L’irresponsabilité du Président de la République (suite)

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La première Constitution de la IIe République (1848 )

Nous avons reçu plusieurs courriels à propos de l’article La France est-elle  une République bananière ?  paru dans le n° 986 du 1er novembre 2021 de ReSPUBLICA, qui appellent des précisions de notre part.

La question de la responsabilité du Président de la République apparaît avec la IIe République

Si les constitutions de la Ière République ne prévoyaient pas de poste de Président de la République, mais un exécutif collectif, la première Constitution de la IIe République du 4 novembre 1848 indiquait à l’article 68 que : « Le Président de la République, les ministres, les agents de l’autorité publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du Gouvernement et de l’administration », et « Une Haute  cour de Justice juge, sans appel ni recours en cassation, les accusations portées par l’Assemblée nationale contre le Président de la République ou les ministres… ».

Puis la Constitution du 14 janvier 1852 énonce, article 5 : «  Le Président de la République est responsable devant le peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel », mais était-ce encore une République alors que cette constitution prévoyait déjà l’Empire ?

Par une loi du 31 août 1871, l’Assemblée nationale (la Versaillaise de la répression contre la Commune de Paris) nomme M. Thiers « Président de la République »,  « Prenant, d’ailleurs, en considération les services éminents rendus au pays par M. Thiers depuis six mois… », « Le président de la République est responsable devant l’Assemblée ». La  Loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics précise article 6 que « … Le Président de la République n’est responsable que dans le cas de haute trahison » (ce qui ne manque pas de sel s’agissant de M. Thiers), puis la Loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics précise article 12 : « Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des Députés, et ne peut être jugé que par le Sénat…. ».  Ce texte restera en vigueur pendant toute la IIIe République.

Nous passons la constitution de Pétain car il ne s’agit pas d’une république.

La Constitution de la IVe République du 27 octobre 1946 stipule, article 42 : « Le Président de la République n’est responsable que dans le cas de haute trahison. Il peut être mis en accusation par l’Assemblée nationale et renvoyé devant la Haute Cour de Justice… ».

 La Constitution de 1958, article 68 reprend quasiment la même rédaction : « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en examen que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice. » Cette rédaction subsistera jusqu’à la réforme constitutionnelle de 2007, qui introduira le concept d’irresponsabilité du Président de la République.

Ce long rappel mérite un petit commentaire : jusqu’en 2007, il est question de responsabilité, et le Président peut être jugé même si les conditions de cette possibilité s’amenuisent avec le temps. Ensuite responsabilité, avec des possibilités même limitées de jugement n’est pas la même chose qu’irresponsabilité sans possibilité de rendre compte de ses actes. Enfin, on le voit la responsabilité du Président de la République a fluctué avec le temps, mais contrairement à la vulgate (et à Wikipédia) jamais jusqu’en 2007 il n’a été question d’irresponsabilité.

Mais ce que  nous voulions surtout souligner dans l’article du n° 986 de ReSPUBLICA, c’est un paradoxe absurde du point de vue politique et démocratique : le Président de la République, qui gouverne effectivement et conduit la politique du pays, prend des décisions qui affectent la vie des Français est irresponsable pour ses actes, alors que le Premier ministre qui est de fait « un collaborateur » (et encore) ne gouverne donc pas est responsable devant l’Assemblée nationale. On marche sur la tête et l’on s’étonne et cherche des explications ultra-compliquées à la désaffection des Français pour le fonctionnement des institutions de la République !