Une fois de plus, les principes de la République sociale sont bafoués !

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Sébastien-Melchior Cornu, La République, XIXe siècle, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, Besançon.

Une fois de plus, Alain Supiot a dit l’essentiel dans une tribune du 15 mars dans Le Monde :

Un gouvernement avisé doit se garder de mépriser la démocratie sociale, spécialement lorsque ses représentants s’expriment d’une seule voix.

Sans doute, manque-t-il à ce texte la remontée vers la cause première de ce nouveau recul, à savoir que l’action de Macron-Borne-Dussopt correspond à une conséquence des contradictions internes du capitalisme qui « obligent » ses valets à lutter contre la tendance à la décroissance du taux de profit en baissant les salaires directs et socialisés ainsi que les retraites. Ainsi, le taux de remplacement moyen des retraites qui était de 71 % dans les années 80, n’est plus aujourd’hui qu’à un peu plus de 50 % et que la prévision du COR doit l’amener en 2070 de 32 à 39 % selon le niveau de l’évolution de la productivité du travail.

Une fois de plus, les principes de la République sociale sont bafoués. Cette fois-ci par le mépris du social et de la démocratie.

Les soutiens du capital ont fait reculer le conquis de la Sécurité sociale

De la loi Morice en 1947 au 49-3 de la loi Macron-Borne-Dussopt, en ce jeudi 16 mars 2023, plusieurs dizaines de contre-réformes ont défiguré la plus grande avancée sociale de l’histoire que fut la Sécurité sociale avec ses quatre caractéristiques révolutionnaires, issue du programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944, des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 et des grandes lois d’Ambroise Croizat des 22 mai, 22 août, 13 septembre et 30 octobre 1946.

De plus, un suivi minutieux de l’histoire de cette dernière contre-réforme a montré très clairement le but de créer un troisième niveau obligatoire en capitalisation pour tuer in fine la mutualisation d’une retraite par répartition. Ainsi, le Sénat a fait ajouter avant la réunion de la commission mixte paritaire l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2023, un rapport sur l’application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et de l’article 4 de la présente loi. Ce rapport compare les conséquences pour les assurés et les pensionnés d’une affiliation à un régime par répartition et à un régime par capitalisation, à l’image de la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens ou du régime additionnel de la fonction publique. Il étudie les modalités d’instauration d’un nouveau régime social applicable à des cotisations versées à un régime obligatoire d’assurance vieillesse par capitalisation, destiné aux salariés et aux indépendants, qui serait intégré dans le système des retraites. Il s’attache également à définir la structure administrative qui pourrait être retenue pour piloter ce nouveau régime obligatoire, ses modalités de financement, la composition de son conseil d’administration ainsi que les règles entourant les placements de ses actifs. 

Cela dit, l’histoire n’est pas terminée. Nous verrons si la motion de censure déposée de façon transpartisane pourra renverser ce lundi le gouvernement. Puis, il y aura une saisine du Conseil constitutionnel dont l’avis sera très attendu, car de nombreux juristes estiment que l’interprétation du président Macron de la Constitution ne correspond pas à cette constitution, notamment dans les utilisations des véhicules législatifs 41-7, du vote bloqué de l’article 44 et du 49-3 dans une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (LFRSS) dans laquelle des cavaliers législatifs non prévus dans une LFRSS seraient installés. Et si 185 parlementaires décidaient de lancer un référendum d’initiative partagée (RIP) selon l’article 11, un délai de 9 mois pourrait être accordé. Même si le RIP n’est pas un référendum d’initiative citoyenne (RIC) tout simplement, car il est installé dans la Constitution pour ne jamais être employé (nécessité de 10 % de signatures soit 4,7 millions sans que ces conditions suffisent pour déclencher le référendum, car un refus d’un congrès parlementaire suffirait pour ne pas le déclencher).

Par contre, il est probable qu’il y ait un écroulement de la cote présidentielle, qu’il soit de plus en plus difficile pour Emmanuel Macron de gouverner. Cela dit, il n’est pas impossible au regard des études actuelles d’opinion par catégorie socioprofessionnelle qu’une éventuelle dissolution ne soit gagnante que pour le Rassemblement national notamment dans la classe populaire ouvrière et employée et dans les couches moyennes en voie de paupérisation.

Voilà pourquoi nous préconisons de marcher sur nos deux jambes, de participer aux actions prévues par l’intersyndicale (jeudi 23 mars), mais aussi de susciter des réunions de formations militantes et d’initiatives d’éducation populaire refondée sur les différentes questions posées dans cet article.

La démocratie a été bafouée par le système représentatif

La séquence que nous venons de vivre n’est pas seulement une crise sociale, mais aussi une crise de la démocratie. Car cette Ve République, qui ne correspond en rien aux dix principes d’une République sociale du XXIe siècle est à bout de souffle. Tout simplement parce que le débat va resurgir entre le système représentatif d’une part et la démocratie avec les quatre conditions de la démocratie de Condorcet d’autre part. Resurgir, car ce que certains appellent aujourd’hui démocratie représentative n’est qu’un système de représentation pour éviter la démocratie. Ce système a été défendu pendant la Révolution française par des « révolutionnaires » comme Mounier ou Sieyès face à Condorcet.

Mounier, l’un des rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 (!) : « Si tous les pouvoirs émanent du peuple, il importe à sa félicité qu’il n’en ait pas l’exercice. » Ou encore : « Le pouvoir législatif ne doit pas être confié à des hommes sans fortune, qui n’auraient ni assez de loisir ni assez de lumières pour s’occuper avec succès du bien général ; mais, par la représentation, il s’établit des liens de fraternité entre les riches et ceux qui sont forcés de travailler pour leur subsistance. Les premiers ont intérêt à mériter les suffrages des autres ; ils cherchent à se concilier l’opinion publique. »

L’abbé Sieyès, futur participant au coup d’État de Bonaparte : « Le peuple […] dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants ». Et encore : « C’est pour l’utilité commune qu’ils se nomment des représentations bien plus capables qu’eux-mêmes de connaître l’intérêt général, et d’interpréter à cet égard leur propre volonté. L’autre manière d’exercer son droit à la formation de la loi est de concourir soi-même immédiatement à la faire. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre les deux systèmes politiques est énorme. » (discours du 7 septembre 1789).

Nous rappelons ce que serait aujourd’hui la démocratie au sens de Condorcet avec ses 4 items :
1) Toute proposition doit être portée à la connaissance de tous les citoyens.
2) Un débat raisonné doit avoir lieu entre ces propositions.
3) Des représentants devront être élus au suffrage universel.
4) Pour que la souveraineté du peuple puisse exister entre deux élections, il faudrait instituer la possibilité d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC) et d’un référendum révocatoire à mi-mandat si une portion conséquente de citoyens le décidait.

Nous ne pourrons pas sortir de cette crise politique sans création des lieux de débats citoyens sur les 10 principes et caractéristiques de la République sociale (liberté, égalité, fraternité, laïcité, universalité concrète, solidarité, démocratie, sûreté et sécurité, souveraineté populaire et développement écologique et social) rassemblés dans un projet holistique global et une ligne stratégique efficiente à débattre.