Laïcité à toutes les sauces

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Photo de l'original du texte de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.

Nous assistons à un florilège d’initiatives à l’occasion des 120 ans de la loi du 9 décembre 1905 dite de « Séparation des Églises et de l’État ». En soi, cela semble positif, car significatif du fait que la laïcité est intégrée dans les esprits et n’est plus remise en cause, du moins frontalement. Cela n’interdit pas d’être conscient que certains prétendus défenseurs de ce principe universel se révèlent de faux amis. Les ennemis ou adversaires déclarés sont faciles à combattre, car visibles. En revanche, les faux amis sapent ce grand principe républicain, en sourdine, de manière souterraine.

Des initiatives potentiellement mortifères

Ainsi sont associés aux réunions publiques à l’occasion des 120 ans de la loi du 9 décembre 1905 des représentants religieux, des ministres du culte aux conceptions de la laïcité pour le moins problématiques. Pour utiliser une image religieuse, « on ne déjeune pas avec le diable, même avec une très longue cuiller ». Pour autant, il n’est pas dans mon intention de qualifier les dignitaires religieux de « diables ». L’expression « l’enfer est pavé de bonnes intentions » devrait inciter les initiateurs de rencontres autour de la laïcité à la plus grande prudence et vigilance pour ne pas être les complices inconscients d’un affadissement du principe de laïcité.

Des associations réputées sans concession inopportune avec le principe de laïcité jouent avec le feu alimenté par les faux amis. On ne compte plus les initiatives qui convient les représentants des cultes pour débattre de la laïcité, alors que cette dernière s’est constituée en opposition à l’Église catholique qui ne se résolvait pas à perdre son emprise morale sur la société, notamment sur les esprits des enfants, et qui a fini par l’accepter malgré elle.

Aujourd’hui, la laïcité doit retrouver une vigueur nouvelle face à une autre religion dans l’hexagone, qui n’a pas intégré le principe de séparation dans ses modes de pensée, à savoir l’islamisme politique dont le projet sous-jacent est une organisation totalitaire de la société.

Un nouveau venu contre la laïcité est la pensée woke pour qui la raison universelle serait responsable des grandes catastrophes contemporaines, dont les totalitarismes. La raison universelle serait l’invention de l’Europe impérialiste et colonialiste et n’aurait pas vocation à être universalisable.

Fort risque délétère d’adjectivation de la laïcité

Certains associent ainsi sans précaution les tenants d’une laïcité ouverte qui affadit son principe, les tenants d’une fausse laïcité concordataire qui contredit le principe d’égalité de traitement entre toutes les options spirituelles – athées ou religieuses –, et les tenants d’une laïcité de coopération entre les religions et l’État, sous prétexte que ce dernier faillit à l’organisation de la solidarité nationale. Dans ce dernier cas, les Églises seraient chargées d’organiser la charité, qui est le parent pauvre d’une authentique solidarité universelle telle que pensée par les rédacteurs du programme du Conseil national de la Résistance avec, parmi d’autres conquis sociaux, la Sécurité sociale, selon le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».

La laïcité : un principe universel

Ce principe n’est pas une opinion politique. Aucun parti ou mouvement politique ne peut s’en arroger la propriété intellectuelle. Il est constitutif de la souveraineté du peuple et de la Nation, qui ne peut se définir ni par la caste, ni par la religion, ni par la tribu ou l’identité communautariste, ni par l’argent.

Encore faut-il que ce principe ne soit pas dévoyé par ses faux amis, dont l’un de ses représentants pourtant invité par des organisations censées être au clair avec cette notion cardinale de notre République. Il s’agit de celui qui sème la confusion avec ses fameuses et fallacieuses sept laïcités, dont certaines sont contraires aux deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 : « la République assure la liberté de conscience et garantit la liberté de culte. Elle ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte ».

Avec l’invitation de dignitaires religieux, le passage rédhibitoire de la liberté de conscience à la liberté de religion peut affaiblir, voire tuer la liberté de conscience.

Les rayons des Lumières censées éclairer et émanciper l’humanité risquent fort, à force d’œcuménisme instrumentalisé et mal géré, d’être interceptés par l’obscurantisme religieux.