La France, à travers les discours de ses politiques nous rappelle à l’envie son attachement indéfectible à notre « État de droit ». Ce système qui engage la responsabilité de ses gouvernants face à leurs actes ou décisions, est fondé sur le principe essentiel du respect des normes juridiques, sur la séparation des pouvoirs, sur l’égalité de tous devant les règles de droit et sur la soumission de l’État au respects de ces règles. Quid de ces règles pour nos jeunes migrants arrivés à Quimper ? Par quels tours de passe-passe, nos institutionnels tordent-ils le cou aux règles les plus élémentaires de protection de l’enfance dès lors que cette enfance a la peau noire (majorité d’africains subsahariens)? Un régime dérogatoire aurait-il été validé pour nos jeunes migrants ? A Quimper comme partout ailleurs, nos institutionnels font montre d’un zèle à ne pas accueillir qui force l’admiration ! Pas moins d’une vingtaine de jeunes mis à la rue en l’espace de 2 mois sur Quimper par simple décision de la vice-procureure, sans que ces jeunes aient pu être entendus par le juge des enfants. Le droit à un procès équitable et aux droits de la défense serait-il malmenés ?
La mise à l’abri des MNA : une zone de non-droit : “Tout enfant” privé de son milieu familial ou en danger au sein de celui-ci a droit à une protection.
Aucune condition de nationalité ni d’origine n’est donc prévue (article 20 de la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant). Complété par l’art. L 111-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles qui confirme l’absence de condition de nationalité dans le cadre des mesures de protection de l’enfance: «Les personnes de nationalité étrangère bénéficient dans les conditions propres à chacune de ces prestations : 1° Des prestations d’aide sociale à l’enfance ». Protection de l’enfance signifie, prise en charge psychologique, administrative, scolaire et médicale. Pour les MNA, cette prise en charge ne peut être effective que lorsque le jeune, mis à l’abri par les services du Conseil Départemental, est reconnu mineur. A Quimper, comme dans beaucoup d’autres départements, les évaluations propre à déterminer la minorité présumée des jeunes entendus par les services du CDAS, et transmises au parquet et/ou au juge des enfants qui statuent in fine (quand le CDAS lui-même ne conclue pas unilatéralement à sa majorité!), n’aboutissent bien souvent que des mois après sa mise à l’abri. Le droit à une protection effective se trouve ainsi bafoué puisque le jeune n’a accès à aucune prestation attachée à sa minorité puisqu’elle est non-déterminée. Nous notons, à cet égard, que si la suspicion sur la date de naissance est de mise pour la reconnaissance de minorité, elle ne semble, par contre ne plus être un obstacle à l’approche de la majorité. Certains voient ainsi leur majorité arriver avant même d’avoir obtenu de décision sur une minorité pourtant présumée par les textes. Deux poids, deux mesures ?
A Quimper, la majorité des jeunes est dans cette situation d’attente anxiogène et de désœuvrement, sans accès à l’éducation pas plus qu’aux services d’une collectivité qui conditionne pourtant leur protection à une intégration qui leur est, de fait, refusée ! Nous avons interpellé à plusieurs reprises les responsables du CDAS sur cette situation, lesquels nous disent ne jamais mettre plus de 3 mois à réaliser les évaluations transmises aussitôt au
Parquet. Le Parquet traînerait-il les pieds ? Aucune condition de nationalité ni d’origine disiez-vous… Des enfants privés de leur droit à la scolarisation :
Là aussi, les textes sont pourtant clairs, mais nos institutionnels semblent frappés de cécité. L’art. L 131-1 du Code de l’Éducation dispose que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ». La scolarisation des mineurs isolés étrangers est donc une obligation (et non seulement un droit). De plus, la circulaire du 25 janvier ajoute que : « La scolarisation des mineurs isolés étrangers âgés de six à seize ans résidant sur le territoire français relève donc du droit commun et de l’obligation scolaire, dans les mêmes conditions que les autres élèves. Il n’appartient pas au Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche de contrôler la régularité de la situation des élèves étrangers au regard des règles régissant leur entrée et leur séjour en France. L’inscription dans un établissement scolaire d’un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d’un titre de séjour ».
Nous sommes loin du compte à Quimper puisque les inscriptions à l’école sont systématiquement refusées pour les mis à l’abri, que les tests au CIO sont conditionnés par la reconnaissance de minorité, et que, cerise sur le gâteau, le CDAS a signé une convention avec la DIVEL (service chargé de la répartition des élèves dans les écoles) sur les inscriptions scolaires.
Nous avons réclamé un accès à cette convention bipartite qui semble mettre en place un système de sélection des prétendants à la scolarisation au mépris des dispositions légales précitées. Nous attendons. Résultat, aucun enfant en attente d’une décision du CDAS, et pourtant présumé mineur, n’a accès à l’éducation : nous avons donc mis en place des cours d’alphabétisation 3 fois par semaine et animés par des bénévoles, tout comme nous forçons les portes des écoles pour inscrire les jeunes sortis du dispositif. Priver ces jeunes de leur droit à l’éducation revient à leur refuser une intégration basée sur l’apprentissage et sur le vivre ensemble. Une recrudescence des contrôles : confiscation systématique des papiers, convocations à des tests osseux…
Nous assistons, depuis quelques mois à une recrudescence des contrôles et confiscation des papiers des jeunes de l’hôtel. Nous saluons, à cette occasion, la disponibilité sans faille des travailleurs sociaux pour conduire les jeunes convoqués au commissariat (500 m entre l’hôtel et le commissariat). Disponibilité pour le moins défectueuse lorsqu’il s’agit d’accompagner les jeunes appelés à passer des tests osseux à l’hôpital de la Cavale Blanche à Brest… Idem pour les jeunes hospitalisés ou pour ceux qui doivent se rendre à l’hôpital et repartir seuls après une hospitalisation. Leurs papiers ne leur sont jamais restitués (sauf de très très rares exceptions pour lesquelles nous n’avons pas plus d’explication), projetant ces jeunes dans un désarroi qui nous laisse à chaque fois plus désarmés. Nous aidons la plupart à la reconstitution de leur état civil, par des contacts au pays et des allers/retours aux Ambassades. Nous obtenons des résultats, tant et si bien, que même les cartes NINA, cartes consulaires et autres passeports enfin en poche, le Parquet de Quimper n’hésite pas à diligenter des investigations et enquêtes complémentaires de vérification et de confiscation. Ce contrôle, digne d’un régime totalitaire, s’accompagne depuis quelques mois également de convocations à des tests osseux pourtant décriés et condamnés par les professionnels de la santé eux-même. Et malgré une recommandation du 29 mars dernier du comité d’éthique de Brest condamnant fermement à nouveau ces pratiques, le rythme ne faiblit pas. Bien au contraire, puisque même les jeunes reconnus mineurs sont à leur tour convoqués. La convocation à ces tests laisse le choix au jeune d’accepter ou de refuser de s’y soumettre. Formidable, quand l’on constate que le seul refus suffit à condamner les jeunes à la rue, soit 48h après leur décision !
Une politique affichée : Force est de constater que rien n’est fait ni dans la transparence ni dans le souci d’intégrer une population pourtant soucieuse d’apprendre et de partager. Tous nos bénévoles qui hébergent les jeunes du dispositif en attestent. Monsieur Jolivet, Maire de Quimper ne tarit d’ailleurs pas d’éloges à l’endroit de ces jeunes! Pour preuve les propos des journaux Quimpérois de juillet dernier nous informant que Quimper va se doter, à compter du mois d’octobre prochain, d’un dispositif de vidéo-protection en centre ville. Et Monsieur Jolivet de nous expliquer que « si nous ne sommes pas en mesure de protéger les Quimpérois, il y aurait un délitement majeur. Il y a des cocktails explosifs en ce moment avec des publics venant de l’Est et de Roumanie. Et je pourrais aussi évoquer les mineurs isolés… ». Et d’enfoncer le clou: « la France est un pays d’Asile, avec le droit d’accueil, mais on se fourvoie dans ce système. On confond immigration du droit d’Asile. Il faut que l’État la reprenne en main. Ils sont de moins en moins mineurs et de moins en moins isolés. C’est difficile pour le Conseil Départemental de les gérer. On les retrouve désormais dans les bagarres, des histoires de stupéfiants … ».
Que Monsieur Jolivet se rassure, l’État est vigilant, les décisions récentes du Parquet de Quimper en attestent. Ces propos sont affligeants, surtout lorsqu’ils émanent d’un responsable politique garant de la sécurité et de la paix publique ! Vous, Monsieur le Maire qui refusez systématiquement les tarifs solidaires des transports en commun aux mineurs sortis du dispositif (ceux que nous hébergeons) alors qu’ils en ont besoin pour se rendre à l’école. Les préférez-vous à l’école ou livrés à eux-même dans la rue ? Car, Monsieur le maire, les cocktails explosifs en question, sont bien plus la résultante d’un obscurantisme dont vous vous faites le porte-parole, que la présence d’une population migrante qui dans sa grande majorité n’aspire qu’à participer à la vie de votre cité. Cette stigmatisation n’est pas à votre honneur Monsieur le maire et démontre, si besoin était que les relents nauséabonds de notre histoire ont, hélas, encore de beaux jours devant eux.