Acte 1
Les 6 et 7 novembre, les Brésiliens ont assisté en direct à l’arrivée des 57 chefs d’État et de gouvernement et de 39 ministres à la COP 30 de Belém, en préambule des travaux qui devaient s’achever le 22 novembre. En fait, très vite, ce qui choquait même les non-initiés, c’était l’absence des poids lourds des BRICS : ni l’Inde, ni la Russie, ni la Chine (le pays le plus producteur de gaz au monde) n’étaient présents à l’ouverture ; étonnant quand on connait les liens du président brésilien avec Poutine, Xi Jinping et même Narendra Modi.
Autre absent, certes moins surprenant : le président du pays qui a le plus pollué depuis la révolution industrielle. Trump, on le sait, s’est retiré de la COP, car il clame que le combat contre le réchauffement climatique est une escroquerie. Il a préféré au même moment organiser un grand spectacle à Mar-A-Lago, sponsorisé par l’America First Policy Institute, où se croisaient des stars du sport et des investisseurs, et même l’Argentin Milei, aussi climatosceptique que son Parrain. Et puis, quelques jours plus tard, toujours pendant la COP 30, Trump recevait le maître de l’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, qui, lui, ne veut pas entendre parler de réduction des énergies fossiles.
La liste des absents était longue et comptait les responsables des grandes puissances les plus pollueuses de la planète, mais aussi, étonnamment, de la Turquie et de l’Australie, les deux pays organisateurs de la prochaine COP 31 !
Les organisateurs avaient bon espoir de compenser ces absences par la venue des quelques grandes puissances européennes, dont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Mais…
Les Pitres : Royaume-Uni, Allemagne, France
Le Prince William est arrivé sur le sol brésilien trois jours en avance, le temps de visiter Rio et de se faire photographier sur la plage en train de jouer au volley. On l’aura aussi vu en grande discussion en Amazonie avec des autochtones à plumes. Et l’on retiendra sa grande déclaration : « nous sommes convaincus des efforts à réaliser », même si, côté financement, désolé, mais le Royaume-Uni ne peut pas s’avancer. Il faut dire que le Royaume-Uni soutient la guerre. Non pas celle contre les pollueurs, mais celle en Ukraine, aux côtés de la coalition européenne.
Le second pitre est arrivé à l’heure, et trônera sur la photo officielle. Mais, de retour dans son pays, le Premier ministre allemand lancera une petite bombe d’eau glacée en demandant à la cantonade aux journalistes qui l’avaient accompagné lequel d’entre eux avait envie de retourner à Belém. Personne, bien sûr, ne s’est proposé, tout le monde était tellement content d’avoir quitté un tel enfer… L’Allemagne est un si beau pays, qui a fait des finances publiques « équilibrées » son objectif numéro un et n’est plus prêt à rivaliser avec la Norvège au niveau des grands donateurs contre la déforestation.
Le meilleur des pitres pour la fin : Macron est arrivé à temps au Brésil, mais a choisi de faire d’abord escale à Salvador de Bahia, où les réseaux sociaux l’auront montré tour à tour embrassant des fans ou tapant sur des tambours. Arrivé à Belém après les discours d’ouverture du secrétaire général des Nations unies ou de Lula, il a fait acte de présence à un débat en séance plénière, puis, après quelques rencontres bilatérales, il s’est envolé pour le Mexique, sans même prendre le temps de poser sur la photo officielle (au moins ça que Trump ne pourra pas lui reprocher).
Il n’aura donc pas entendu ces mots de Lula : « si les hommes qui font la guerre étaient présents à cette COP, ils se rendraient compte qu’il est beaucoup moins coûteux d’investir 1 300 milliards de dollars pour résoudre un problème que d’en investir 2 700 milliards pour faire la guerre comme ils l’ont fait l’année dernière ». Mais aussi : « L’urgence climatique est une crise d’inégalités. Cela expose et aggrave ce qui est déjà inacceptable ».
Acte 2 : grand absent, les combustibles fossiles
Lula souhaitait faire de cette COP 30 le « sommet de la vérité », et c’est bien la vérité toute crue qui est apparue : dix ans après les accords de Paris considérés comme le véritable point de départ d’une conscience et d’une volonté commune, Belém n’a pu que faire de consternants constats. Les émissions de gaz à effet de serre des pays n’ont pas diminué, les événements météorologiques extrêmes n’ont fait que se multiplier et les discussions sur les financements sont au point mort. Sans compter que plusieurs dizaines de pays n’ont pas encore fixé leurs objectifs climatiques en 2025.
La COP 29 prévoyait 300 milliards de dollars d’ici 2035 pour l’aide aux pays en développement contre le réchauffement climatique, alors qu’il en fallait quatre fois plus. Les émissions de gaz CO2 ont atteint 57,7 millions de tonnes en 2024, soit 2,3 % de plus qu’en 2023. L’objectif de limiter à 1,5 % le réchauffement climatique demeure improbable, et l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée. D’autant qu’en 2025, seuls 79 pays ont présenté leur plan pour réduire les gaz à effet de serre.
Les niveaux de production des combustibles fossiles évoqués dans les Accords de Paris pour 2030 dépassent de plus de 120 % les limites compatibles pour contenir le réchauffement à 1,5 °C et de 60 % les limites compatibles avec l’objectif à 2 °C.
Les négociations de la COP 30 ont été difficiles, longues, tortueuses et évidemment décevantes. Au final, ce que les Brésiliens ont nommé « le paquet de Belém », un ensemble de 16 documents concernant les points négociés durant les deux semaines de conférence sur l’adaptation climatique, le financement, une transition juste, le paquet de Belém, donc n’évoque même pas les énergies fossiles (pétrole-gaz-charbon), et ne propose aucune feuille de route en matière de transition. La mention était proposée par 82 pays, mais ils n’ont pu venir à bout de la résistance menée par l’Arabie saoudite, la Russie, la Chine et l’Inde. La mention est restée en « off », dont les journalistes raffolent, mais, si maintenant les scientifiques et les défenseurs de la planète s’y mettent, l’inertie nous guette. Aucune feuille de route non plus pour mettre fin à la déforestation, malgré le soutien de 92 pays. À noter : la présence à cette COP 30 de la plus forte proportion de lobbyistes pétroliers (dont le patron de Total, qui est resté à Belém bien plus longtemps que Macron) et de représentants de l’agro-industrie. Y aurait-il un rapport ?
Mais alors, que dit cet accord final si l’essentiel n’y figure pas ?
Les spécialistes des politiques climatiques relèvent tout de même une avancée historique de la reconnaissance des droits des autochtones, le triplement des fonds consacrés au changement climatique d’ici 2035 pour faire face aux canicules et inondations, même si le chiffre de 120 milliards de dollars/an au lieu des 40 actuels avait été avancé et adopté, mais n’a pas été repris dans le texte final.
Le Brésil parvient à lancer son programme « Forêts tropicales pour toujours » (FTTT) avec plus de six milliards de dollars (3 de la Norvège, 1 du Brésil 1 de l’Indonésie, 1,15 de l’Allemagne, 500 millions de la France, le Portugal et les Pays-Bas devant participer pour un montant encore non précisé). On est loin des 10 milliards escomptés pour démarrer le projet et encore plus loin des 25 milliards pour le rendre viable.
122 pays ont présenté leurs objectifs pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre parmi les 198 qui composent l’accord de Paris, mais les objectifs présentés par ces pays sont insuffisants pour maintenir la limite de température à +1,5 °C.
On note au chapitre des nouveautés la reconnaissance des actions marines dans les objectifs climatiques avec la création d’un groupe de travail océanique dirigé par la France et le Brésil.
On note également un projet porté par une volonté politique de Lula, qu’il affichait dès son discours d’ouverture : créer un mécanisme pour « permettre des transitions justes, équitables et inclusives » et mentionner les travailleurs, les situations en vulnérabilité, les peuples autochtones, les communautés locales, les immigrants, les descendants africains, les femmes, les enfants, les jeunes, les personnes âgées et handicapées.
L’ambassadeur brésilien André Correa do Lago, président de la COP 30, a ainsi résumé la situation : « l’affrontement traditionnel entre pays développés et en développement existe toujours et les Européens ne voulaient pas payer pour que le monde commence à dépendre moins du pétrole, du gaz et du charbon ».
Commentaires
La planète se meurt, et nos dirigeants s’amusent à prendre des photos et à jouer du tambour, puis repartent tout fiers dans leur pays en espérant ne pas avoir à retourner trop vite dans la chaleur amazonienne. Les négociations débouchent sur des résolutions finales tellement pesées et millimétrées qu’à la fin, personne ne comprend vraiment de quoi il s’agit, et tout le monde se dit : « on verra ça la prochaine fois ».
Les peuples sont pris en otage par une poignée d’irresponsables, aussi inconséquents et manipulateurs que Macron en France avec sa « convention citoyenne sur le climat ».
Les COP dans leur format actuel ont-elles vécu ? Il semble que le ressort de ce type de structure soit cassé et que la militance mondiale soit noyée sous la propagande des grands de ce monde, qui trouvent dans la guerre leur priorité du moment.
