Boycott et discriminations

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Ces derniers temps, nous sommes submergés par des incitations, voire des injonctions, à boycotter et discriminer des individus en raison de leur nationalité ou de leur supposée religion.

 

Ces injonctions émanent d’individus divers selon leur idéologie, des Etats ou encore d’organisations internationales qui cèdent à la pression.

 

Ce n’est pas anodin et impacte fortement et négativement la liberté d’expression et la dignité des personnes. Trois exemples parmi d’autres illustrent ce phénomène.

Eurovision et la candidate qui représentait Israël

La candidate qui représentait Israël, Eden Golan, a été accueillie sous les sifflets par plusieurs milliers de manifestants au cri de « Libérez la Palestine. ». Il y a comme une sorte de procès d’intention. La candidate, à l’image d’une majorité d’Israéliens opposés au gouvernement du Premier ministre Netanyahou associé aux ultraorthodoxes, n’est pas forcément un soutien de cette politique de destruction massive de l’enclave de Gaza et de ses habitants. Sous prétexte que la participation de la Russie « porterait atteinte à la réputation de la compétition », suite à l’agression armée contre l’Ukraine, la Russie a été exclue du Concours.

Science Po, Universités et interdictions diverses

« La libre communication des idées et opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme (des êtres humains dirions-nous aujourd’hui) » : ce principe, parmi d’autres, est mis en exergue de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Notre époque semble l’avoir oublié, tant du côté des étudiants propalestiniens, qui condamnent à juste titre l’intervention meurtrière de l’armée israélienne à Gaza tout en organisant le boycott des certains intervenants n’ayant pas l’heur de souscrire à leurs positions, que du côté des responsables universitaires ou préfectoraux qui interdisent certains intervenants. Ce fut le cas pour J-L Mélenchon privé de parole à l’Université de Lille pour une conférence sur la Palestine. Du côté des minorités agissantes, les actions pour empêcher la tenue de conférences sur la laïcité et sur la prévention de la radicalisation se multiplient. Des annulations ou reports sont obtenus par des activistes, comme ce fut le cas pour la pièce de théâtre « Les Suppliantes d’Eschyle », dont le metteur en scène était accusé de « propagande coloniale ».

Empêcher, interdire, d’où que viennent les responsables – de la base minoritaire étudiante ou de l’État –, n’est pas une solution. Chacun a le choix d’assister à telle ou telle conférence et d’intervenir sans invectiver dans les échanges ou de s’abstenir de s’y rendre.

Eduquer n’est certainement pas contraindre le débat, imposer des vérités. Eduquer, c’est développer l’autonomie de jugement par la controverse, la confrontation argumentée des idées plurielles. Eduquer, c’est créer les conditions de l’acquisition d’une culture à la fois universelle et critique. Pour cela la liberté doit présider dans les enceintes universitaires. Ainsi nul ne peut s’arroger le droit de dire si telle ou telle personnalité peut ou non se produire dans les amphithéâtres.

Il semble qu’un nouvel ordre moral s’installe dans notre pays qui, soit au nom du wokisme, de l’intersectionnalité, de l’indigénisme, du décolonialisme, soit au nom de la raison d’État, s’autorise à exclure, interdire, censurer.

Jeux olympiques

Le CIO(1)Comité international olympique. veille selon sa charte(2)Source CIO : mise en œuvre de la Règle 50.2 de la Charte olympique, qui vise à préserver la protection de la neutralité du sport aux Jeux olympiques et la neutralité des Jeux eux-mêmes. Il est précisé : « « Lorsqu’ils [les athlètes] expriment leurs points de vue, les athlètes sont tenus de respecter les lois en vigueur, les valeurs olympiques et leurs camarades athlètes. Il convient de reconnaître que tout comportement et/ou expression discriminatoire, haineux, hostile ou potentiellement violent, quel qu’en soit le fondement, est contraire aux principes fondamentaux de l’Olympisme. » à permettre à toute personne à « pratiquer un sport sans discrimination et d’une manière qui respecte sa santé, sa sécurité et sa dignité »

Dans l’affirmation des valeurs qui sous-tendent l’olympisme, « le Mouvement olympique a pour but de contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse par le moyen du sport pratiqué sans discrimination d’aucune sorte et dans l’esprit olympique qui exige la compréhension mutuelle, l’esprit d’amitié, la solidarité et le fair-play. » Il est précisé une volonté de mettre l’athlète au cœur du projet olympique.

Dans la liste de ses missions, le mouvement olympique fixe, en son article 8, la règle qui consiste à « agir dans le but de renforcer l’unité du Mouvement olympique, de protéger son indépendance, de maintenir et promouvoir sa neutralité politique et de préserver l’autonomie du sport. » et affirme son objectif, en son article 11, « de s’opposer à toute utilisation abusive politique ou commerciale, du sport et des athlètes. » 

Dans ces conditions, comment comprendre que les athlètes russes ne puissent participer aux JO de Paris sous les couleurs de leur pays ? Est-ce à dire que les athlètes russes sont forcément soutien de leur gouvernement ? Comment justifier que des athlètes israéliens puissent concourir sous le drapeau de leur pays ? Y aurait-il deux poids deux mesures ?

Le CIO sortirait grandi de ne pas assujettir ses décisions à géométrie variable à la géopolitique. Ce n’est pas par des interdictions que le monde retrouvera le chemin de la paix et que les valeurs olympiques du sport seront préservées.

Permettre aux athlètes russes de participer aux JO ne vaut pas soutien à la politique guerrière et invasive de Poutine.

Autre « excommunication » : la mise à l’écart de Russes et Biélorusses qui se portent volontaires pour apporter leur aide dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Ainsi, une trentaine de Russes arrivés en France en 2019 se sont vus adresser un courriel citant le « code de sécurité intérieur » français qui leur annonce qu’ « un avis défavorable a été émis à [leur] encontre. La mission acceptée ne [leur] est donc malheureusement plus attribuée et [ils] ne [recevront] plus de communications de la part [des] services. »(3)Source Marianne n° 1417, rubrique « Mieux vaut en rire » à partir d’un article de France 24 sur ce sujet. Outre l’inutilité d’une telle décision pour combattre la politique agressive de Poutine, cela relève des excès du fantasme de la « 5e colonne » que seraient ces Russes installés dans notre pays.

Assignation à résidence politique

Le CIO n’est pas à une contradiction près. Ecarter des athlètes russes assimilés à Poutine d’une part, mais permettre, d’autre part, que certaines participent, voilées, aux épreuves sportives montre les errements de ses dirigeants. C’est d’autant plus le cas que le voile est un symbole de la sujétion de la femme à l’homme, en contradiction absolue avec la charte olympique qui vise la pratique sportive dans la « dignité ». La France, de son côté, a décidé que ses représentants, et notamment les athlètes, ne devront pas porter le voile. Cela nous semble être en cohérence avec le principe de laïcité qui repose sur l’égale dignité entre hommes et femmes.

Lorsque l’Olympisme déclare s’appuyer sur « les principes éthiques fondamentaux universels », il devrait prendre conscience que seuls sont universels les principes dont l’application est valable pour chacun et chacune, quelle que soit son option spirituelle.

De manière générale, Tolstoï, Dostoïevski appartiennent tout autant à la culture russe, Picasso aux cultures espagnole et française, Marie Curie comme Chopin aux cultures polonaise et française qu’au patrimoine de l’humanité…

Tous ces exemples ne peuvent que mettre mal à l’aise celles et ceux qui se refusent à des assimilations plus que gênantes, comme identifier les individus à leurs dirigeants.

Boycotter, comme le font certains, la culture russe, israélienne ou palestinienne, relève d’une attitude imbécile et crasse et ne fait pas progresser d’un iota une solution pacifique au conflit russo-ukrainien et à la situation au Moyen-Orient.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Comité international olympique.
2 Source CIO : mise en œuvre de la Règle 50.2 de la Charte olympique, qui vise à préserver la protection de la neutralité du sport aux Jeux olympiques et la neutralité des Jeux eux-mêmes. Il est précisé : « « Lorsqu’ils [les athlètes] expriment leurs points de vue, les athlètes sont tenus de respecter les lois en vigueur, les valeurs olympiques et leurs camarades athlètes. Il convient de reconnaître que tout comportement et/ou expression discriminatoire, haineux, hostile ou potentiellement violent, quel qu’en soit le fondement, est contraire aux principes fondamentaux de l’Olympisme. »
3 Source Marianne n° 1417, rubrique « Mieux vaut en rire » à partir d’un article de France 24 sur ce sujet.