Cartel de Mar-A-Lago. Épisode 2 : Trump déclare la guerre au Venezuela

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Le prétexte de lutte contre le narcotrafic qu’avance le président des États-Unis pour justifier la guerre surprise contre le Venezuela ne trompe personne. S’il déploie des forces militaires, c’est pour déloger Nicolas Maduro et répondre à Maria Corina Machado, qui réclame depuis des années une intervention militaire américaine. Est-ce vraiment un hasard si elle vient d’obtenir le prix Nobel de la paix… pour son combat de trois décennies en faveur d’un conflit armé ?

Début des hostilités

Le parrain (Donald Trump) de Mar-A-Lago doit s’y connaître en stupéfiants, puisqu’il est à la tête d’un des pays qui en consomment le plus au monde, toutes drogues confondues, « traditionnelles » (marijuana, amphétamines, opium, cocaïne) ou plus nouvelles (ecstasy, crack, fentanyl, etc.). En tout cas, la DEA, la puissante organisation américaine chargée de la lutte contre le trafic de drogues, sait très bien quels sont les pays producteurs ou de transit, où sont les ports ou aéroports d’où partent les « colis » et les routes d’acheminement. Les cartels n’ont pas de secret pour eux, et encore moins ceux qui en sont à la tête.

Mais alors, pourquoi déclarer la guerre au Venezuela sous couvert de lutte contre le narcotrafic, puisqu’il n’est ni pays producteur, ni même le premier pays de transit ? Si véritablement Trump voulait frapper un grand coup dans ce domaine, il devrait viser d’autres pays sur lesquels il a déjà étendu son emprise, l’Équateur, par exemple, où les cartels sont fermement établis.

La réponse est claire : Trump vise à s’approprier, au nom de la liberté, les trésors vénézuéliens. Et ils sont nombreux : le pays, qui est actuellement la plus grande réserve mondiale de pétrole et de gaz, recèle aussi de l’or, du coltan, de l’uranium…

Le parrain de Mar-A-Lago opte donc pour une entrée en guerre réelle et bien médiatisée : il envoie sur les côtes vénézuéliennes quelques éléments de la force navale étasunienne. Huit navires de guerre et dix avions de chasse basés à Puerto Rico commencent, début septembre, à exécuter sans sommation six personnes à bord d’une embarcation qui venait du Venezuela et aurait transporté des stupéfiants. Personne ne sait qui sont les morts, s’ils étaient bien Vénézuéliens et s’ils appartenaient bien au « Cartel de los Soles », dont le chef est Maduro en personne – Marco Rubio, associé du Parrain, accessoirement secrétaire d’État étatsunien, le sait bien et le répète à l’envi –. D’ailleurs, le montant de la prime proposée à qui supprimera le chef de l’État vénézuélien passe à 50 millions de dollars.

Depuis, ce sont cinq embarcations au total (et 27 personnes à leur bord) qui ont été pulvérisées par des armes de guerre, puis un sous-marin (sans que l’on connaisse le nombre de morts, probablement élevé). Mais cela semble passer sous les radars de la communauté internationale, qui n’élève pas la moindre protestation contre les lubies d’un Parrain tout puissant et redouté, qui agit hors de toutes lois ou règlements internationaux, sans même l’autorisation du Congrès américain.

Lutte conte le narcotrafic : un faux prétexte

Seuls Gustavo Petro et Lula se permettent d’élever la voix, dénonçant l’un le prétexte fallacieux de la politique antidrogue pour justifier une « invasion », l’autre une « ingérence » intolérable. Pendant ce temps, Maduro annonce, de manière concomitante, l’ouverture de la période de Noël dès le 1er octobre et une vaste campagne de recrutement pour la milice bolivarienne. 4,5 millions de femmes et hommes (selon Maduro) seraient désormais armés et prêts à résister à l’invasion étatsunienne. Les manœuvres militaires remplissent le ciel et les journées de tous, civils et militaires, appelés à défendre le pays.

Prix Nobel de la guerre

Maduro n’a certainement pas tort de prendre la menace au sérieux, car le président des États-Unis, encore tout fier de « sa » paix dans le conflit israélo-palestinien, vient de recevoir un soutien important dans sa croisade anti-vénézuélienne de la part de celle-là même qui lui ravit le prix Nobel. Maria Corina Machado a d’ailleurs appelé le Parrain tout de suite après sa nomination pour s’en excuser et confirmer son allégeance, non sans lui répéter de venir bien vite « libérer le Venezuela ».

Fidèle à ses origines bourgeoises, Maria Corina Machado combat tout ce qui a l’air « à gauche », dans son pays ou ailleurs, depuis qu’elle s’intéresse à la politique. En 2002, elle signe le décret Carmona qui dissout totalement l’Assemblée nationale lors du coup d’État de 48 heures contre Hugo Chavez. À la tête de l’ONG « Sumate » financée par les États-Unis, elle devient la représentante au Venezuela de Georges W. Bush, qui la reçoit régulièrement à Washington pour suivre son action.

Cette reconnaissance personnelle d’un président étatsunien inspire sa trajectoire. Elle ne se mélangera jamais avec l’opposition traditionnelle, qu’elle juge trop compromise avec le pouvoir, car préférant les urnes à l’intervention américaine. En 2014, cependant, elle accompagne jusqu’à la prison l’opposant Leopoldo Lopez, qui partage sa conception de la démocratie : scander « va-t’en tout de suite » à Maduro, qui vient d’être élu à une large majorité…

Cette femme, que le Nobel qualifie de « courageuse », a beaucoup d’amis. Ils s’appellent Bolsonaro, Milei, la Bolivienne Anez, arrivée au pouvoir grâce à un coup d’État en Bolivie, le leader d’extrême-droite chilien José Antonio Kast ou encore l’écrivain péruvien Vargas Llosa, qui exécrait la gauche après y être passé. S’ajoutent à cette liste latino-américaine tous les représentants de droite et d’extrême-droite européens, et même également le très « gauchiste » Raphaël Glucksmann, qui s’est précipité pour la féliciter.

Paroles édifiantes pour qualifier la nouvelle détentrice du prix Nobel de la Paix

Mais celui qui en parle le mieux, c’est encore le prix Nobel de la paix 1980, l’Argentin Adolfo Perez Esquivel, qui écrit à la prix Nobel 2025 :

Je suis surpris de voir à quel point vous vous accrochez aux États-Unis : vous devriez savoir qu’ils n’ont pas d’alliés, pas d’amis, seulement des intérêts. Les dictatures imposées en Amérique latine ont été instrumentalisées par leurs intérêts de domination et ont détruit la vie et l’organisation sociale, culturelle et politique des peuples qui luttent pour leur liberté et leur autodétermination. Les peuples résistent et luttent pour le droit d’être libres et souverains et non une colonie des États-Unis. 

Corina, je te le demande. Pourquoi avez-vous appelé les États-Unis à envahir le Venezuela ? Lorsque vous avez reçu l’annonce que vous receviez le prix Nobel de la paix, vous l’avez dédié à Trump. L’agresseur de votre pays qui ment et accuse le Venezuela d’être un trafiquant de drogue, un mensonge similaire à celui de George Bush, qui a accusé Saddam Hussein d’avoir des « armes de destruction massive ». Prétexte pour envahir l’Irak, le piller et faire des milliers de victimes, femmes et enfants. J’étais à la fin de la guerre à Bagdad, dans l’hôpital pédiatrique, et j’ai pu voir les destructions et les morts de ceux qui se proclament les défenseurs de la liberté. Le pire de la violence, ce sont les mensonges.

Les souvenirs de Perez Esquivel font écho à l’actualité : après la destruction d’une sixième embarcation dans les Caraïbes, Trump, selon le New York Times, « donne son accord à la CIA pour développer des actions sur le territoire vénézuélien, actions létales si nécessaire ». Le même jour, Maria Corina Machado confirme sur CNN que le Venezuela « constitue une menace pour la sécurité des États-Unis ». Puis c’est au tour du sénateur républicain Rick Scott de proposer à Maduro de « préparer ses valises pour se réfugier en Russie ou en Chine ».

Un cran supplémentaire

Un Parrain aux commandes, un prix Nobel qui demande l’entrée des Marines dans son propre pays, un sénateur qui relaie l’ensemble : tout est prêt pour la traque de l’homme qui valait 50 millions de dollars. On dirait un film de gangsters : on n’est pas en temps de guerre déclarée, mais on tue quand même à tour de bras ou on commandite des assassinats.

La contestation des élections de 2024 est une chose(1) https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-monde/respublica-amerique/venezuela-pour-les-elections-presidentielles-de-juillet-les-etats-unis-se-trouvent-une-nouvelle-marionnette/7435859., l’ingérence politique et militaire en est une autre. Ingérence encouragée par un prix Nobel de la paix… Enfin, c’est un prix Nobel tendance Kissinger, venu mettre ses grosses pattes au Chili pour aider Pinochet à assassiner et torturer et jeter à la mer ceux qui osaient se rebeller.

En Conclusion 

Si le Venezuela est un danger pour la sécurité des États-Unis, comme le répète Machado, le cartel de Mar-A-Lago est très surement un danger pour le Venezuela. Mais aussi un danger pour tous ceux dans le monde qui s’opposent au Parrain. Il en reste quelques-uns de ce côté de l’Atlantique, qui font honneur à tous ceux qui ont milité et parfois perdu la vie pour s’élever contre une idéologie violente, dominatrice et effrayante : Lula au Brésil, Sheinbaum au Mexique, ou Petro en Colombie, qui appellent la région à se solidariser contre l’ingérence étatsunienne après une ultime attaque de bateau dans les Caraïbes.

Quelques grains de sable sont entrés dernièrement dans les chaussures de Trump au sein même des États-Unis : des rassemblements impressionnants de manifestants qui scandaient « nous n’avons pas besoin d’un roi », comme un écho à l’image du monarque tout puissant évoquée par Lula il y a quelques mois. Ou la démission inattendue (après moins d’un an d’exercice) du chef du Commando-Sur, responsable des opérations de guerre commandées par Trump dans les Caraïbes.

L’Europe sortira-t-elle de sa torpeur ? Ou restera-t-elle prisonnière de sa peur du Parrain ?