GOLIATH, un film percutant sur les pesticides

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Affiche du film Goliath

GOLIATH de Frédéric Tellier, un thriller environnemental qui illustre les rouages d’un vaste pan de notre agriculture productiviste et de ses dégâts, sort en salle ce mercredi 9 mars.

Un scénario réaliste à la longue genèse

En 2014, alors que Frédéric Tellier, le réalisateur, travaille sur son film L’Affaire SK1, il tombe sur un livre qui évoque le milieu agricole et la qualité de la nourriture produite. Ce livre lui ouvre les yeux sur une partie du fonctionnement de notre agriculture et il décide de poursuivre ses recherches en se documentant grâce à des ouvrages comme La Fabrique du mensonge de Stéphane Foucart, Intoxication de Stéphane Horel ou Un empoisonnement universel de Fabrice Nicolino. Avec le concours de son co-scénariste, Simon Moutaïrou, il se plonge dans le monde opaque de l’agro-chimie et rencontre plusieurs acteurs et actrices de ce domaine (un avocat spécialisé dans le droit environnemental, un journaliste spécialiste des sujets scientifiques et la porte-parole de l’association Alterniba) ; ils parviennent même, en usant de subterfuges, à approcher des lobbyistes.

Ces années de recherche se ressentent dans l’écriture du scénario dont les scènes sont toutes très vraisemblables, comme par exemple cette réunion gouvernementale où sont invités les lobbyistes, ce qui suscite l’agacement d’un des ministres. Comme l’explique Simon Moutaïro : « Le scénario de GOLIATH tresse entre elles des dizaines d’anecdotes modifiées et fictionnalisées. Aucune anecdote n’est réelle à 100 %, mais tout est vrai à 99 %. ». Ce réalisme constitue la force du film qui évite de tomber dans le manichéisme ou l’héroïsation des personnages qu’il dépeint. C’est davantage en exposant une réalité plus qu’en voulant démontrer (ce qui est souvent le travers des films engagés) que le film parvient à expliquer les mécanismes qui permettent à l’agrochimie de perdurer et à convaincre le public de l’aspect inique de ce système.

Un film grand public réussi

La volonté du réalisateur était de bâtir un « film mosaïque » qui multiplie les points de vue, ce qui fait de GOLIATH un film assez dense et intelligent. Le scénario s’accroche tout de même à trois personnages principaux : un avocat en droit environnemental qui défend des victimes de pesticides (incarné par Gilles Lellouche), un jeune lobbyiste brillant (joué par Pierre Niney – qui avait joué un pompier dans le précédent film du réalisateur Sauver ou périr – et qui se révèle excellent dans ce rôle) et la compagne d’un homme tombé malade à cause des pesticides et qui devient activiste environnementale (Emmanuelle Bercot).

Mais on y croise une vaste galerie de personnages, parmi lesquels on peut noter un ancien scientifique (joué par Jacques Perrin) auparavant employé par un fabricant de pesticides et qui essaye d’éveiller les consciences, malgré son contrat de confidentialité. Il faut souligner que la dramaturgie a été soignée et que le propos politique est toujours porté par les personnages, leurs enjeux et leurs émotions. Le montage efficace attrape tout de suite le spectateur et ne le perd pas durant les deux heures que dure le film. Si certaines scènes sont assez dures (ainsi du geste désespéré d’une agricultrice), l’ensemble du film n’est cependant pas démoralisant, ce qui est encore une fois un bon point pour un film engagé.

Pour conclure, on peut se réjouir qu’un film accessible, mais néanmoins très pédagogique et percutant, et porté par des acteurs célèbres, ait pu être réalisé sur le sujet complexe des pesticides et enjeux de pouvoir qui l’entourent. On peut espérer qu’il permettra de toucher un large public et servir de support à des débats. Le réalisateur, qui a l’air très sincère dans sa démarche, affirme avoir réalisé certes un film très fouillé sur les pesticides, mais au-delà avant tout un film sur le fonctionnement du capitalisme néolibéral. Pari réussi pour un film réussi lui aussi !