La faillite de nos « élites » met la France en capilotade

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© François Feer

Au moment où Patrick Martin, président du Medef, promotionne le projet de l’union de toutes les droites d’Attal à Bardella en passant par Retailleau(1)EXCLUSIF – Patrick Martin, président du Medef : « Attal, Retailleau et Bardella sont les plus conscients des périls économiques »., il convient, pour créer une alternative, de revenir sur l’analyse du réel de la France et des Français.

La Cour des comptes met en garde contre l’effet boule de neige de l’incapacité des gouvernements français à réduire fortement le déficit et la dette publique (3345 milliards fin juin 2025 pour un PIB en volume de 2600 milliards d’euros et nous venons début juillet de payer notre dette plus cher que l’Italie). Elle a raison sur ce risque, mais elle a tort de suggérer une mauvaise solution pour l’empêcher. Surtout en ce moment, car l’avenir est terriblement sombre pour le pays.

Avec un déficit de 5,8 % du PIB en 2024, soit environ 170 milliards d’euros en plus à financer, la France semble ambitionner de devenir champion d’Europe du déficit, du coût d’emprunt dans la zone euro, de la mortalité infantile, du nombre de décès au travail, etc. Et si la dette et le déficit ouvraient des perspectives d’investissements massifs pour l’émancipation, la santé, l’éducation, la recherche scientifique et technique, la recherche-développement (une des plus faibles de la zone euro de l’UE), la réindustrialisation sous transition énergétique et écologique, la diminution des nombreuses inégalités sociales, ce serait parfait. Mais rien de tout cela.

C’est une dette qui n’existe que parce que le capitalisme français est encore moins capable que d’autres de générer des profits par sa seule activité dans la période actuelle. Alors, non seulement, le capitalisme français exploite de plus en plus les travailleurs par la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, mais il mobilise en outre l’ensemble des forces de l’État pour que ce dernier lui procure 211 milliards d’aides sans contrepartie afin de financer ses dividendes et des revenus indécents pour les dirigeants, principalement par un ruissellement du bas de l’échelle sociale vers le haut. Les stratagèmes des cadeaux au patronat sans contreparties et sans transparence sont nombreux(2)Crédit impôt-recherche, Cice, exemptions et exonérations des cotisations sociales, niches fiscales permettant aux plus riches de payer moins d’impôts que la classe populaire et les couches moyennes, optimisation fiscale, défiscalisation des « coquins », invention de dogmes économiques comme celui selon lequel il faut principalement baisser les prélèvements sur les plus aisés, société du spectacle, médias dominants aux ordres, augmentations des inégalités sociales, etc..

Quant aux décisions politiques de nos grands élus nationaux, à commencer par le président de la République, et aux décisions hasardeuses produites par les contradictions grandissantes de la haute bureaucratie de l’État, là on touche à l’apothéose mystique. Face aux scandales du taux français de la mortalité infantile et du nombre de décès au travail, l’extrême centre a déployé toute une série de scandales qui mériteraient d’être repris en campagne par une gauche de gauche(3)La France sombre dans la société du spectacle et dans la folie du bavardage – ReSPUBLICA..

Comment, sur 15 ans, nos « élites » nous proposent tout et son contraire

Prenons un exemple dans l’histoire administrative. Après avoir, pour faire des « économies », créé les agences régionales de santé (ARS) en fusionnant les DDASS, les DRASS, les DRISS et la partie santé des CRAM dans le cadre de la RGPP(4)Tout ce jargon pour acter une diminution de 10 % d’ETP dans la décennie 2010., voilà que la haute bureaucratie de l’État propose, via une commission sénatoriale, de faire de nouvelles «économies » en revenant à la situation antérieure suite à un renversement du rapport de forces des corps de l’État (préfectorale versus recentralisation en silos).

Nouveau record de pauvreté en France

Près de 10 millions de pauvres en France métropolitaine, soit 15,4 % de pauvres avec 650 000 personnes de plus en 2024 contre 28 000 en 2023. Sur 6 ans, l’extrême centre a produit 1,2 million de nouveaux pauvres. Le taux de 15,4 % de pauvres est le record en France depuis le début de l’analyse en 1996. +1 % en un an ! Les habitants des départements d’outre-mer, les ménages d’étudiants, les personnes sans domicile fixe ou encore ceux qui vivent en caravane ou en maison de retraite passent sous les radars et ne sont pas comptabilisés. +2 millions à cause de cette omission.

En classement au sein de l’Union européenne, 14 pays font mieux que la France, qui est proche de la moyenne européenne (16,2 % de pauvres). La République tchèque a moins de 10 % de pauvres. La différence est considérable en millions de personnes !

Est considérée comme pauvre toute personne qui se situe en dessous de 60 % du revenu médian mensuel, soit 1 288 euros pour une personne seule, 1 932 euros pour un couple, 2 318 euros pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans et 2 962 euros pour un couple avec deux enfants (dont un de moins de 14 ans).

Deux causes principales : la politique économique et sociale (sans tenir compte des besoins) et la politique d’austérité qui, en pourcentage, fait payer les plus pauvres bien plus que les plus aisés et les ultrariches. Pêle-mêle : suppression de l’indemnité dite d’inflation pour 0,1 %, la prime exceptionnelle de rentrée pour 0,2 %, la fiscalité basée de plus en plus sur la TVA qui frappe plus durement les catégories modestes que les autres, baisse des impôts pour les ultrariches et les grandes entreprises, exonérations et exemptions de cotisations sociales (respectivement 75 milliards d’euros et 15 milliards d’euros) de moins en moins compensées, forte augmentation des temps partiels subis (augmentation du taux de pauvreté des temps partiels inférieurs à un mi-temps de 22 à 24 %), contraction des revenus des indépendants (augmentation à 19,2 % de pauvres), augmentation de 0,3 % du taux de pauvreté des retraités, forte augmentation du taux de pauvreté chez les familles monoparentales pour atteindre 34,3 %, chez les chômeurs 36,1 %, les enfants 21,9 %, augmentation des allocations logement en dessous de l’inflation pour un ménage sur deux, continuation de la désindustrialisation nette, plan de formation professionnelle bidon proposé par France travail, aucun contrôle des aides à l’employeur (crédit impôt recherche, CICE transformé en exonérations de cotisations sociales, etc.).

Tout cela favorise la montée des inégalités sociales, car tout va bien pour le décile des plus riches, qui a vu une forte augmentation de ses revenus et de ses patrimoines, alors que le décile des plus pauvres a vu régresser ses revenus.

Les aides pour financer les dividendes des entreprises ont augmenté 4 à 5 fois plus vite que les prestations sociales

Quel est le premier poste de dépenses de l’État ? Ce sont les aides aux dirigeants des entreprises pour 211 milliards d’euros, selon une commission sénatoriale. Maxime Combes, auteur du livre « Un pognon de dingue », explique « qu’au cours de ces vingt-cinq dernières années, les aides publiques aux entreprises ont augmenté 4 à 5 fois plus vite que le PIB et que les prestations sociales. Donc, contrairement au discours dominant, ce qui coûte trop cher, c’est le capitalisme français ».

C’est donc bien le coût du capital qui plombe la France, elle qui fut la deuxième puissance économique du monde au début des années 60. Combien de temps faudra-t-il pour s’apercevoir que les capitalistes français et leurs alliés pompent la richesse produite par les travailleurs français et étrangers tout en mettant la France en capilotade ?

La CGT a dénoncé la multiplication par 18 de ces aides depuis plus de 45 ans « sans ciblage en fonction des besoins, ni suivi, ni contrôle, ni sanction vis-à-vis des entreprises qui les perçoivent puis licencient, délocalisent », tout en versant des dividendes record (multipliés par 5 depuis 2010) alors que les salaires ont diminué de 1,6 % depuis 2012 et que le nombre de travailleurs pauvres s’étend.

Comment l’État berne les citoyens et les comparaisons internationales sur l’effort consenti par la France pour le ministère de l’Éducation

L’Institut des politiques publiques (IPP) propose, dans une étude publiée lundi 30 juin 2025, de corriger un biais comptable qui maximise la réalité déjà pitoyable des services publics français. En prenant comme exemple le ministère de l’Éducation, son véritable budget est de 70,7 milliards d’euros et non de 81,3 milliards d’euros, comme inscrit dans le budget. Quant à la dépense par élève, elle est de 7 726 euros et non de 8 450 euros, chiffre repris par tous les classements internationaux. S’il n’y a pas de biais dans les présentations budgétaires des autres pays, il n’y a que le Mexique, la Turquie, l’Irlande et la Roumanie qui dépensent moins d’argent pour la jeunesse.

Voilà l’une des raisons qui peuvent expliquer la baisse du niveau scolaire en France. Vous en voulez d’autres ? Nos professeurs des écoles touchent un salaire inférieur de 14 % à la moyenne de l’OCDE en 2023, ce qui explique les difficultés de recrutement et donc du niveau des enseignants. La taille moyenne des classes de l’école primaire en France est de 21,7 en 2021 contre une moyenne de 19 dans les 17 autres pays de l’Union européenne pour lesquels l’information est connue. Toutes les études montrent que baisser le nombre d’élèves par classe est très important pour monter le niveau de l’ensemble de la population scolaire.

Le solde déficitaire du commerce extérieur de la France dépasse toujours 100 milliards d’euros

Le solde du commerce extérieur 2024 est de -103 milliards d’euros, correspondant à la différence des exportations moins les importations (591-694 milliards d’euros). Notons qu’avant le passage à l’euro, la balance commerciale était équilibrée ; on observe ensuite une stabilisation des exportations et une forte augmentation des importations. Cela est dû au solde négatif de l’énergie, à une désindustrialisation massive qui continue en 2025, à une monnaie trop forte pour l’économie française (et très bonne pour les rentiers et les financiers), à une stratégie économique non coopérative de l’Union européenne par le dumping social et fiscal et à la politique de l’offre qui n’a eu qu’un gagnant, les dividendes. À noter que le déficit commercial existe principalement avec l’UE (-109 milliards d’euros). Nous sommes face à une déroute économique et donc sociale.

Régression des salaires et de la sphère de constitution des libertés

Les salaires et la sphère de constitution des libertés (école, services publics et Sécurité sociale) sont, avec la sécurité, les trois dossiers prioritaires tant pour le peuple tout entier que pour les gilets jaunes, si on retient la synthèse des 400 000 cahiers de doléances du « grand débat » à l’issue du mouvement. Pour la Sécurité sociale, voir les derniers écrits de ReSPUBLICA ; pour les services publics idem.

Pour l’école, il est à noter la poursuite des meurtres ou des décès (Samuel Paty, Dominique Bernard, Agnès Lassalle, Mélanie Grapinet, une collégienne Alisha harcelée et jetée dans la Seine, un collégien qui s’est pendu et quelques autres). Et le « pas de vagues » du ministère continue ! Le sentiment de n’être pas soutenu par la hiérarchie ministérielle se développe. La chute de niveau des élèves selon les notations PISA de la France sur l’école est supérieure à la chute de la moyenne de l’OCDE(5)Voir aussi L’imposture du bac : causes et conséquences de l’effondrement du niveau scolaire – ReSPUBLICA..

Et pendant ce temps-là, la ségrégation scolaire se développe, l’école privée confessionnelle redevient l’école de la bourgeoisie. L’école privée confessionnelle se détourne de la mixité sociale par différents procédés. Elle n’est pas contrôlée : 1 contrôle sur 1 200 établissements entre 2017 et 2023 ! Le Beau Rameau de Bétharram ne fut pas contrôlé pendant près de 30 ans, malgré de nombreuses plaintes et polémiques dans les années 90. Mais le Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram reste intouchable. Le Premier ministre Bayrou, qui fut le notable principal du coin, doit être le seul à n’avoir pas eu vent de ces affaires, malgré que sa femme enseignait le catéchisme dans l’établissement et que sa propre fille a porté plainte contre les sévices, comme 211 autres personnes.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 EXCLUSIF – Patrick Martin, président du Medef : « Attal, Retailleau et Bardella sont les plus conscients des périls économiques ».
2 Crédit impôt-recherche, Cice, exemptions et exonérations des cotisations sociales, niches fiscales permettant aux plus riches de payer moins d’impôts que la classe populaire et les couches moyennes, optimisation fiscale, défiscalisation des « coquins », invention de dogmes économiques comme celui selon lequel il faut principalement baisser les prélèvements sur les plus aisés, société du spectacle, médias dominants aux ordres, augmentations des inégalités sociales, etc.
3 La France sombre dans la société du spectacle et dans la folie du bavardage – ReSPUBLICA.
4 Tout ce jargon pour acter une diminution de 10 % d’ETP dans la décennie 2010.
5 Voir aussi L’imposture du bac : causes et conséquences de l’effondrement du niveau scolaire – ReSPUBLICA.