Trois raisons de rédiger et publier cette recension
Commençons par dire que la lecture de ce livre est une nécessité quasi sanitaire, tellement les fausses bonnes solutions de la doxa habituelle sur ce sujet sont soit des ignominies, soit des fausses analyses contraires au réel.
Ensuite, parce que nous aimons bien cet éditeur qui sort des livres intéressants délaissés par beaucoup d’autres.
Et enfin, parce que, dans la dérive actuelle des sociologues largement contaminés par l’essentialisme et l’identitarisme, nous ne pouvons que saluer un sociologue qui résiste.
Un glossaire bienvenu pour sortir des confusions
Passons à la recension de ce livre de près de 300 pages pour 20 euros. Ce livre très bien sourcé est accompagné d’un glossaire. Ce dernier est important pour faire la différence entre taux de natalité, taux de fécondité, indice conjoncturel de fécondité. Et oui, on commence par la page 269, puis on démarre le livre ! Et là, on côtoie la science démographique. C’est mieux que les âneries habituelles du café du commerce.
Sortir des clichés
Le livre nous vaccine contre le néo-malthusianisme largement répandu dans toutes les franges de la société jusque dans les institutions internationales. Non, il n’y a pas trop de monde sur la Terre. Toutes les analyses démographiques montrent que c’est l’inverse, puisque nous allons vers un hiver démographique. Non, il ne faut pas commencer par obliger les Africains à avoir moins d’enfants pour qu’ils se développent mieux. À l’inverse, il faut développer leur économie et leur société et, tout naturellement, le nombre d’enfants par femme en âge de procréer va diminuer (exemple le Nigéria, l’Afrique du Sud, etc.). Non, il ne faut pas écouter Terra Nova. Dans un premier temps, cet organisme de réflexion a eu l’idée saugrenue de conseiller à la gauche d’abandonner les couches populaires pour les remplacer par une alliance des couches moyennes avec les catégories discriminées que l’on doit essentialiser. Dans un second temps, Terra Nova produit un gloubi-boulga mélangeant un néo-malthusianisme avec des louvoiements dont la présentation complexe rime avec la pseudoscience. Non, on perd son temps à se cultiver sur ce sujet auprès de René Dumont, d’Aymeric Caron, Sandrine Rousseau, Yves Cochet et consorts. Non, ni la nuptialité ni la religion ne sont la cause principale directe du nombre d’enfants. Et puis, si vous n’êtes pas d’accord, vous n’arriverez pas à expliquer le nombre d’enfants par femme en âge de procréer à Malte, en Espagne, en Italie, en Pologne. Et oui, une fois de plus, c’est la question sociale qui est déterminante.
Tout cela est bien expliqué dans ce livre, qui vous permet de comprendre le réel bien documenté et toujours bien chiffré.
Une sociologie qui ne tourne pas le dos à la pensée marxiste
Grâce à notre sociologue marxien, vous verrez le lien entre démographie et capitalisme dans ses différentes phases. Vous constaterez l’écart grandissant entre le désir d’enfant et le nombre d’enfants par femme. Vous prendrez conscience du rôle des politiques de la Sécurité sociale et de sa branche Famille sur la démographie. On pourra y ajouter le problème de l’accès aux soins pour les femmes enceintes. La montée de l’infertilité, y compris masculine, sera évoquée. Le rôle du logement, du pouvoir d’achat, de l’instabilité des couples seront analysés comme des causes importantes de l’écroulement du nombre d’enfants par femmes. Vous verrez qu’à partir de 2037, les prévisions montrent qu’une baisse significative de la population active française pointe à l’horizon. Vous verrez que, sur le plan mondial, le nombre d’enfants par femme est tombé de 5,3 à 2,6 aujourd’hui, alors que le taux de renouvellement des générations est d’environ 2,1 et que le seul continent qui continue à accroître sa population est l’Afrique.
Que faire ?
Dans la problématique du « Que faire ? », force est de constater qu’il faut d’abord lire ce livre pour « partir du réel afin d’aller vers l’idéal », comme aimait à le rappeler Jean Jaurès. D’autant que ce livre montre, dans nombre de pages, des tas de raisons d’espérer. Mais pour cela, la refondation de la gauche est indispensable. Écoutons l’auteur :
Notre gauche est à ce stade majoritairement incapable de se hisser à la hauteur des enjeux dans la mesure où elle a été tellement travaillée par l’individualisme libéral et un néomalthusianisme aux pulsions nihilistes qu’elle n’a plus la capacité de proposer une vision d’avenir porteuse d’espoir et susceptible de susciter l’enthousiasme.
Et si on lui montrait qu’une gauche de gauche peut effectuer un sursaut ?