candidature socialiste : déjà 6 prétendants potentiels. Et chacun de chercher à se placer avec des formules assassines pour son voisin tout en clamant « tous dans l’unité ! ».

Les thuriféraires de l’écologie politique décroissante qui se font appeler Europe écologie-les Verts n’ont de cesse que de proposer au PS une alliance aux cantonales pour contrer les candidats du Front de Gauche (par exemple en Val-de-Marne). Déjà trois candidats pour le Front de gauche où le PC choisira seul pour l’ensemble des composantes. Bizarre, non ?

Le NPA, quant à lui, va réunir son congrès pour savoir si à l’avenir, il doit autoriser ou pas des candidats arborant des signes religieux. Fermez le banc, donc ! En conclusion, certes provisoire, on peut dire que les partis de gauche en général et les partis de la gauche anti-libérale peuvent mieux faire !

Retenons qu’heureusement, le mouvement social des retraites animé par l’intersyndicale unie n’est pas sorti écrasé. S’il n’a pu réussir à empêcher le passage en force de la droite néolibérale, il a, pour la première fois depuis longtemps, réussi à avoir 70 % du peuple

avec lui et à compenser l’amoindrissement de la mobilisation des fonctionnaires et des régimes spéciaux par un surcroît significatif de la participation des salariés des couches populaires du privé. C’est la première fois depuis longtemps. Autre point positif : la vigueur du mouvement a obligé, vu l’approche de l’élection présidentielle, N. Sarkozy à retarder la bombe qu’est la privatisation du risque dépendance prévue dès octobre 2010, reportée au premier trimestre 2011. Cela aura été au moins cela.

C’est bien en tout cas, la montée du mécontentement des couches populaires qui peut modifier la donne. On sait que les salariés représentent 92 % des travailleurs, que parmi ceux-ci, les couches populaires ouvriers, employés sont 53 %, les couches moyennes 39 % (15 % de cadres et 24 % de catégories intermédiaires). Les 8 % restants sont les non-salariés dont une partie conséquente s’apparente aux couches moyennes.

Notre point de vue est que la gauche partisane n’a aucune chance d’engager la transformation sociale si elle n’arrive pas à retrouver le lien politique avec les couches populaires. Sur ce point, les syndicats ont réussi une première étape ; les partis politiques de gauche ou d’extrême gauche n’ont pas encore permis cette jonction : voilà LE problème de 2012.

Si vous ajoutez la nouvelle géosociologie des territoires avec la montée des couches populaires en zone rurale (plus de 35 %) et en zones péri-urbaines (atteignant parfois près de 60 %) avec des cadres politiques vivant surtout dans les villes-centres et les banlieues (qui commencent aussi à perdre des couches populaires), vous voyez qu’il faut de profonds changements dans les organisations ! Les opérateurs d’éducation populaire liés au mouvement social le constatent chaque jour lors des réunions publiques, des cycles d’universités populaires, des stages de formation : les participants sont beaucoup plus nombreux en zone rurale et périurbaine que dans les villes-centres.

N’oublions pas de signaler que grâce à nos députés, nous aurons beaucoup plus de Margaret Tchatcher aux côtés des Ronald Reagan et des Sarkozy dans les conseils d’administration des grandes entreprises ! Vous voyez l’avantage ? Mais nous aurons toujours moins de services publics, de centres IVG, de centres de planning familial, toujours 22 % de salaires féminins de moins que les salaires masculins à même qualification en activité et 38 % en retraite ! Toujours pas de crèches collectives et familiales suffisantes, toujours pas de service public de la petite enfance permettant la garde du soir et de nuit, etc.

Toujours moins de remboursements de soins, toujours pas de logement social pour les jeunes des couches populaires ! Toujours pas de salaires pour la fin de la formation ! Toujours pas de prise en charge des conditions de vie dignes pour les vieux !

Bon ! Après tout cela, voulez-vous nos meilleurs vœux de bonne année ?

Alors, allons directement aux mots d’ordre :

  • Résister et convaincre pour produire la révolution républicaine laïque, sociale, féministe, démocratique et écologique
  • Militer pour une éducation populaire tournée vers l’action en direction des couches populaires
  • Avec Antonio Gramsci, comprendre qu’il faut d’abord une victoire sur l’hégémonie culturelle avant la transformation sociale
  • Expliquer qu’il n’y a plus de combats prioritaires, que tous les combats doivent entrer dans la globalisation des combats. Ne pas laisser croire qu’un domaine surplombe l’autre parce qu’il est plus important.
  • Comme en 1936, comme dans la Résistance, comme dans le CNR, comme en mai 68, comme dans le mouvement des retraites, penser les stratégies à front large et laisser le sectarisme des groupuscules à ceux qui ne redoutent pas de se faire empailler au musée Grévin comme les derniers des Mohicans.

On s’écrit, on se voit, on discute, on agit ! Chiche !