L’extrême centre européen continue à développer les forces d’extrême droite dans l’Union européenne

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Trois élections récentes ont eu lieu dans les pays de l’Union européenne (Roumanie, Portugal, Pologne). Cela a été dans le même sens que les élections allemandes et françaises. Nous voyons les mêmes causes produire les mêmes effets. Les droites deviennent majoritaires. On voit les gauches en capilotade continuant avec leurs lignes stratégiques erronées, négligeant le primat de la question sociale et celui de la nécessité de répondre à la lutte des classes développée par le grand patronat, la haute bureaucratie d’État, la droite et l’extrême droite. La gauche de gauche a du mal à percer. Nos correspondants nous ont transmis les principaux éléments d’analyse.

Portugal : de l’union de la gauche à une victoire totale des droites

Après 8 ans de gouvernement socialiste dans une majorité d’union de la gauche, voici l’étendue du désastre : sur 230 députés et une majorité absolue à 116, l’extrême droite Chega (« ça suffit » en portugais) remporte 60 sièges, les ultra-libéraux 9 sièges, la droite 91 sièges, les centristes participatifs Ensemble pour le peuple 1 siège, Personnes-Animaux-Nature, 1 siège, le PS 58 sièges, le centre gauche écologiste Libre 6 sièges, le PC 3 sièges, le Bloc de gauche 1 siège.

Nous remarquons l’écroulement du PS et du Bloc de gauche. Luis Montenegro, le probable futur Premier ministre, est un homme issu du Parti social-démocrate, organisation de la droite traditionnelle portugaise, qui a été le leader de l’opposition à la gauche en général et au Parti socialiste portugais en particulier. Ce parti de la droite traditionnelle a été au pouvoir avant les 8 dernières années de l’Union de la gauche dirigée par le Parti socialiste. Il a tellement suivi les mesures d’austérité, d’attaques contre le droit au travail et de privatisations demandées par l’Union européenne que l’Union de la gauche a bénéficié ensuite de 8 années de pouvoir.

Ce gouvernement de gauche a tellement déçu la classe populaire ouvrière et employée, et notamment les plus jeunes et les plus précaires, par les mesures d’austérité, par une crise du logement social et par la corruption, que le niveau des suffrages exprimés a été de 55,8 % ! Il est à noter que les augmentations des salaires n’ont pas été à la hauteur de l’inflation. Que l’effort du gouvernement de gauche sur l’immobilier a été de développer avec des capitaux étrangers des logements de gamme moyenne et haut de gamme pour le tourisme des étrangers. Résultat : une location d’un deux-pièces couterait un loyer très supérieur au salaire minimum ! Les jeunes diplômés s’expatrient. Bravo la gauche gouvernementale avec la participation du Bloc de gauche. Le programme sur lequel les droites se sont développées tourne autour de la baisse des dépenses sociales pour baisser les « charges fiscales » des entreprises et pour privatiser les services publics. Luis Montenegro gouvernera probablement dans le cadre d’un accord en béton avec les ultra-libéraux et avec l’accord tacite au cas par cas de l’extrême droite, le PS ayant déjà dit qu’il ne voterait pas le budget du gouvernement.

L’extrême droite s’est développée quant à elle à une grande vitesse dans les zones périphériques et dans la jeunesse. Et dans le Sud, les zones de la paysannerie pauvre, traditionnellement communistes, ont été conquises par l’extrême droite.

Quant au Bloc de gauche, il a été le troisième parti du Portugal et s’est donc complètement écroulé, comme la plupart des gauches dites « radicales » dans l’Union européenne, lorsque ces dernières ne sont là que pour se détourner du social pour le sociétal et pour faire passer des mesures secondaires sans s’attaquer aux problèmes centraux, comme le logement social, les salaires, la sphère de constitution des libertés (école, services publics, Sécurité sociale) et les mesures structurelles mises en place par la bourgeoisie portugaise et la technobureaucratie européenne. Le Bloc de gauche a toujours eu comme politique de vouloir capitaliser sur le mécontentement populaire, alors que la classe populaire ouvrière et employée et la paysannerie pauvre souhaitaient une amélioration de leurs conditions. Manifestement, la petite bourgeoisie de gauche a du mal à comprendre les couches populaires !

Roumanie : l’extrême centre promeut un développement de l’extrême droite

Concernant les élections présidentielles 2024, Calin Georgescu, candidat d’extrême droite, gagne le premier tour avec 23 %. Les pouvoirs publics décident alors d’arrêter les élections et de les annuler ; elles sont reportées en 2025. Les raisons données sont une ingérence russe et une déclaration de comptes de campagne non conforme. Puis, il est invalidé pour l’élection de 2025.

Déjà, lors de ces élections, les partis au pouvoir étaient en difficulté. Arrive le premier tour de l’élection du 4 mai 2025 et, stupeur, un autre candidat d’extrême droite, Georges Simion, arrive en tête du premier tour avec 41 % des voix, soutenu par Calin Georgescu invalidé. Le président sortant, Klaus Iohannis, démissionne pour ne pas être destitué par le Parlement. L’ambiance est explosive. Les partis au pouvoir sont éliminés et il n’y a que le maire de Bucarest, Nicusor Dan, centriste, qui fait campagne en tant que pro-Union européenne et sur des bases anticorruption ; il doit rivaliser avec le candidat d’extrême droite pour le deuxième tour du 18 mai 2025.

Le premier tour donne une participation tout juste supérieure à 53 %, ce qui, pour l’élection d’un président, est surprenant. Georges Simion (AUR, extrême droite) reçoit près de 41 % des suffrages exprimés, Nicusor Dan, centriste, près de 21 % des suffrages exprimés et Crin Antonescu, représentant le gouvernement sortant, un peu plus de 20 %. Suit Victor Ponta, ex-socialiste roumain, devenu antisystème souverainiste, soutenu par des organisations allant du centre gauche à la droite dure ; il fait plus de 13 %. Le deuxième tour a beaucoup plus de votants, avec 64 % de participation. Ce surcroît de votations permet au maire de Bucarest de gagner l’élection présidentielle avec 53,6 % des voix contre Georges Simion. En Roumanie, la gauche est considérée comme soutenant le gouvernement sortant, lui-même provenant d’élus de la période soviétique : elle n’était donc pas présente au second tour. Il n’y a toujours pas de gauche nouvelle sans attache avec la dictature communiste.

Il est à noter que ce pays a une diaspora très importante, comme l’Ukraine d’ailleurs, et que sa réalité sociologique, économique et politique n’a rigoureusement rien à voir avec les pays de l’Europe du Nord et de l’Ouest.

Pologne : poussée de l’extrême droite au premier tour de la présidentielle

Le premier tour de l’élection présidentielle a donné, avec une bonne participation pour la Pologne (67 %), une courte première place à Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie, soutenu par le Parti démocratique, social-libéral, pro-européen et la Plateforme civique, avec 31, 36 %.

Arrive en deuxième position l’historien Karol Nawrocki, du parti de l’extrême droite nationaliste Droit et justice, avec 29,54 %. Ce dernier s’inscrit dans le sillage du président sortant Andrzej Duda, qui ne peut pas se représenter. Mais Karol Nawrocki a le soutien pour le deuxième tour de deux candidats (Grzegorz Braun et Slawomir Mentzen), encore plus à droite que lui (21,15 % pour les deux) ; Slawomir Mentzen (14,81 %) a pour phrase fétiche, d’après Le Grand Continent (2019) : « Nous ne voulons pas des Juifs, des homosexuels, de l’avortement, des impôts et de l’Union européenne ».

Les autres principaux candidats éliminés du premier tour sont Szymon Holownia, candidat de Pologne 2050, journaliste démocrate-chrétien (4,99 %) et les deux candidats de gauche, Adrian Zandberg, du parti Razem (4,86 %), et Magdalena Biejat (la gauche, 4,23 %). À noter que les deux candidats de gauche ne totalisent pas 10 % des voix. Le deuxième tour sera très disputé. Tout dépendra de la participation ; les voix démocrates-chrétiennes et de gauche devraient soutenir la Plateforme civique.

Conclusion provisoire dans l’UE

La poussée de l’extrême droite continue donc dans l’UE et, avec ou sans accord, le nombre de voix de droite et d’extrême droite progresse fortement. La cause est que les politiques économiques et sociales des gauches ne sont pas très différentes des politiques des droites. Elles ne sont que moins pire. Et quand les gauches développent leurs différences principalement sur le sociétal en abandonnant le social et les couches populaires, comme l’a théorisé Terra Nova en 2011 dans le cadre de la politique future de François Hollande, les couches populaires se rassemblent de moins en moins autour de la gauche néolibérale.

Toute gauche qui voudra créer une alternative devra d’abord répondre aux besoins sociaux et économiques des couches populaires, qui représentent le groupe le plus nombreux dans tous les pays de l’UE. Dit autrement, on ne peut pas dire que nous avons le nombre si on ne rassemble pas d’abord les catégories populaires, qu’elles vivent en métropole, en banlieue, en zone périphérique ou en ruralité. Et ce n’est pas la radicalité en paroles qui joue, mais bien la prise en compte des besoins sociaux et économiques. Et dans ce cas, il convient d’étudier à fond les dossiers. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement. Mais cela ne suffira pas, il faudra aussi se préoccuper du rôle des traités, des directives et des politiques de l’UE qui impactent souvent de plus en plus dans le mauvais sens les situations locales et nationales.