Le niveau de civilisation d’une société se mesure au sort fait à sa jeunesse et aux vieilles personnes.
La situation faite aux personnes âgées dans certains EHPAD notamment privés dénoncée par le livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet illustre malheureusement ce qu’est le système économique fondé sur le libre-échange et la recherche du profit maximum dans les délais les plus courts.
Karl Marx et Friedrich Engels affirmaient déjà en 1848 que la bourgeoisie noyait les relations humaines « dans les eaux froides du calcul égoïste ». Le programme « Les Jours heureux » du Conseil national de la Résistance avec la Sécurité sociale qui devait être universelle, couvrir les frais de santé à 100 % et permettre une vie digne à la retraite permettait de « moraliser », par la contrainte des lois et des règles sociales, le capitalisme et d’instiller un principe socialiste abandonné par la social-démocratie dans le fonctionnement de nos sociétés : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins »(1)Principe de Louis Blanc énoncé en 1851 et repris par Karl Marx..
Cette affaire indigne de la nation des droits humains et du citoyen doit interroger sur la nécessité d’un vrai service public, comme défini par le Conseil national de la Résistance et du républicanisme social, qui traduit la volonté de construire un « bien commun » accessible à tous, en dehors du cadre de l’économie de marché et du profit.
Le livre Les Fossoyeurs dénonce des pratiques inhumaines avec des expressions décrivant une situation qui fait injure à la dignité humaine :
- « Il faut que ça crache » (NDLR : pour engranger des profits à verser aux actionnaires),
- le véritable enfer que vivent les résidents pris en charge par les « mouroirs » d’Orpea,
- les inspections dont le gouvernement a la charge ont manqué de relever les horreurs d’Orpea,
- pourtant, l’État accorde des subventions monstres à l’entreprise Orpea qui a versé 58 millions d’euros à ses actionnaires en 2021,
- limitation au maximum du personnel : il n’y a parfois que 3 employés pour gérer plus de 125 chambres.
- utilisation abusive de CDD et d’emplois fictifs en CDI pour continuer de toucher les subventions de l’État.
- enfermement de personnes atteintes de démence. Dénutrition et déshydratation. Résidents tombés au sol et laissés là des heures durant, faute de personnel pour les relever(Enquête en 2018 de Mediapart dans un Ehpad Orpea de Neuilly-sur-Seine.)),
- rationnement fréquent des couches des résidents (même en cas de problème gastrique), d’autres produits d’hygiène et de la nourriture.
- coût exorbitant : Orpea fait payer ses résidents entre 6 500 et 12 000 euros par mois.
Chute des cours en Bourse : la pensée magique et naïve d’une moralisation du système par lui-même
Les chantres du capitalisme s’appuient sur la tempête boursière déclenchée par la parution de cet ouvrage(2)D’autres groupes privés gérant des maisons de retraite sont également touchés : le titre Korian a perdu quelque 10 % dans le courant de l’après-midi, et celui de LNA santé plus de 4 %. pour affirmer que le système est capable de s’humaniser, de se réformer par crainte de voir fuir les actionnaire.
Dégraissage dans l’État des fonctionnaires chargés des contrôles
C’est faire preuve d’une grande naïveté. Seul un contrôle drastique de tous les EHPAD, publics, associatifs et privés est à même de prévenir de telles situations. Cela suppose, comme dans le monde du travail, de former et embaucher un nombre suffisant d’inspecteurs et de contrôleurs pour effectuer ces contrôles.
Ce n’est pas la voie choisie par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis quelques décennies qui n’avait que le mot dégraissage de la fonction publique à la bouche. Le macronisme ne fait pas exception, les candidats de la droite de plus en plus extrême et de l’extrême droite assumée non plus.
La commission d’enquête sénatoriale du mois de janvier le confirme et ne laisse pas d’inquiéter qui dévoile « l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques ». Le cabinet privé,McKinsey a été missionné :
– pour 605 000 € pour la mise en place d’une « tour de contrôle » à Santé France,
– pour l’évaluation des « évolutions du métier d’enseignant » pour 496 80 0€ afin de « réfléchir aux grandes tendances et aux évolutions attendues du marché de l’enseignement »,
– pour la préparation de la réforme des retraites pour 920 000 €.
Ce cabinet préconise de rationaliser les dépenses de l’État et ensuite de se substituer à lui pour proposer des services contre rémunération. Comme par hasard, des liens forts ont été noués entre McKinsey et l’équipe d’Emmanuel Macron lors de la campagne de 2017.
Pour se refaire une virginité à la veille des élections, le gouvernement, après avoir laissé faire et se satisfaire d’un tel système lance, après la bataille, une enquête pour remédier à la situation. Le pyromane est-il le mieux placé pour éteindre le scandale ?
La question essentielle que nous devons nous poser, nous citoyens, est celle-ci : quels sont les secteurs d’activités qui doivent relever du secteur marchand et ceux qui ne doivent pas en dépendre ? Il semble évident que des secteurs tels que la dépendance des personnes âgées concernée par cet article, l’enseignement, la santé, l’énergie, l’eau… ne peuvent faire l’objet d’une logique de recherche de profits et doivent relever du service public nationalisé pour les mettre hors de portée des fonds d’investissements privés.