La question stratégique se situe dans l’angle mort des visions militantes

Un de nos camarades nous a transmis un article paru sur le site Opex 360 (site d’information sur l’actualité de défense et de la sécurité) intitulé « Pour le général [2S] Castres, ex-chef des opérations à l’EMA, la France a commis cinq erreurs au Sahel » (de Laurent Lagneau, disponible ici).

Après avoir lu cet article écrit suite à un cycle d’auditions sur l’opération Barkhane organisé par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, force a été pour nous de constater que nous aurions pu écrire un article intitulé « Pour nous, les directions des organisations politiques et syndicales de gauche ont commis cinq erreurs depuis de nombreuses années » en reprenant des phrases entières du discours généraliste du général Castres.

Cela nous a rappelé la célèbre phrase de Clausewitz : « La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens ». Et même si Michel Foucault inverse la phrase de Clausewitz, on voit bien le lien entre la stratégie politique et la stratégie militaire. Pour les curieux qui s’intéressent à la question stratégique, la lecture des grands stratèges de l’histoire – Sun Tzu, Machiavel, Clausewitzk, etc. est d’un grand intérêt.

Présentons ces phrases :

La première erreur serait la méconnaissance du réel (qui empêche d’aller vers l’idéal !), qui invite à plaquer un « prêt à penser » et des « solutions clés en main » ; cette tendance à vouloir appliquer des solutions clé en main « accrédite l’idée selon laquelle les crises seraient des modèles mathématiques quasiment orthonormés » alors qu’il faut les voir comme des « organismes vivants » ayant chacun un « biotope différent ».

La seconde erreur serait de considérer une crise uniquement sous (un seul) prisme avec les yeux rivés sur les seuls « indicateurs opérationnels »… Les « embrasements de violence ne sont jamais la cause des crises mais leur conséquence ».

La troisième serait de ne pas tenir compte de « l’inconcordance des temps ». Aussi « quand nous nous engageons dans la résolution d’une crise, nous devons d’emblée intégrer la dimension temps et élaborer une stratégie de moyen ou long terme, résiliente sur les plans financier et capacitaire. »

La quatrième erreur (serait) de considérer les différentes crises dans le monde, en particulier celles liées à la mouvance jihadiste, comme des « phénomènes cloisonnés géographiquement – Libye, Sahel, Asie, Levant – et de penser qu’en les résolvant successivement, nous apporterons une solution à la crise globale. » Alors que nous sommes dans un « système de crises » auquel il faudrait apporter une « réponse systémique, globale et englobante ».

Le cinquième « péché capital » décrit… consiste à ne pas savoir garder la « tête froide » et donc de réagir sous le coup de l’émotion, voire sous la pression des médias et de l’opinion publique : « Nous faisons rarement de bons choix avec un œil rivé sur les horreurs diffusées par les chaînes d’information permanentes et l’autre sur les sondages de popularité » et ce comportement induit une « une forme de dérationalisation des décisions politiques » qui fait que l’on préfère « apporter à une crise une réponse médiatique plus qu’un effet stratégique »

Enfin, l’’auteur ajoute une sixième erreur. « Ils » n’ont pas été formés au sens où nous l’entendons… Et il y a deux raisons à cela : les pouvoirs en place (les directions d’organisations) ont considéré qu’une armée forte (que des militants formés) serait une menace pour eux, d’où l’accent mis sur des « gardes prétoriennes ». La seconde est que « qu’en l’absence de menaces globales […], le métier (politique) est devenu dans beaucoup de pays, plus une rente de situation qu’une vocation », aussi, le « réveil est donc brutal et le retard à combler important ».

Bien sûr, toutes choses sont différentes par ailleurs. Néanmoins, nous remercions le général Castres, que nous ne connaissons pas, de nous avoir donné l’occasion de faire cette chronique.