Que penser du 2 intersyndical contre le 13 patronal « arbitré » par Macron-Lecornu ?

You are currently viewing Que penser du 2 intersyndical contre le 13 patronal « arbitré » par Macron-Lecornu ?

Sébastien Lecornu, parti en fanfare pour la « rupture » et « le renversement de la table », s’est mystérieusement mué en zélé soumis au système économique dominant. L’audience de l’intersyndicale chez le Premier ministre le 24 septembre dernier a eu autant d’effet que le conclave « retraites » initié par François Bayrou. L’intersyndicale toujours unie a donc décidé de remettre le couvert par une journée interprofessionnelle de grèves et de manifestations le 2 octobre prochain. Réaction immédiate du centre décisionnel du Capital (couramment appelé Medef) : il y aura une riposte du capital contre les travailleurs le 13 octobre prochain. En attendant, le couple infernal de la 5e République Macron-Lecornu joue « la muette » en attendant la décision finale qui sera prise en concertation avec le centre décisionnel français du Capital.

Pour l’analyse du réel, cet édito complète tous les éditos et tribunes du journal hebdomadaire ReSPUBLICA depuis le 1er septembre 2025 (que vous trouverez sur septembre 2025 – ReSPUBLICA). Nous y ajoutons le fait que l’intersyndicale a repris la main du mouvement social initié par le mouvement du 10 septembre, comme noté dans nos éditos et tribunes des numéros du mois de septembre. Nous vous renvoyons à ces éditos et tribunes pour lire ce qui nous semble être les conditions afin de faire avancer les droits des travailleurs dans cette séquence et d’éviter ainsi l’impasse de la succession des manifestations saute-moutons.

Nous vous y renvoyons également pour lire ce qui nous semble être la caractérisation de l’initiative du président du Medef le 13 octobre prochain, à savoir un programme compatible avec une union de toutes les droites, RN compris (1,5 million de fonctionnaires en moins, retraites par capitalisation, affaiblissement continu des services publics universels, etc.).

Il nous paraît donc évident que le niveau de mobilisation de la grève des travailleurs à partir du 2 octobre sera déterminant. Mais il est peu probable qu’une seule journée de grève soit suffisante. Pour gagner, il faut au minimum tenter une grève reconductible sur une période longue avec caisses de grèves et se préoccuper uniquement de cette mobilisation en contactant les salariés, y compris individuellement. D’autant plus que, comme nous l’avons déjà dit dans les éditos précédents, beaucoup de salariés industriels ont des primes importantes conditionnées par l’assiduité, ce qui rend la grève reconductible moins douloureuse qu’un jour par mois dans des manifestations saute-moutons !

Éviter l’enlisement de la dynamique sociale

Le piège d’une mobilisation « molle » pointe son nez ! Les mobilisations du 10 et du 18 septembre ont été un succès. Sans être exceptionnelles, ces journées ont montré que des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens sont entrés en mouvement dès le mois de septembre. La CGT parle même de plus d’un million de protestataires le 18 septembre. Comme entame d’actions, cela était un excellent commencement, surtout pour un début septembre.

Or, nous assistons depuis quelques jours à une rupture de la dynamique sociale. Dans la nuit suivant la mobilisation du 18, l’intersyndicale s’est réunie… pour en fait « botter en touche ». C’est-à-dire qu’au lieu de poursuivre le déroulement de l’action revendicative par des actions incessantes et mobilisatrices contre l’austérité annoncée dans le budget en préparation par le Premier ministre Lecornu, elle lui a adressé un « ultimatum ». Ah, le grand mot est lâché! Cette attitude martiale, car un ultimatum est un langage guerrier, était en fait parfaitement illusoire.

Bien sûr les six exigences de l’intersyndicale sont un point de départ de la mobilisation. Mais l’intersyndicale s’est contentée d’une invitation à Matignon pour le mercredi 24 septembre. Un rendez-vous pour faire quoi exactement ? Pour négocier ? Une sorte « d’accord Matignon » comme en juin 36 ou « d’accord de Grenelle » comme en mai 68 ? Pas du tout ! En fait, l’ordre du jour avec Lecornu ne prévoyait… rien ! Donc, une « réunion pour rien » a eu lieu, où le Premier ministre a délayé pendant plus d’une heure des propos lénifiants et soporifiques sur la « situation sociale » et l’énormité de la dette française. Bref, le vide sidéral.

En fait, Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu ont gagné du temps. Pourquoi ? Car ils ne peuvent pas présenter un gouvernement avant le 2 octobre, car il y a le renouvellement du bureau de l’Assemblée et que le bloc central a besoin de toutes ses forces pour ne pas subir ce qu’il a appelé l’échec de 2024 ! On verra d’ailleurs comment le bloc central se comporte avec le RN.

Une intersyndicale un tantinet timorée ou velléitaire

Qu’a fait l’intersyndicale ? Refoulée prestement de l’esplanade de Matignon, l’intersyndicale éconduite a annoncé sur le trottoir, devant les journalistes, non pas la guerre sociale après un « ultimatum »… mais une journée d’actions pour le jeudi 2 octobre ! La belle affaire ! Ainsi, il se passe deux semaines entre le 18 septembre et le 2 octobre sans action coordonnée, sans mobilisation massive avec utilisation des heures syndicales, alors même que le 10 et le 18 furent très toniques en septembre.

Objectivement, aujourd’hui, « l’intersyndicale » n’est pas à la hauteur des enjeux et se contente d’une mobilisation « saute-mouton ».

En fait on en revient, sans le dire, aux journées de grèves « saute-moutons » qui furent si néfastes au mouvement pour la défense des retraites et qui causa la défaite en rase campagne de cette action populaire. « Compter les moutons » sert, paraît-il, à s’endormir, les journées d’actions « saute-moutons » servent aussi in fine à aller se coucher… et à perdre. Objectivement, aujourd’hui, « l’intersyndicale » n’est pas à la hauteur des enjeux et se contente d’une mobilisation « saute-mouton ».

En novembre-décembre 1995, la désunion syndicale était totale. Pourtant, le mouvement s’est terminé par une victoire partielle contre la réforme des retraites. Le mouvement dans les transports en commun fut d’une puissance incroyable, une grande majorité de salariés avaient été contactés un par un. Nicole Notat pouvait toujours soutenir le projet Juppé, la leader de la CFDT avait un faible poids. Bien sûr le cadre unitaire est important. Mais la mobilisation à l’ancienne de multiplier les tracts et les prises de parole par des contacts plus forts avec les salariés, c’est mieux. Relatons cependant l’excellente vidéo de Sophie Binet pour 9 minutes d’intervention très claire. Mais alors, il reste moins d’une semaine avant le 2 octobre !

Qui donne le ton au sein de l’intersyndicale ?

Mais la question essentielle est : qui dirige, qui donne le ton ? Aujourd’hui c’est la CFDT et les autres syndicats dits « réformistes » à sa remorque qui orientent les décisions de cette intersyndicale. La CGT, la FSU, Solidaires et FO devraient mobiliser « à l’ancienne » pour dépasser la logique des syndicats réformistes tout en conservant l’unité syndicale. Les fédérations syndicales doivent tenir compte de cette réalité. C’est à elles de décider des modalités d’actions et de la permanence du mouvement. Sinon, ce sera une nouvelle désillusion pour les salariés.

La balle est aussi dans le camp des AG de grève qui se tiendront le 2 octobre. Elles peuvent donner une autre dynamique de lutte.

Quelles perspectives se dessinent à ce jour ?

Lecornu et son chef Macron disposent de deux cordes à leurs arcs :

  • ou bien un soi-disant « compromis », qui sera de fait une compromission, avec la CFDT et le bloc syndical réformiste sur une « austérité light » autour de 30 milliards d’euros au lieu des 43,8 du budget Bayrou,
  • ou bien la dissolution du parlement avec en perspective l’arrivée probable au pouvoir de la droite et de l’extrême droite unies comme les doigts d’un même poing pour frapper sur les couches populaires.

Un « arrangement » avec la CFDT permettrait au Parti socialiste de ne pas voter la censure et de faire vivoter le gouvernement jusqu’en 2027 et les élections présidentielles. Si cette solution s’avérait impossible, un gouvernement d’union de toutes les droites se chargerait de la liquidation des conquis sociaux et des services publics.

Que faire ?

Contre ces deux possibilités d’offensives réactionnaires, seul un mouvement autonome, massif, tonique, offensif et qui impose ses rythmes peut résister et vaincre. Sinon, le patronat imposera ses vues. D’ailleurs le MEDEF mobilise à fond. Des meetings médiatisés sont prévus le 13 octobre. Le patronat se mobilise pour une stratégie qui, dans la configuration de l’Assemblée nationale, ne peut être que celle de l’union de toutes les droites à l’italienne, c’est tout dire ! À nous de riposter !