SYNDICALISME : RECOMPOSITION ? REUNIFICATION ?

You are currently viewing SYNDICALISME : RECOMPOSITION ? REUNIFICATION ?

Il est risqué de faire une analyse critique dès que l’on parle de recomposition, réunification ou de refondation syndicale. On est tout de suite suspecté d’être un diviseur… Grandes sont les confusions, car beaucoup de personnes confondent ces 3 orientations avec l’unité syndicale à la base (et au sommet) dans le cadre de luttes unitaires. Pour être clair, on peut être partisan de l’unité des salariés et donc de l’unité syndicale quand elle se met au service de la lutte des classes ; mais être dubitatif quant à une nouvelle unité organique avant que ne soient traitées les questions de fond.

La valse à trois temps

Avant le congrès de la CGT et le mouvement contre la contre-réforme des retraites, les responsables nationaux de la CGT, de la FSU et de SOLIDAIRES ont multiplié dans la presse des déclarations d’intentions plus unitaires les unes que les autres.

Fête de l’humanité 2022 – Extraits du quotidien « l’Humanité »

Vous employez les termes de « recomposition », « refondation intersyndicale », « outil syndical commun ». Qu’entendez-vous par là?

Benoît Teste – FSU – Les divisions sont ancrées dans l’histoire. Néanmoins, il est absolument nécessaire de proposer un syndicalisme plus unitaire, s’adressant à davantage de salariés. Tel est l’enjeu. C’est la raison pour laquelle, à la FSU, nous employons le terme « refondation ». Car il ne s’agit pas seulement d’additionner des forces existantes. Si déjà nos trois organisations arrivent à donner un chemin plus clair, plus efficace avec un outil unitaire pérenne qui traite les questions sur le fond et qui soit identifié par les salariés, je suis persuadé que cela entraînera d’autres forces.

Nos divisions empêchent de toucher une grande part des salariés, particulièrement cette population en précarité, aux marges du salariat – je pense notamment aux gilets jaunes. Avec un outil refondé, nous devons arriver à mobiliser cette population, l’intégrer aux luttes, notamment aux luttes féministes et contre les discriminations. D’où la notion de « syndicalisme à vocation majoritaire ». C’est un peu incantatoire, mais l’objectif est de rassembler.

Simon DuteilSolidaires Le moment historique que nous vivons nous impose une recomposition. En 2019, nous avons gagné notre combat commun contre la dernière réforme des retraites. Ce n’est pas suffisant. Notre analyse de la montée de l’extrême droite, dans le monde du travail, a fait bouger les lignes à Solidaires. La responsabilité du syndicalisme de luttes et de transformation sociale est engagée pour aller plus loin.

Philippe MartinezCGTLa question sera posée et discutée à notre prochain congrès. Nous devons, par exemple, aborder le sujet des « parenthèses électorales » qui paralysent et divisent l’action syndicale. Nous devons aussi analyser les raisons pour lesquelles il y a trop de salariés non syndiqués. Nous devons trouver des réponses à toutes ces questions.

Un tel horizon syndical au plan organisationnel pose des questions de fond. Quelles sont les grandes lignes de vos convergences sur le projet de société ?

Simon DuteilSolidaires – , qui porte depuis plusieurs années la vocation d’un syndicalisme de transformation sociale, fait le constat que l’on se rejoint de plus en plus dans de nombreux combats. Nous avons réussi à travailler ensemble, notamment dans les intersyndicales femmes, depuis plus de vingt ans. L’alliance « Plus jamais ça » (syndicats et associations environnementales) a montré toute la pertinence de lier écologie et combat social.

La répression que nous avons subie du fait des lois liberticides d’Emmanuel Macron nous a fait nous retrouver sur ces sujets alliant lutte contre le capitalisme et lutte contre les dominations. Malgré des différences d’approche, le travail commun a pu avancer sur l’écologie, le féminisme ou l’antiracisme, tant au niveau national que local. Le syndicalisme de transformation sociale qui caractérise nos trois organisations favorise cette dynamique.

Philippe Martinez – CGT – Sur beaucoup de points, dont le combat féministe et la lutte contre l’extrême droite, nous sommes d’accord et nous nous organisons pour que la riposte soit unitaire. Il s’agit de valeurs fondatrices de la CGT. Nous avons un socle commun très important de revendications, d’idées de transformation. Ce débat ne doit pas rester un débat de chefs. Un échange d’expériences doit se faire dans les entreprises et sur les territoires.

L’Appel du Congrès de la FSU de Metz du 4 février 2022.

Lors de son congrès de Metz, la FSU a voté un « Appel » qui porte notamment des propositions visant à des rapprochements entre organisations syndicales : « À quelques semaines d’échéances électorales cruciales, le Xe congrès de la FSU lance un appel solennel au monde du travail : regroupons-nous, syndiquons-nous, mobilisons-nous, imposons dans le débat les alternatives écologistes, humanistes et de progrès social, imposons la justice sociale et environnementale, refusons la régression fasciste, les replis identitaires, la xénophobie… Le congrès de la FSU a pris la mesure de la responsabilité du syndicalisme dans la période.

Face au règne d’un néolibéralisme fondé sur la financiarisation de l’économie, qui aggrave les inégalités sociales, continue à piller les richesses de la planète, érige la concurrence en principe, ce qui aboutit à dresser les uns contre les autres et favorise les réponses identitaires et de repli sur soi : il y a urgence. La FSU a réaffirmé dans ce congrès sa disponibilité pour renforcer les liens avec les autres organisations syndicales pour proposer une refondation du syndicalisme, en travaillant en particulier avec la CGT et Solidaires, mais sans exclusive, pour mieux unir les forces humanistes et de progrès social pour obtenir des victoires.

Nous appelons l’ensemble des salariés à rejoindre cette dynamique et à se syndiquer massivement pour lutter, pour défendre leurs droits et en gagner de nouveaux. Nous proposons au mouvement syndical de transformation sociale d’aller vers des états généraux du syndicalisme qui permettraient de dessiner les contours d’un syndicalisme refondé, plus fort et plus efficace. Nous en sommes persuadés, un syndicalisme fort est de nature à redonner espoir. »

L’expression du 53e Congrès de la CGT de Clermont-Ferrand du 27 au 31 mars 2023.

Dans le « Document d’orientation » de 50 pages adopté par le congrès de la CGT, il y a un chapitre sur « La force de l’unité, un syndicalisme qui rassemble » : « Malgré notre volonté d’unité, nos relations avec les autres organisations syndicales ne sont pas de même nature d’une profession à l’autre, d’un territoire à l’autre, d’une entreprise à l’autre… Nous ne sommes pas la seule organisation à travailler à la syndicalisation, à viser la conquête électorale dans tous les scrutins syndicaux, à vouloir peser dans la conduite des luttes et dans les négociations. Nous sommes parfois plus en concurrence qu’en coopération. Il nous revient de dépasser cette contradiction, de travailler toujours plus nos arguments afin de renforcer à la fois notre capacité à agir et notre propension à gagner les revendications dans le cadre d’une unité d’action.

L’unification du syndicalisme est une dimension identitaire de la CGT qui, dans l’article 5 des statuts confédéraux, indique que la CGT promeut un syndicalisme unifié et se prononce pour l’édification d’une seule organisation de salariés. C’est donc bien une unification que nous visons, respectueuse du fédéralisme, des principes et objectifs visés dans les statuts de la CGT. Elle nécessite un travail commun et démocratique avec les organisations syndicales qui souhaitent en finir avec l’éparpillement syndical. Afin de déjouer le piège de la division, qui ne profite qu’au camp capitaliste.

À l’heure où les enjeux revêtent une importance essentielle et où le syndicalisme est fortement interrogé, les démarches intersyndicales connaissent un regain nouveau. Au-delà des rencontres et des échanges réguliers, des démarches partagées sont initiées sur la formation, les services publics, etc. Notre ambition est de faire la part entre ce qui nous distingue et de nous appuyer sur ce qui nous est commun. Cette base commune doit être clairement établie, sur le plan des valeurs et de la stratégie, en s’appuyant notamment sur les expériences locales. Par cette stratégie, la CGT affirme son choix d’unité dans une recherche d’amplification du rapport de force. La déclinaison de cette stratégie sera mise en débat dans nos organisations et nécessitera des étapes partagées avec les syndiqués ».

SOLIDAIRES

Lors de son 8e congrès, à Saint-Jean-de-Monts, du 27 au 30 septembre 2021, Solidaires a abordé la question de l’unité syndicale, en commençant par rappeler ce qui est souvent exprimé, à savoir que l’Union syndicale Solidaires ne se considère pas comme une fin en soi, mais comme un outil pour être utile aux travailleuses et aux travailleurs, et qui peut donc être dépassé : « … Nous l’avons toujours dit, notre Union syndicale est un outil au service de la défense des travailleuses et des travailleurs, des luttes et de la transformation sociale. L’urgence de la situation sociale et écologique se combine avec un débat public dans lequel des positions et des propositions racistes et fascisantes s’affirment de plus en plus.

Cette situation inédite pour nos générations nous oblige à réfléchir à l’ensemble des réponses pour faire face, notamment, aux liens plus étroits à développer avec les autres syndicats de lutte et de transformation sociale, sans présupposés. Se fédérer, discuter de la possibilité de la recomposition intersyndicale à la base, dans les territoires et les secteurs, ne doit pas être tabou. Il nous faut réfléchir à la façon d’être plus efficace pour gagner. L’Union syndicale Solidaires ne construira pas des rapprochements seule et nous verrons si d’autres structures souhaitent partager cette démarche. En attendant, notre Union est un outil indispensable pour faire face dans la période. »

Patatras : Plus question d’une démarche à trois organisations !

Quand on lit entre les lignes, dès le départ il y a des termes qui ne correspondent pas. Pour la FSU, il s’agit d’un « syndicalisme à vocation majoritaire », pour Solidaires « d’un syndicalisme de transformation sociale » et pour la CGT « un syndicalisme unifié et se prononce pour l’édification d’une seule organisation de salariés. ».

Si la FSU et SOLIDAIRES parlent encore d’échanges à trois : CGT / FSU/SOLIDAIRES. La donne a changé à la CGT. Depuis le congrès, la ligne Philippe Martinez a été mise en minorité. L’orientation de la CGT est de retourner vers une version du syndicalisme rassemblé (avec la CFDT, FO, la CGC, la CFTC, etc.) pour l’action et une recomposition avec la seule FSU. Plus question de ménage à trois. Ci-joint un extrait du Compte Rendu officiel de la CGT et SOLIDAIRES du 19 janvier 2024.

La CGT a explicité le processus d’échange et de travail en commun syndical avec la FSU suite notamment à une décision de Congrès de la FERC-CGT et une feuille de route a été adoptée en ce sens entre les deux organisations. Le congrès de mars 2023 de la CGT n’a pas donné mandat pour un rapprochement incluant Solidaires. Pour la CGT un processus de sommet est voué à l’échec et tout processus doit être précédé par l’accord, de part et d’autre, des professions les plus concernées.

Là, c’est clair. Solidaires est hors-jeu. La recomposition se fera -ou pas- entre la CGT et la FSU.

Même si les termes employés se rapprochent de ce que Solidaires pourrait dire : « …le syndicalisme de transformation sociale à vocation majoritaire… » FSU; « …la CGT se veut un syndicat de lutte, de proposition et transformation sociale à vocation majoritaire » (CR de la réunion CGT/FSU du 20 12 23) 

Confirmation du processus à deux dans le Compte Rendu du groupe de travail CGT – FSU du mercredi 7 février 2024.

Dès le début de ces rencontres, nous nous sommes accordés sur la nécessité de déployer cette réflexion et ce travail à tous les niveaux de nos deux organisations. Cette réunion a eu pour objectif d’échanger sur l’organisation de débats dans différents territoires et de réunir les meilleures conditions possibles de préparation, afin que les équipes militantes puissent s’emparer pleinement de ce sujet.

Plusieurs syndicats tant de la CGT que de la FSU ont sollicité nos organisations pour débattre dans les départements notamment sur le processus engagé. D’autres s’apprêtent à le faire.

C’est clair le processus est engagé entre les 2 organisations. D’un côté un syndicalisme rassemblé, avec le pôle « réformiste » pour l’unité d’action et de l’autre une recomposition possible avec une seule autre organisation. Le pôle CFDT/CGC/CFTC est-il encore réformiste ? Ou est-il dans l’accompagnement social du libéralisme ? Je vous laisse juger .

Est-ce que cela se fait avec les syndiqués concernés ? Pas vraiment ! Il suffit de lire l’article de Ronan VIBERT, syndicaliste CGT Educ’action, dans la revue LA REVOLUTION PROLETARIENNE, « CGT & FSU : réunification… ou marchandage ? LA RP 823 » de décembre 2023, pour apprendre que dans un premier temps, la CGT Educ’action n’a pas été partie prenante des échanges et des décisions. La FERC-CGT qui regroupe l’Éducation, la Recherche et la Culture est une des interlocutrices dans cette affaire avec la FSU. Ecarter la branche Éducation de la CGT, n’est-ce pas un gage donné la FSU ? Elle gardera le contrôle dans son principal champ de syndicalisation. Les adhérents de la CGT EDUC’ACTION apprécieront.

Depuis, il semble que la CGT Educ’action a été mise dans la boucle. Par ailleurs, il n’est pas évident de savoir comment les adhérents des syndicats de la FSU vont vivre la situation tant la culture interprofessionnelle des adhérents de la FSU est faible. Même si la FSU signe des tas d’appels sympathiques, ces capacités de mobilisations interprofessionnelles sont faibles en tout cas sans commune mesure avec les cortèges qu’elle anime dans les manifestations professionnelles. Le décalage est important à Solidaires et à la CGT, mais relativement moindre. Les replis corporatistes existent dans toutes les organisations. Autres obstacles non négligeables, côté FSU les syndicats de l’Éducation ne sont pas forcément enthousiastes à l’idée d’une recomposition, idem côté CGT côté Collectivités Territoriales…

Par ailleurs, côté FSU et SOLIDAIRES, on ne renonce pas à la valse à 3 :

La FSU et Solidaires se sont rencontrées le 28 février pour faire le point sur le travail mené en commun et évoquer également le travail engagé depuis l’automne par la FSU et la CGT autour d’une unification du syndicalisme de transformation sociale. Nos deux organisations partagent l’analyse d’un contexte inquiétant avec un rapport de force globalement défavorable au salariat et la possible arrivée à court terme de l’extrême-droite au pouvoir. Il interroge la capacité de nos outils syndicaux.

Le mandat de la FSU de création d’un nouvel outil syndical avec CGT et Solidaires, sans exclusives, reste sa perspective. Elle s’engage dans ce travail avec la CGT, dont la forme reste largement ouverte, sans rien anticiper de ses débouchés et avec la volonté de créer une large dynamique dans le salariat autour d’une unification syndicale et non pas un simple mécano d’appareils.

Sortir de la pensée magique

A la sortie de la lutte menée de façon unitaire en intersyndicale contre la contre-réforme des retraites, il y a deux formes de pensées magiques qui s’affrontent et se complètent.

Première pensée magique : Depuis l’intersyndicale retraites, il y a une nouvelle donne !

« On a perdu, mais on a gagné la bataille idéologique. » Ils vont être contents ceux qui vont bosser ou galérer plus longtemps pour toucher des retraites plus petites de savoir qu’on a perdu, mais que moralement on a gagné !

Cette vision qui alimente la perspective d’un syndicalisme rassemblé est hors sol. D’ailleurs, depuis le mouvement contre la « contre-réforme » des retraites, quelles initiatives de masse cette intersyndicale a-t-elle pu prendre et réussir ? Aucune. Si les salariées continuent à se battre boîte par boîte, parfois par secteur… c’est souvent de façon isolée. Le repli, le patriotisme d’appareil ont repris le dessus. Où était l’intersyndicale nationale quand il fallait combattre la loi Asile Immigration ?

Pendant un an et demi, les collectifs de travailleurs sans papiers, avec le soutien de petits réseaux syndicaux ont mené la lutte, très seuls. La seule initiative qui a été prise par une partie de l’Intersyndicale a été d’organiser une manifestation le 21 janvier. Pour la petite histoire, la manif du 21 janvier (organisée au plus haut niveau par la CGT) a été annoncée sur une radio par la nouvelle cheffe de la CFDT. Organisation qui a brillé par sa discrétion sur ce sujet pendant plusieurs mois ; torpillant sciemment celle du 14 janvier portée par les réseaux qui menaient la bataille depuis plusieurs mois. Le plus grave, c’est que les premiers concernés : les travailleurs sans-papiers ont été délibérément écartés des discussions préparant le 21 janvier.

Si c’est ça le syndicalisme rassemblé, on est mal barré !

Une analyse plus fine reste à faire sur la présence de la CFDT dans l’intersyndicale nationale contre la réforme des retraites. Il y avait un mandat incontournable d’un congrès. Le Président Macron de la « Star Up Nation » se fout royalement des « corps intermédiaires ». En clair, le gouvernement ne cherche plus le soutien (même passif) de la CFDT. Est-ce que la CFDT est prête à engager un bras de fer sérieux, au-delà de déclarations dans la presse ? Cette organisation est sans doute la première sur le plan électoral dans le privé, elle a sans doute des leviers pour bloquer. Mais il est loin le temps du « socialisme autogestionnaire », des LIP, etc.

Deuxième pensée magique : Tout est de la faute de l’intersyndicale nationale !

Côté face de la pièce précédente. Ah, si on avait de bons chefs, cela ne se passerait pas comme cela mon bon monsieur. Là encore, on est hors-sol ! L’intersyndicale a appelé à mettre la France à l’arrêt et les salariés à tenir des AG pour construire la suite. Cela n’a pas eu lieu. Même les secteurs les plus radicaux du syndicalisme n’ont pas réussi à enclencher des grèves de masse localement. Ces grèves auraient pu faire « tache d’huile » comme en 1936 et 1968, où la grève s’est généralisée à la base, avant que le mot d’ordre de Grève Générale soit lancé.

Malheureusement, un mot d’ordre de Grève Générale aurait sans doute été un appel incantatoire. En revanche, un mot d’ordre d’extensions des blocages/filtrages sur les ronds-points, des raffineries, etc. aurait pu être effectif par un mouvement de grève, même minoritaire. Là, il y a deux problèmes à assumer : s’organiser face à la répression étatique et patronale, et surtout cela voulait dire faire péter l’intersyndicale au « sommet ». On imagine les torrents de boue médiatiques qui se seraient déversés sur les organisations syndicales qui auraient lancé ce mot d’ordre et les accusations de divisions, etc. Une façon de contourner ces problèmes aurait été que cela parte de la base un peu partout dans le pays, un peu comme avec les Gilets Jaunes. Là, les syndicats auraient pu apparaître comme en phase avec le mouvement des salariés, et les pressions sur les médias dits « régionaux » sont plus simples. Ces derniers ne peuvent pas se fâcher avec la majorité de leurs lecteurs ou de leurs abonnés. Le mouvement de blocage a existé, mais de façon trop minoritaire dans le pays. Ce ne sont pas les sympathiques « casserolades » qui bloquent l’économie.

Pourquoi les salariés n’ont-ils pas débordé le cadre de l’intersyndicale nationale et ses manifs de masse, mais insuffisantes ?

Il n’est pas inutile de rappeler qu’avec 10 % de syndiqués, le syndicalisme connaît aujourd’hui de nombreux déserts syndicaux dans le privé et qu’il recule dans le secteur public. Dans le privé, 5 millions de travailleurs dans les TPE/TPA (Toutes Petites Entreprises / Toutes Petites Associations.) où le simple fait d’être adhérent peut te valoir d’être licencié.

Dans le public, il y a à la fois une extension de la précarité tant du côté des emplois (CDD, contractuels…) que du côté du recours à la sous-traitance en cascade. Certains « bastions » syndicaux combatifs se retrouvent en grandes difficultés avec ce changement de statut du salariat (Orange, EDF, etc.).  Sans oublier le management et la répression qui frappent aussi les fonctionnaires.

Il y a aussi un bilan à faire, du recul des moyens syndicaux avec les lois Travail (Passage des DP/CHSCT au CSE) (A ce sujet, les directions nationales n’ont pas assez appelé à la bagarre.), à la difficulté à tenir des AG massives de grève, même quand le taux de grévistes est fort. Le COVID est passé par là. Les visioconférences ne remplacent pas une AG, où les grévistes se parlent, construisent leur lutte, etc.

Et puis il y a surtout une absence de perspective collective gagnable, qu’elle soit réformiste, évolutionnaire ou révolutionnaire. La meilleure façon d’enrayer la montée de l’extrême droite serait de mener des luttes victorieuses sur l’ensemble du territoire.

Il ne faut pas désespérer Billancourt(1)Phrase du siècle dernier. Cela ne dira rien à nos jeunes lecteurs, après la Seconde Guerre, l’usine de RENAULT BILLANCOURT donnait le ton aux grèves ouvrières. A tel point qu’on disait aussi « Quand Renault éternue, la France s’enrhume ». On comprend mieux pour le patronat de Renault a mis tant d’acharnement à délocaliser la production pour détruire cette base ouvrière. !

Malgré tout, il n’y a pas un mois où des salariés ne se mettent pas en grève pour leurs salaires, leurs conditions de travail, contre le management ou contre les délocalisations, etc.

L’intersyndicale Femmes (CGT/FSU/SOLIDAIRES) organise des stages communs depuis plusieurs dizaines d’années. Quand on voit le succès de la manifestation parisienne du 8 mars 2024, on se dit que dans la durée on peut regagner du terrain.

Les travailleurs sans papiers du piquet de Chronopost sont en grève pour certains depuis plus de 27 mois…

Ce n’est pas de recomposition ou de réunification d’appareils au sommet dont le syndicalisme a besoin. Mais c’est bien d’une refondation construite à partir du réel et du présent.

Il est temps de rallumer les étoiles. On en parle dans un prochain article…

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Phrase du siècle dernier. Cela ne dira rien à nos jeunes lecteurs, après la Seconde Guerre, l’usine de RENAULT BILLANCOURT donnait le ton aux grèves ouvrières. A tel point qu’on disait aussi « Quand Renault éternue, la France s’enrhume ». On comprend mieux pour le patronat de Renault a mis tant d’acharnement à délocaliser la production pour détruire cette base ouvrière.