Comment sortir de l’horreur du traitement des Palestiniens de Gaza aujourd’hui ?

You are currently viewing Comment sortir de l’horreur du traitement des Palestiniens de Gaza aujourd’hui ?
Mot paix écrit en arabe et en hébreu.

L’incapacité des gauches de penser une alternative à l’horreur, les derniers évènements, l’action de l’administration Trump, l’entame d’un début d’alternative à l’horreur du traitement des Palestiniens, prend à revers la pensée moraliste jusqu’ici coupée du réel. ReSPUBLICA se doit d’analyser ce basculement non dénué d’ailleurs d’embuches !

Sauf à faire coïncider la politique et la morale (étude du bien et du mal d’un fait coupé de son environnement concret, de ses causes et des priorités), ce qui nous empêche de comprendre le pourquoi des évènements, nous sommes bien obligés de dire que tout discours politique part de soubassements moraux à partir desquels la politique se doit de comprendre la ou les causes desdits évènements et d’essayer d’élaborer des solutions à ces derniers. Nous avons tenté à ReSPUBLICA, dans des dizaines d’articles(1)Vous avez cherché Proche-Orient – ReSPUBLICA., de donner notre position. Et même d’en faire l’historique depuis le 19e siècle(2)Proche-Orient : Partir du réel, pour combattre toutes les souffrances des peuples – ReSPUBLICA. pour mieux comprendre les enchaînements.

Nous avons, depuis longtemps, traité de la solution à deux États, de la reconnaissance de l’État palestinien (voir ci-dessus), etc. Nous répétons ici l’horreur devant toutes les souffrances des peuples palestinien et israélien. Horreur lors de l’assassinat de Yitzhak Rabin par un assassin de l’extrême droite juive, horreur du massacre de masse des centaines de responsables du Fatah perpétré par le Hamas à Gaza, horreur de la colonisation en Cisjordanie, horreur du massacre de masse du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas, horreur des conséquences des massacres de palestiniens dans la riposte organisée par le gouvernement d’extrême droite israélien.

L’horreur est due au fait que la direction du Hamas et le gouvernement Netanyahou sont tous les deux des associés-rivaux d’extrême droite qui provoquent des horreurs dans les deux peuples qu’ils sont censés servir.

L’horreur est due au fait que la direction du Hamas et le gouvernement Netanyahou sont tous les deux des associés-rivaux d’extrême droite qui provoquent des horreurs dans les deux peuples qu’ils sont censés servir. Nous avons également montré l’impuissance du droit international et l’impuissance de ceux qui n’ont que la locution « droit international » à la bouche. Et nous le déplorons. Mais cela démontre qu’un droit international ne peut survivre que s’il y a un accord minimal entre les grandes puissances du moment, ce qui n’est plus le cas. C’est donc l’horreur de la guerre. Répétons-le : nous le déplorons ! Mais déplorer, comme le déplorent aujourd’hui des manifestants tant en Israël contre leur gouvernement que dans tous les pays du monde, dont les manifestants ne supportent pas l’horreur promise aux Palestiniens, ne suffit pas à résoudre cette crise horrible.

Nous pensons que nous sommes au-delà de savoir si c’est un génocide ou pas, s’il y a un « dolus specialis » ou pas ; les historiens et les juristes continueront pendant de nombreuses années à argumenter sur ce sujet. Car les comparaisons entre tous les massacres de masse de l’histoire sans l’écoute des positions et des arguments, sans le calme pour avoir un débat raisonné et sans le temps du dit débat, sont illusoires. Oui, nous sommes dans une séquence où les grandes puissances sont occupées à des conflits d’une autre nature (conflits de classe, crise du profit, priorité commerciale, impérialismes), ce qui a pour conséquence un bouleversement des rapports internationaux et donc du multilatéralisme. Et les gauches n’ont pas encore trouvé la ligne stratégique de rupture pour résoudre, dans ce nouveau National Capitalisme Autoritaire (NCA), les tâches internationales nouvelles.

Dans ce monde sans régulation et sans principes universels efficients, qui ne connaît que le rapport de forces brut, sans droit international et avec un NCA de plus en plus agressif, c’est malheur aux faibles ! Mais nous devons avoir une doctrine pour ne pas en rester à la dénonciation du mal envers le bien. D’autant que, depuis le bombardement de la Yougoslavie par l’Otan sous décision uniquement étasunienne en 1999 sans aucun mandat international, nous vivons une multiplication de guerres locales de plus en plus meurtrières et avec l’implication des grandes puissances en soutien à leurs proxys sans mandat international.

Mais, comme répéter, c’est enseigner, nous réitérons l’idée d’Orwell selon laquelle, si des soubassements moraux sont nécessaires, les manifestations moralistes ne sont pas suffisantes pour régler un conflit. Voilà une première réponse à ceux qui nous disaient que nous n’avions pas encore exprimé notre horreur des récents conflits du Moyen-Orient.

Nous disons « des » et non « du », car la première difficulté d’analyse est l’intrication de plusieurs conflits : conflits intra-capitalistes depuis le 19e siècle, conflits judéo-arabes, conflits intra-musulmans entre chiites et sunnites, conflit intra-sunnites entre Frères musulmans et wahhabites, conflits intra-judaïques, conflits entre le primat des intégrismes religieux et des luttes nationales, conflits inter-impérialistes, conflits entre séculiers et athées d’une part et intégrismes religieux d’autre part et, dernièrement, conflits entre les associés-rivaux du sionisme exterminateur de l’extrême droite israélienne et l’intégrisme exterminateur des Frères musulmans (qui sont capables, avec la taqîya, de passer de doux agneaux aux massacres individuels et de masse suivant leur tactique du moment).

Voilà pourquoi ces conflits s’éternisent, car les puissants de ce monde ne s’intéressent pas toujours à l’holistique et se déterminent souvent en fonction uniquement de leurs intérêts immédiats. Voilà pourquoi les éléments de puissance sectorielle étasunienne peuvent régler une part de ces conflits, mais pas la totalité. Les conflits du Moyen-Orient continueront encore longtemps. Ils continueront jusqu’à ce que l’entièreté de ces conflits trouve une issue par des phases successives d’application d’une logique rationnelle concrète (et non abstraite selon uniquement les croyances moralistes).

Mais notre internationalisme profond déclare, comme Jean Jaurès, qu’« un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène »(3)La citation de Jean Jaurès entre dans une des structures de la pensée, comme d’autres locutions, à l’instar de : « plus je m’éloigne, plus je raccourcis mon chemin » (Sonia Lahsaini) ; « le confort, ça éloigne les gens » (Cédric Zaroukian) ; « plus l’homme s’éloigne de ses semblables et plus sa liberté s’élargit, un ami proche est plus utile qu’un frère éloigné » (Taha-Hassine Ferhat) ; « on s’éloigne de l’appréciation des choses en passant par la monnaie pour en mesurer la valeur » (Zohra Ramdane) ; « la culture capitalistique… a entraîné le développement de pathologies spécifiques. Elle a rendu les uns structurellement avares et cyniques, les autres blasés et cupides » (Alain Deneault dans La médiocratie) ; « ce qui s’éloigne dans l’espace rapetisse et ce qui, par contre, s’éloigne dans le temps grandit. C’est à peu près la seule manière dont l’Espace-Temps nous montre son double visage » (Jean Cocteau) ; « on a d’autant plus de prise sur ce monde qu’on s’en éloigne, qu’on n’y adhère pas. Le renoncement confère un pouvoir infini » (Cioran) ; « si tu retiens celui qui s’éloigne, tu pourrais barrer le chemin à celui qui veut se rapprocher » (Jung) ; « tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout » (Nicolas Machiavel).

Revenons alors aux solutions immédiates

D’abord, développer une culture internationale anti-guerre en demandant l’arbitrage du Conseil de Sécurité sur l’ensemble des conflits. Cela n’est possible concrètement que s’il y a un accord des grandes puissances bénéficiant d’un veto. Loin des « émotions », « des poses » et des projets irréalistes qui foisonnent, le peuple palestinien de Gaza a besoin de sortir de la tragédie guerrière le plus vite possible. Sur le conflit israélo-palestinien, d’abord prioriser un accord de libération de tous les otages israéliens contre des prisonniers palestiniens, selon la méthode Mandela. Cette phase devrait être faite dans les heures qui viennent. Enfin, la seule solution concrète est de partir de la position « deux peuples, deux États » sur les frontières de 1967 avec des échanges de territoires éventuels, tel que le suggère Amin Ayalon, ancien dirigeant du Shin Beit, dans sa nouvelle proposition parue en septembre 2025 dans Foreign Affairs.

La seule solution concrète aujourd’hui pour que vive le peuple de Gaza est la suivante : il faut, d’une façon ou d’une autre, éradiquer du pouvoir les associés rivaux des exterminateurs de l’extrême droite israélienne et de l’intégrisme du Hamas. Pour cela, après une période de transition courte, il faut rétablir le pouvoir de l’Autorité palestinienne sur la bande de Gaza, qui l’administrerait politiquement et civilement avec l’assistance de l’armée égyptienne sur le plan sécuritaire.

Bien évidemment, l’autorité palestinienne devra, durant la courte séquence qui courra depuis la signature concrète de l’accord jusqu’à sa prise de fonction, supprimer les corruptions endémiques qui la traversent. L’armée égyptienne serait en possibilité de donner des gages de sécurité à Israël, les deux pays ayant un traité de paix depuis 1978. Car l’Égypte peut assumer la responsabilité de désarmer les Frères musulmans du Hamas pour les empêcher de reprendre leur terrible dictature islamiste sur ce territoire arabe de Palestine. Un fonds international serait fourni à l’Autorité palestinienne et à son soutien sécuritaire assuré dans une phase transitoire par l’Égypte. Une date d’élection dans la bande de Gaza et en Cisjordanie serait fixée à moyen terme. L’armée israélienne serait chargée de faire respecter l’accord en Cisjordanie par les colons, y compris par les méthodes utilisées lors de l’évacuation des colons de Gaza en 2005.

Cette proposition de bon sens doit régler plusieurs difficultés. La plus importante est le changement de direction israélienne (la prochaine élection est prévue à l’automne 2026 avec des sondages actuellement favorables au changement). La deuxième est que l’administration américaine et ses alliés des pétromonarchies du Golfe acceptent également ce type d’accord en le parrainant financièrement. D’autant que le volume des capitaux flottants des pétrodollars du Golfe fait partie, indirectement, des causes, puisqu’ils participent aux guerres inter-impérialistes sur l’ensemble du globe. La troisième est que cet accord soit explicitement accepté par le Pakistan, l’Arabie saoudite et le Qatar, soit pour des raisons géopolitiques, soit pour des raisons financières. Car tous les analystes sérieux savent que le Qatar possède la plus grande base américaine dans cette partie du monde, ce qui en fait un allié incontestable, et qu’il constitue le financier principal des Frères musulmans du Hamas : ainsi, l’influence étasunienne sur le Qatar peut être efficace. On mesurera là la « légèreté » de la partie de la gauche française qui fit la faute politique de ne pas critiquer le Hamas comme adversaire.

Cependant, le processus sera encore long et nous espérons que les gauches reprendront la voie de notre internationalisme jaurésien.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Vous avez cherché Proche-Orient – ReSPUBLICA.
2 Proche-Orient : Partir du réel, pour combattre toutes les souffrances des peuples – ReSPUBLICA.
3 La citation de Jean Jaurès entre dans une des structures de la pensée, comme d’autres locutions, à l’instar de : « plus je m’éloigne, plus je raccourcis mon chemin » (Sonia Lahsaini) ; « le confort, ça éloigne les gens » (Cédric Zaroukian) ; « plus l’homme s’éloigne de ses semblables et plus sa liberté s’élargit, un ami proche est plus utile qu’un frère éloigné » (Taha-Hassine Ferhat) ; « on s’éloigne de l’appréciation des choses en passant par la monnaie pour en mesurer la valeur » (Zohra Ramdane) ; « la culture capitalistique… a entraîné le développement de pathologies spécifiques. Elle a rendu les uns structurellement avares et cyniques, les autres blasés et cupides » (Alain Deneault dans La médiocratie) ; « ce qui s’éloigne dans l’espace rapetisse et ce qui, par contre, s’éloigne dans le temps grandit. C’est à peu près la seule manière dont l’Espace-Temps nous montre son double visage » (Jean Cocteau) ; « on a d’autant plus de prise sur ce monde qu’on s’en éloigne, qu’on n’y adhère pas. Le renoncement confère un pouvoir infini » (Cioran) ; « si tu retiens celui qui s’éloigne, tu pourrais barrer le chemin à celui qui veut se rapprocher » (Jung) ; « tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout » (Nicolas Machiavel).