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L’immigration, une préoccupation, vraiment ?

Reprenons ici les propos du journal FAKIR :

« Moins de deux Français sur dix estiment que l’immigration fait partie de leurs préoccupations en 2024 » : le rapport annuel du CESE, le Conseil Economique, Social et Environnemental, sur les priorités des Français, battait en brèche (et rebattait, même, puisque les résultats sont constants d’une année sur l’autre) pas mal d’idées reçues.

Vincent Tiberj, le sociologue, allait plus loin : « Les enquêtes de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme sont assez claires sur le sujet, quand on les compare dans le temps.

Sur le droit de vote des étrangers, par exemple : elles indiquaient

• 34 % de soutien en 1984
• 58 % en 2022.

Sur le fait que “les immigrés sont une source d’enrichissement culturel” :

• 44 % répondaient oui en 1992,
• 76 % en 2022 !

Sur l’idée qu’“il y a trop d’immigrés en France” :

• 69 % disaient oui en 1988,
• 52 % en 2021,
• 48 % en 2024.

Il y a aussi la baisse du racisme sur des bases “biologiques” :

• en 2002, 14,5 % des répondants considéraient encore “des races supérieures à d’autres”,
• en 2022 ils ne sont plus que 4 %. »

En revanche la santé, le pouvoir d’achat, les inégalités sociales ou l’environnement émargent, eux, en tête des préoccupations

https://fakirpresse.info/allier-les-classes-et-les-coeurs/.

Essayons de répondre à quelques contre-vérités

Les Immigrés voleraient l’emploi des Français… Il y avait, en 2024, 551 000 emplois vacants… Alors que 90 % des travailleurs immigrés avec ou sans papiers travaillent d’ores et déjà. Cela ne colle donc pas avec la réalité. Si ces emplois restent vacants, c’est plutôt du côté des salaires, des conditions de travail, qu’il faut chercher les responsables… En clair, du côté du Patronat, et des propriétaires des moyens de production. Ceux-là mêmes qui financent les « Darmanin » « Retailleau », « Le Pen », « Zemmour », etc. 

Les Immigrés feraient baisser les salaires des autres travailleurs. Là encore, les études économiques montrent que la régularisation massive dans un secteur donné, par exemple, le bâtiment, fait monter tous les salaires à tous les échelons du secteur professionnel. La régularisation des travailleurs sans papiers leur permet de mieux négocier leur force de travail et cela profite à l’ensemble des salariés du secteur.

Les immigrés viendraient pour profiter de notre protection sociale. Ben voyons ! Quand ils/elles quittent le continent africain, sur des bateaux dont les naufrages font de la mer Méditerranée un cimetière⁽¹⁾30 000 morts au moins, depuis 2014., ils/elles essayent juste d’échapper à la misère et à la guerre. Très souvent, une fois en France, ils/elles ne font pas appel à l’AME (Aide Médicale d’État), par ignorance ou par peur que cela facilite leur contrôle. Quand ils/elles sont à la retraite, ils/elles ne touchent pas une pension complète, sous prétexte qu’ils/elles ne séjournent pas assez longtemps en France ! Alors que l’État français, à cause des difficultés à avoir un rendez-vous en préfecture, les prive parfois de la possibilité de renouveler leur titre de séjour… Cela peut arriver à des immigrés en présence régulière depuis 30 ans !

La submersion migratoire est aussi une fadaise. D’abord, rappelons que la France a toujours été une terre de migration. En remontant aux grands-parents, 1/3 des Français ont des ascendances étrangères. En 2021, les travailleurs étrangers représentaient 7,66 % des actifs et les extra-communautaires seulement 5,24 %… C’est beaucoup moins que d’autres pays de l’OCDE, dont la moyenne est autour de 15 %.

Les mesures d’expulsions sont néfastes à l’économie⁽²⁾Il ne s’agit pas de défendre l’économie capitaliste, mais de répondre à une angoisse de certains prolos..

Les expulsions massives, comme celles envisagées par Trump envers les Mexicains, ont été tentées dans le passé. Dans les années 1930, il y a eu un rapatriement forcé de nombreux Mexicains. Cela n’a pas revalorisé les salaires des travailleurs états-uniens ; en revanche, cela a contribué à déstructurer l’économie des USA. Même conséquence en France dans les années 1930, avec le rapatriement forcé des mineurs polonais.

L’immigration est un facteur de croissance économique. Donc, le « gâteau » augmente, et les parts ne diminuent pas forcément.

On nous rebat les oreilles sur le fameux « appel d’air » que les régularisations provoqueraient. Quelques exemples historiques récents : 1986 régularisations massives aux USA, 2005 idem en Espagne : pas d’appel d’air. En Allemagne, 1 million de réfugiés syriens en 2015, 1 million de réfugiés ukrainiens en 2016. Pas d’appel d’air, et une intégration globalement réussie : en effet, l’Allemagne a mis 23 milliards d’€ en 2023 dans cette politique.

Instrumentalisation des faits divers

Un des arguments avancés contre l’immigration, ce sont les faits divers tragiques et inacceptables, comme le meurtre de Philippine⁽³⁾On a vu la même offensive de l’extrême droite au moment de l’assassinat de la jeune Louise., qui aurait été commis par un ressortissant marocain visé par une OQTF⁽⁴⁾Obligation de Quitter le Territoire Français.. Il s’agit d’un féminicide ! Donne-t-on la nationalité de tous les auteurs de féminicides dans la presse ? Non, pas quand il s’agit de « natifs ». Un journal de Saxe (Allemagne), le Sächsische Zeitung, a décidé de révéler la nationalité de tous les délinquants, étrangers ou allemands. Depuis, les lecteurs sont informés quand le délinquant est allemand. Et dans cette région, les intentions de vote pour l’AFD⁽⁵⁾Extrême Droite Allemande ont diminué de 20 %.

La réalité économique…

Les travailleurs immigrés avec ou sans papiers sont présents massivement dans :

• le BTP : 35 % en IdF,
• l’Hôtellerie/Restauration : 13 % en Auvergne,
• les Services à la Personne (petite enfance, aide aux personnes âgées, etc.) : 34 % en IdF.

Ces secteurs manquent de personnel.

Dans les services à la personne (où il y a déjà 25 % de travailleurs étrangers), il manque 150 000 personnes. Le refus de régulariser empêche certains travailleuses et travailleurs d’accéder à un travail vacant dans ce secteur et dans d’autres. Avec le pic du « Papy Boomer » entre 2028 et 2040, il va falloir trouver 800 000 à 1 million de salariés supplémentaires.

Les fameuses listes des métiers en tension ignorent les réalités économiques pour des raisons idéologiques. Par ailleurs, elles oublient les besoins de certains secteurs économiques. La publication récente de ces listes régionales⁽⁶⁾https://www.info.gouv.fr/actualite/travailleurs-etrangers-la-liste-des-metiers-en-tension-actualisee. montre que toute une série de métiers en Ile France n’est pas considérée comme en tension et donc n’ouvre pas de régularisation aux dizaines de milliers de travailleurs qui les exercent⁽⁷⁾https://www.cgt.fr/actualites/discriminations/bruno-retailleau-impose-sa-vision-dogmatique-et-xenophobe-au-monde-du-travail ; https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/metiers-en-tension-retailleau-poursuit-et-accentue-les-politiques-racistes-et-xenophobes-du-gouvernement/., en particulier dans le nettoyage et les plateformes de logistiques comme DPD ou CHRONOPOST. Rappelons que, pendant le confinement lié au COVID, ces plateformes tournaient à plein régime pour que nous recevions nos colis. Et là, comme par magie, la présence massive de travailleurs sans-papiers ne gênait personne… même chez les politiciens xénophobes et démagos…

Les listes de métiers en tension ne seraient pas non plus la solution « miracle », car, comme dans d’autres pays européens, la régularisation pourrait être restreinte au seul temps du contrat. Autrement dit, cela reviendrait à une régularisation très précaire et qui interdirait de changer d’emploi.

Alors pourquoi cette propagande éhontée ?

En ciblant les immigrés et en particulier les sans-papiers, les gouvernements et l’extrême droite créent un contre-feu médiatique qui occulte la responsabilité des détenteurs des moyens de production en matière de chômage, précarité, logement, dérèglement climatique, etc. Cette propagande est cohérente avec le fait que la majorité du Patronat et de la Bourgeoisie sont prêts à recourir à l’extrême-droite, en France et ailleurs.

Par ailleurs, maintenir des travailleuses/travailleurs sans-papiers, c’est les maintenir dans une forme très forte de précarité. Ont-ils/elles le choix de refuser des conditions de travail et des salaires indignes ? En étant invisibilisés et dans la crainte permanente d’un simple contrôle dans les transports en commun… Contrôle qui peut les mener à une OQTF et en Centre de Rétention Administrative (CRA). Cela fait partie de la « brutalisation » à laquelle est soumise notre société.

Comme nous l’avons vu plus haut, à l’inverse, une régularisation massive dans un secteur donné profite à tous/toutes les salariés de ce secteur. Soutenir les luttes des travailleurs sans-papiers, c’est notre intérêt de classe. Il est temps de remettre à l’ordre du jour le slogan « FRANÇAIS, IMMIGRES, MEMES PATRONS ! MEMES COMBATS ! »