Dettes mortifères ? Menaces d’intervention du FMI ?
L’agence Fitch a dégradé la note de la France, soulevant le chœur des pleureuses ultralibérales. Outre qu’il n’y a aucune raison de se soumettre à la doxa financière, la question qui vaut d’être posée est la suivante : « Qu’en est-il des taux d’intérêt pour emprunter ? ».
Il s’avère que la France trouve à se financer à des taux très raisonnables, même après la dégradation de la note Fitch, soit 3,49 %. Cela représente un taux réel, si l’on soustrait les 1,1 % du taux d’inflation(1)Les consommateurs constatent un taux au-dessus pour les biens de consommation courants. de 2,39 %. En moyenne, depuis 1960, le coût de l’argent se situe à 2,47 %. Le catastrophisme des milieux ultralibéraux s’avère une posture politique pour justifier toutes atteintes aux conquis sociaux et dire « niet » à toutes revendications sociales.
Gérer la dette publique sans dépendre des marchés
Un article du Monde diplomatique(2)N°859 octobre 2025., signé de l’économiste atterré Frédéric Lordon, nous invite à dépasser le réflexe de dénoncer d’office tout ce qui vient du « trumpisme » qui, par ailleurs, est rédhibitoire pour la pensée humaniste quant à son idéologie raciste de suprémaciste blanc.
Ainsi, le secrétaire au Trésor des États-Unis, M. Scott Bessent, explique que « les épargnes résidentes investies aux États-Unis pourraient être regroupées dans une sorte de fonds souverain interne à la disposition du gouvernement » pour les utiliser à bon escient dans les secteurs à développer. C’est comme un retour, rappelle M. London, au « Circuit du trésor » développé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en France. Ce circuit mettait « à la disposition de l’État des liquidités déposées par des agents auprès d’institutions financières publiques… à l’image des comptes chèques porteurs »(3)https://economy-pedia.com/11031995-check-to-bearer : le chèque au porteur est un titre de paiement dont le nom du bénéficiaire n’est pas indiqué, de sorte que toute personne qui l’a en sa possession et le présente à la Banque peut l’encaisser..
Certes, la stratégie Trump-Bessent, précise F. Lordon, représente une sorte de « colonialisme financier » qui vassalise l’Europe par « captation d’épargne » que la Commission de Bruxelles ne combat pas. Ursula Van der Leyen n’est pas la personne idoine qui va affranchir l’Europe ni des marchés financiers ni des États-Unis. Cependant, cette stratégie remet au goût du jour un mécanisme anti-marché du financement de l’économie intéressant pour mener une politique de réindustrialisation et de financement vertueux de la dette publique.
Le vrai pouvoir
À partir du moment où les dirigeants politiques ont décidé que « le financement de l’État [devait être] remis aux marchés de capitaux », les États ont été pris en otage. Les investisseurs financiers détiennent un pouvoir supérieur à celui des États en définissant les conditions dans lesquelles « la dette peut être émise », notamment au travers des taux imposés. C’est ce sentiment d’impuissance face aux marchés financiers et aux commissions d’experts ultralibéraux qui sape la volonté de souveraineté des peuples, et ce d’autant plus que les dirigeants agissent en collabos de cette renonciation à l’indépendance.
L’économie ultralibérale pratique la double pensée : soumettons-nous à la discipline ultralibérale pour être indépendant. Dans le système totalitaire décrit par Georges Orwell (1984), cela se traduit par « l’esclavage c’est la liberté, l’ignorance c’est la force ». La doxa ultralibérale se résume à « la soumission au marché, c’est l’indépendance ».
La souveraineté des peuples et des nations a laissé la place aux marchés financiers. Ce faisant, l’intérêt général passe à la trappe au profit de quelques géants financiers.
L’Union européenne (UE) ou la machine à tuer la souveraineté des peuples
Comme le souligne F. Lordon, l’UE, avec son article 63 du TFUE(4)Traité sur le fonctionnement de l’UE, https://www.doctrine.fr/l/traite-fonctionnement-union-europeenne/article-63/UE_TFUE_63 : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites »., interdit d’empêcher la circulation des capitaux. Le Conseil constitutionnel, dans cet esprit, n’est pas en reste qui a retoqué une volonté parlementaire de se donner les outils pour lutter contre l’évasion fiscale sous prétexte que cela attentait à la liberté d’entreprise.
Cette organisation de l’impuissance des peuples face aux marchés financiers déconstruit la démocratie.
De manière involontaire, le binôme Trump-Bessent, pourtant adepte de l’ultralibéralisme, donne le signal d’un possible affranchissement à l’égard des « marchés des taux internationaux ».
Financer les services publics universels, la dette et un grand programme de développement
Plutôt que des économies sur le dos de la Sécurité sociale, de la santé publique, de l’Éducation nationale, mettons en place ce « circuit du trésor » à notre sauce « pour financer… de grands programmes d’investissements publics » qui s’avèrent vertueux, car préparant l’avenir pour la réindustrialisation. Sans réindustrialisation, sans relocalisation de la production, il est vain de parler de souveraineté du peuple, dont découle la souveraineté nationale.
Suspension de la réforme des retraites
Sur cette hypothèse de la suspension de la réforme des retraites, outre le fait que c’est l’arbre qui cache la forêt ou la jungle de l’ensemble des régressions sociales et qu’elle sera remise sur le tapis, montent les propos des hérauts de l’ultralibéralisme. Ils s’appuient sur le catastrophisme soi-disant en vue, sur des taux d’intérêt élevés dignes de la Grèce (Grèce : près de 50 % de taux d’intérêt, France : 2,39 %).
La suspension de cette réforme, dont une très grande majorité des Français ne veulent pas, sert de prétexte au Parti socialiste (sinon dans son entier, du moins pour une partie) pour accentuer la division à gauche et ne pas sanctionner le Premier ministre Sébastien Lecornu. Il oublie, ce faisant, la nocivité globale de la ligne politique menée depuis 2017. Le PS se prépare-t-il à une éventuelle union des droites et de l’extrême-droite et à renouer avec les vieux démons du renoncement à la nécessaire lutte contre l’ultralibéralisme ? Le PS s’apprête-t-il à passer par pertes et profits le gel des retraites, la sous-indexation de 0,4 % par rapport à l’inflation, la substitution d’un abattement forfaitaire à l’abattement de 10 % …?
Il s’agit d’œuvrer pour plus de justice fiscale, une répartition des efforts équitable, pour des services publics universels de qualité accessibles, quelle que soit la situation de fortune des uns et des autres.
Cela suppose, a minima, la remise en cause des aides abusives aux entreprises et une contribution supplémentaire des ultra-riches. Toute chose que le socle commun extrême centre-droite refuse, de même que l’extrême droite, dans son souci de séduire le patronat.
Notes de bas de page
↑1 | Les consommateurs constatent un taux au-dessus pour les biens de consommation courants. |
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↑2 | N°859 octobre 2025. |
↑3 | https://economy-pedia.com/11031995-check-to-bearer : le chèque au porteur est un titre de paiement dont le nom du bénéficiaire n’est pas indiqué, de sorte que toute personne qui l’a en sa possession et le présente à la Banque peut l’encaisser. |
↑4 | Traité sur le fonctionnement de l’UE, https://www.doctrine.fr/l/traite-fonctionnement-union-europeenne/article-63/UE_TFUE_63 : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ». |