Sortir par le haut des polémiques au sein de la Nupes

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De nombreuses polémiques internes à la Nupes sont reprises dans les médias dominants. Que ce soient des polémiques au sein de la FI, au sein d’EELV, au sein du PCF ou du PS ou des polémiques entre partenaires de la Nupes. Il ne faudra pas s’étonner que cela favorise in fine l’extrême centre macroniste et le Rassemblement national. Pourquoi ? Pour deux raisons principales. La première raison est que les propres militants de ces organisations apprennent par la presse néolibérale les positions de leurs leaders sans qu’ils puissent participer à une réunion ou s’échangent des positions argumentées avec leurs leaders. Avoir pour seul vecteur principal de médiation entre les dirigeants et les militants la presse bourgeoise, cela ne favorise pas le travail nécessaire pour un combat pour nouvelle hégémonie culturelle !

La deuxième raison apparaît quand la position de tel ou tel dirigeant apparaît au plus grand nombre comme une absurdité comme par exemple la critique des barbecues comme activité patriarcale par Sandrine Rousseau ou encore les différentes déclarations de dirigeantes féministes estimant qu’il n’y a pas besoin de preuves pour donner raison à des femmes qui incriminent un homme de discriminations ou d’agressions sexuelles ou encore parler de cause raciste pour des crimes ou délits plutôt dus à la misère et à la pauvreté. Dans ces derniers cas, il nous reste que Georges Orwell pour conclure : « Il est des idées d’une telle absurdité que seuls les intellectuels peuvent y croire. »

Bien sûr, il existe dans chaque formation politique des informations internes par voie électronique pour les militants, mais ces informations internes ne précisent pas des positions précises sur le débat véhiculé par les médias dominants. C’est dommage. Chaque organisation reste dans son couloir. Les quatre conditions de Condorcet de la démocratie (positionnements fournis pour toutes et tous sur l’ensemble des supports d’information, débat raisonné et argumenté dans des instances démocratiques de ces positionnements, suffrage universel, référendum d’initiative citoyenne) sont peu utilisées et c’est un euphémisme ! Nous reviendrons ultérieurement sur de nombreuses pratiques internes aux organisations qui éloignent ces organisations d’une démocratie moderne !

Globalisation des combats rime avec primat de la lutte des classes

Cela dit, une polémique nous a semblé importante, c’est celle qui a lieu actuellement sur la place du social dans les mix des sujets à aborder dans le champ politique. Fabien Roussel et François Ruffin ont chacun de leur côté alimenté ce sujet et ont reçu des critiques de différents responsables de leurs organisations, mais aussi d’autres responsables de la Nupes. ReSPUBLICA a jugé nécessaire de donner son point de vue. Celui-ci s’articule d’abord sur le fait qu’il ne faut pas séparer le social du sociétal. Nous pensons qu’il faut penser une globalisation des combats parce que la vraie vie ne se découpe pas en tranches et que les interdépendances sont de plus en plus fortes entre les catégories des injustices. Mais aussi parce que nous vivons une complexification des typologies par activité professionnelle et donc une complexification des classes et catégories sociales. Et donc que le « un être humain, une voix » ne peut fonctionner qu’avec une globalisation des combats sociaux, laïques, démocratiques, féministes, antiracistes, etc. C’est donc le pendant de notre appel à la constitution d’un bloc historique populaire.

Une fois dit cela, il est erroné de considérer cette nécessaire globalisation des combats comme une simple addition de chaque combat « à égalité ». Car l’histoire a tranché et que seule la question sociale a cette puissance fédératrice pour faire bifurquer le chemin politique. Récemment, on a vu la puissance fédératrice du mouvement social sur les retraites. On l’a vue dans le mouvement des Gilets jaunes, en mai-juin 68 avec la plus grande grève de l’histoire de France, et en remontant plus loin dans les différentes révolutions ou dans le programme du Conseil national de la Résistance concocté pendant le conflit mondial. Et c’est souvent la mobilisation sociale qui a permis aux autres combats d’effectuer une avancée (contre l’esclavage, le sexisme, le colonialisme, etc.). À noter que nous n’avons pas attendu l’idéologie de l’intersectionnalité venue des États-Unis pour penser l’interdépendance des combats. Dès le XVIIe siècle en Grande-Bretagne, dès le XVIIIe siècle en France, l’interdépendance était dans de nombreuses têtes.

Il est à noter que de nombreux militants néo-racialistes, wokistes, néoféministes, parlent des penseurs et militants comme Simone de Beauvoir ou Frantz Fanon, deux de nos auteurs de chevet, qu’ils n’ont manifestement jamais lus et en leur faisant dire le contraire de leur pensée.

Voilà pour Simone de Beauvoir :

L’action des femmes n’a jamais été qu’une agitation symbolique ; elles n’ont gagné que ce que les hommes ont bien voulu leur concéder ; elles n’ont rien pris : elles ont reçu. C’est qu’elles n’ont pas les moyens concrets de se rassembler en une unité qui se poserait en s’opposant. Elles n’ont pas de passé, d’histoire, de religion qui leur soit propre ; et elles n’ont pas comme les prolétaires une solidarité de travail et d’intérêts ; il n’y a pas même entre elles cette promiscuité spatiale qui fait des Noirs d’Amériques, des Juifs des ghettos, des ouvriers de Saint-Denis ou des usines Renault une communauté. Elles vivent dispersées parmi les hommes, rattachées par l’habitat, le travail, les intérêts économiques, la condition sociale à certains hommes – père ou mari – plus étroitement qu’aux autres femmes. 

Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, Tome 1, Faits et mythes.

Bien évidemment, elle écrivait cela avec la connaissance historique qu’elle pouvait connaître lors de l’écriture de ce livre central dans l’histoire du féminisme. Aujourd’hui, les femmes ont gagné en indépendance et donc probablement, elle écrirait différemment aujourd’hui, même si nous pensons par exemple que la loi sur l’IVG de 1975 doit beaucoup au mouvement de mai-juin 68 par exemple.

Idem pour Frantz Fanon que nous pouvons caractériser comme un universaliste concret comme le montrent nombre d’articles parus dans ReSPUBLICA(1)Voir notamment notre précédent article. Sur le même sujet, voir l’article de Gérard Noiriel publié dans Le Monde « Dire que l’immigration est une chance pour la France n’est pas qu’un slogan de la “gauche morale”, mais une réalité historique ».. Cet article montre une pensée antiraciste et émancipatrice que nous partageons à ReSPUBLICA contrairement aux nouveaux importateurs français qui ont introduit au sein de la gauche un racialisme identitaire en provenance des universités américaines et qui rompt avec la pensée émancipatrice de la gauche française.

Donc pour nous globalisation des combats rime avec le primat de la lutte des classes comme ciment unitaire du monde du travail entraînant la majorité du peuple comme nous l’avons vu dans le mouvement social des retraites. Le fait que ce mouvement n’a pas encore vaincu n’enlève rien à son caractère unitaire et rassembleur. De plus, c’est au cours de ce mouvement que de nombreux débats ont eu lieu au sein de ce corps social mobilisé sur d’autres sujets que les retraites (les salaires, le financement de la Sécu, la criminalisation des actions de revendication et de résistance, le comment du « que faire ? », etc.)(2)Lire « Si on veut une gauche de gauche, il va falloir changer de paradigme et de pratique »..

Prenons un exemple de proposition en neuf points juste pour susciter le débat dans vos territoires”

Suite à ce que nous venons d’écrire, voilà une architecture d’objectifs politiques à débattre qui pourrait répondre à la stratégie de globalisation des combats avec le primat de la lutte des classes d’une part et à une volonté de construire en y ajoutant un programme de revendications immédiates la fameuse « double besogne » d’autre part sans laquelle aucune transformation sociale et politique n’est possible. Il va sans dire que ce qui suit n’est qu’un exercice de concrétisation analogique et ne correspond pas au réel à construire, réel à construire qui ne peut s’élaborer que par les travailleuses et travailleurs eux – mêmes suite aux luttes sociales et au débat raisonné et argumenté concomitant ! Ce qui suit ne remplace pas un programme de revendications immédiates, mais cela permet la double besogne, car ce qui suit définit un nouveau modèle économique et politique.

Voilà un ensemble de lois-cadres à discuter :

  1. Augmentation concomitante des salaires directs et socialisés ainsi que des pensions de retraite indexées sur le salaire moyen et l’inflation.
  2. Dégagement de la sphère de constitution et des libertés (école, services publics, Sécurité sociale) de l’emprise des marchés et refondation des objectifs de cette sphère pour répondre aux besoins sociaux et économiques des assurés sociaux, assurer enfin la continuité, l’égalité et la mutabilité des services publics et assurer le primat de l’école publique laïque pour former le futur citoyen en vue de son autonomie matérielle et intellectuelle et non selon tout autre critère.
  3. Modification de la CSG de la façon suivante : les prélèvements sur les salaires directs (70 % de la CSG) deviennent des cotisations sociales et donc sont supprimés de la CSG ce qui ne change rien pour les travailleurs, mais préparent le retour à la gestion de la Sécurité sociale par les assurés sociaux eux-mêmes, suppression des prélèvements sur les retraités (18 % de la CSG) sur trois ans remplacés par une augmentation des taux de cotisations, laisser dans la CSG, les prélèvements sur les gains financiers des contribuables (12 % de la CSG) en augmentant les taux et abonder alors la CSG sur les profits après avoir défalqué de ces derniers le montant des impôts de l’entreprise et des réinvestissements dans l’appareil productif.
  4. Création d’une planification énergétique et écologique comprenant un volet biodiversité, un volet eau potable et eau non potable utile, une suppression totale du fossile en 2050 avec une forte augmentation des énergies renouvelables, un volet développement des filières amont des industries du renouvelable pour assurer notre souveraineté énergétique, un volet pour des nouvelles forêts écologiques, un volet pour la suppression totale des pesticides, un volet pour une surveillance aquatique plus sérieuse y compris pour les cyanobactéries
  5. Élaboration d’une constitution enfin démocratique avec les quatre conditions de Condorcet et enfin laïque en abrogeant toutes les lois anti-laïques à commencer par la loi Debré de 1959 et les suivantes et par l’introduction de la laïcité dans les cinq départements français qui aujourd’hui y dérogent.
  6. Aboutissement à une vraie égalité hommes-femmes en commençant par la pire des inégalités à savoir l’inégalité dans les pensions de retraite, dans les salaires en activité dans le secteur privé puis en construisant un vrai service public de la petite enfance (voir le collectif « Pas de bébés à la consigne »), un vrai service public de l’autonomie pour les personnes âgées dépendantes et enfin une vraie incitation à la mixité dans tous les secteurs.
  7. Planification en vue d’une forte réindustrialisation surtout dans les filières amont sous transition énergétique et écologique.
  8. Refondation des lois sur l’immigration, mais aussi sur la nationalité (y compris avec un jus domicili comme pendant la Révolution française).
  9. Possibilité d’une socialisation progressive des entreprises pour que la démocratie ne s’arrête pas à la porte des entreprises en favoriser le passage des salariés en travailleurs associés avec un nouveau statut d’entreprise et son écosystème correspondant.

Et si on en discutait à l’automne dans différents coins de France dans des initiatives à construire collectivement sur cette base ?