Que penser du spectacle de danse entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur le PLFSS 2026 sous l’égide de l’extrême centre ?

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L'hémicycle du Sénat français en septembre 2009. Par Romain Vincens, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7973137

Disons que la chorégraphie du spectacle de danse entre l’Assemblée nationale (AN) et le Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) sous l’égide de Macron-Lecornu (l’extrême centre du moment) est de mauvaise qualité, désuète, peu attractive. Dit autrement, la démocratie est totalement absente de ce jeu sans avenir pour le grand nombre entre les deux fractions de la grande bourgeoisie, chacune étant majoritaire dans une des deux chambres. La seule question qui vaille est de savoir pourquoi un grand nombre de travailleurs continuent à voter pour ces pitres de la grande bourgeoisie ou, en refusant de voter, leur laisse la possibilité de les écraser.

En ce tout début décembre 2025, tout se présente selon les prévisions des éditos de ReSPUBLICA depuis la rentrée sociale de septembre. Depuis l’édito de la semaine dernière, nous avons appris que tous les députés en séance (sauf un député du groupe LIOT) ont voté contre le volet recettes du budget de l’État qu’ils ont patiemment construit depuis des semaines. On ne peut pas faire mieux comme mascarade. Et ils sont grassement payés pour cela ! Et la commission mixte paritaire (CMP), réunissant 7 députés et 7 sénateurs, qui s’est réunie mercredi dernier au soir(1)Quatre parlementaires Les Républicains : le député et rapporteur général à l’Assemblée Thibault Bazin (Droite Républicaine) et les sénateurs Alain MilonCorinne Imbert et Pascale Gruny); une sénatrice de l’Union centriste (la rapportrice générale au Sénat Elisabeth Doineau) ; un député Horizons (le député et président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux) ; un sénateur Les Indépendants, République et Territoires (Daniel Chasseing) ; trois parlementaires socialistes (le député Jérôme Guedj, les sénateurs Bernard Jomier et Annie Le Houérou) ; un député de La France insoumise (Hadrien Clouet) ; une députée écologiste (Sandrine Rousseau) ; deux députés du Rassemblement national (Joëlle Mélin et Christophe Bentz). pour tenter de mettre d’accord les deux fractions majoritaires de la grande bourgeoisie(2)7 parlementaires sur 14 de l’extrême centre et de la droite et deux députés de l’extrême droite, 3 PS et deux députés du reste de la gauche. sur le PLFSS 2026 a échoué comme prévu, car les stratégies sont contradictoires. Les uns veulent passer en force via l’union de toutes les droites, les autres veulent une alliance d’extrême centre avec le soutien du PS. Suite au prochain numéro !

Où en est le PLFSS 2026 ?

Le rapport à cette étape est le suivant :

  • Le déficit de 24 milliards d’euros voté par l’AN est revenu à 17,6 milliards d’euros, proche du point de départ gouvernemental.
  • Le Sénat a supprimé le décalage de la réforme des retraites voté en première lecture par l’AN. Donc, la génération née en 1964 ne partirait plus à 62 ans et 9 mois avec 170 trimestres, mais à 63 ans avec 171 trimestres. L’élargissement de ce décalage aux carrières longues et aux personnes nées au premier trimestre 1965 est donc également abandonné. Le Sénat a diminué les dépenses de ce décalage de 400 millions d’euros en 2026 et de 1,9 milliard d’euros en 2027.
  • Pour les revalorisations annuelles des pensions de retraite et des prestations sociales (allocations familiales, RSA, etc.), le Sénat a rétabli un projet austéritaire. Il a donc annulé la revalorisation à hauteur de l’inflation votée en première lecture par l’AN, sauf pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et pour les retraites inférieures à 1 400 euros. Résultat, au lieu de l’augmentation de l’austérité de 3,6 milliards d’euros du gouvernement d’extrême centre, l’austérité est ramenée à 1,9 milliard d’euros.
  • Le Sénat a rétabli la surtaxe sur les complémentaires santé, soit une ponction de 1 milliard d’euros qui participera à l’augmentation des cotisations des complémentaires santé.
  • Le Sénat a rétabli le gel du barème de la CSG et supprimé la hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital proposé par les socialistes. Donc 2,8 milliards d’euros de moins en recettes.
  • Le Sénat maintient la déduction scandaleuse des cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 250 salariés, asséchant par-là les recettes de la Sécurité sociale.
  • Le Sénat a supprimé la création d’un réseau France santé proposée par le gouvernement, en estimant que c’est une coquille vide.
  • Le Sénat a manifesté son mécontentement en supprimant l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) de 1,6 %, jugé insuffisant, en demandant au gouvernement de revoir sa copie.
  • Le Sénat a rallongé le temps de travail de 12 heures, passant à 1 619 heures par an.
  • Le Sénat a proposé un nouveau congé supplémentaire de naissance pouvant aller à deux mois supplémentaires, pour un coût de 600 millions d’euros. C’est la seule proposition sénatoriale positive d’un nouveau droit.
  • Le Sénat refuse de donner à la Sécurité sociale le droit de baisser les tarifs pour rentabilité excessive comme pour l’imagerie médicale. Le Sénat est donc favorable à la rentabilité excessive de certains revenus médicaux !
  • Le Sénat adopte des mesures pour freiner la fuite des médecins vers la médecine esthétique.
  • Le Sénat a rétabli l’obligation vaccinale des soignants, mais pas pour les résidents des EHPAD.
  • Le Sénat a fait retirer l’amendement visant à dérembourser les soins de psychanalyse.
  • Le Sénat s’oppose à la cotisation sociale des chèques restaurant et des chèques vacances qui font partie des 15 milliards d’euros d’exemptions de cotisations sociales.
  • Le Sénat augmente la taxation des ruptures conventionnelles.
  • Le Sénat supprime l’exonération des cotisations sociales pour les apprentis et diminue (mais trop peu) les exonérations de cotisations pour les hauts salaires des cadres supérieurs.
  • Le Sénat a refusé que l’État ponctionne 3 milliards d’euros dans les caisses de la Sécu.
  • Le Sénat augmente les taxes des boissons les plus alcoolisées prisées par les jeunes, mais s’oppose à l’affichage obligatoire du Nutriscore.

Conclusion provisoire

Nous allons donc vers la deuxième lecture du PLFSS 2026 à l’AN. Pendant ce temps-là, c’est le budget de l’État qui est traité par le Sénat. Les prévisions de nos derniers éditoriaux pour la suite sont maintenues dans celui-ci. La censure est toujours possible. Déjà, des voix du PS (derrière François Hollande) demandent l’utilisation du 49-3 pour avoir un budget dans les temps constitutionnels. La balle est dans le camp de Macron-Lecornu après discussion avec Olivier Faure. La « société du spectacle » est donc toujours d’actualité.

Nous serons vigilants à regarder ce qui va advenir sur le pacte Dutreil qui permet, grâce à une largesse de 5,5 milliards d’euros (ruissellement vers le grand patronat), de conduire la France sur le chemin d’une société d’héritiers. Selon la Cour des comptes, sur un bien professionnel de 2,5 millions d’euros, un parent sexagénaire peut transmettre son bien à deux de ses enfants avec un taux effectif d’imposition de plus de 25 % sans pacte Dutreil (625 366 euros de droits de donation) et de 1, 63 % avec le pacte Dutreil (40 694 euros).

Nous serons également vigilants quant à l’ensemble des aides octroyées aux entreprises sans contreparties (270 milliards d’euros selon les auteurs du livre Le Grand Détournement), qui ne sont là principalement que pour payer les dividendes des grandes entreprises insuffisamment productives par faiblesse des investissements dans les entreprises essentielles et à forte valeur ajoutée.

Nous serons vigilants à la manière dont la Sécurité sociale survivra avec plus de 95 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, ainsi qu’avec les dettes de l’État que l’extrême centre macroniste a fléché sur le budget de la Sécurité sociale.

Nous serons également vigilants à regarder la pression en deuxième lecture de notre oligarchie pour protéger la montée exponentielle du budget de la défense au détriment des budgets de justice sociale et de réindustrialisation sous transition énergétique.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Quatre parlementaires Les Républicains : le député et rapporteur général à l’Assemblée Thibault Bazin (Droite Républicaine) et les sénateurs Alain MilonCorinne Imbert et Pascale Gruny); une sénatrice de l’Union centriste (la rapportrice générale au Sénat Elisabeth Doineau) ; un député Horizons (le député et président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux) ; un sénateur Les Indépendants, République et Territoires (Daniel Chasseing) ; trois parlementaires socialistes (le député Jérôme Guedj, les sénateurs Bernard Jomier et Annie Le Houérou) ; un député de La France insoumise (Hadrien Clouet) ; une députée écologiste (Sandrine Rousseau) ; deux députés du Rassemblement national (Joëlle Mélin et Christophe Bentz).
2 7 parlementaires sur 14 de l’extrême centre et de la droite et deux députés de l’extrême droite, 3 PS et deux députés du reste de la gauche.