Des conditions de la résolution du conflit Israélo-Palestinien

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Mur israélo-palestinien côté Palestine, entre Yérushalaim et Beitlehem. © JDesplats

Quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. 

Alexis de Tocqueville.

Ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre.

Albert Einstein

On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré.

Albert Einstein

La résolution des conflits nécessite une méthodologie rationnelle

Le monde croule de conflits non résolus. Pour comprendre cela, il suffit de lire les phrases précédentes et d’utiliser sa raison si votre habitus vous le permet. Sinon, vous devrez attendre les évènements matériels, qui pourront être violents et non souhaitables, qui vous permettent de sortir de votre habitus. Et là encore, conviendra-t-il d’utiliser sa raison. Et ainsi de suite…

Bien sûr, les émotions et les morales sont humaines, mais les mettre au poste de commande de l’action politique diminue fortement les chances de sortir des ténèbres au sens de Tocqueville.

D’abord, la mère de tous les conflits, la lutte des classes, constamment menée par la classe des exploiteurs au pouvoir et qui obligent les exploités de se défendre voire de prendre à leur tour le pouvoir. Et ainsi de suite…

Quant à tous les autres conflits très nombreux, ils peuvent être résolus que sous certaines conditions liées à la géographie, à l’histoire des conflits non résolus, mais qui évoluent en fonction des rapports des forces et des capacités des groupements humains à saisir par la raison une analyse juste du réel.

Force est de constater que la solution des conflits israélo-palestiniens fait partie de ceux-là. Pour engager notre propos, nous partirons d’un conseil de Jean Jaurès : « Partir du réel pour aller vers l’idéal ». Mais nous prenons ce propos au premier degré. Nous nous opposons donc à toutes les propositions idéalistes, c’est-à-dire de vouloir proposer un idéal sans analyse préalable du réel ou même sans une analyse complète du réel. Une analyse partielle du réel ne suffit pas. C’est toute la difficulté de faire une proposition qui émancipe. Il va sans dire que le réel n’est pas ce que l’on voit ou ce que l’on ressent. Sinon, la personne assise au milieu d’un grand champ toute la journée par beau temps voit bien la terre plate et le soleil tourner autour de la terre, cette dernière vue immobile.

Un rappel historique nécessaire

Qui était là le premier ? Quelles sont les origines du conflit israélo-palestinien ? Israélo-palestinien et, ou israélo-arabe ?

Lecteur de Tocqueville, nous proposons de commencer par l’histoire. Qu’avons-nous compris ? Les discours de nombreux protagonistes s’appuient sur des histoires mythifiées bien loin du réel. Alors, nous allons proposer et essayer notre analyse du réel.  Du débat, pourra surgir, si nous restons dans le champ de la raison raisonnante, une voie pour aller vers l’idéal. Nous allons présenter la partie de l’histoire jusqu’en 1948 puis nous serons plus succincts sur la suite, car probablement mieux connue de nos lecteurs. Un premier but est de montrer que l’on ne peut pas comprendre le conflit israélo-palestinien sans remonter aux causes qui partent d’après nous au moins au XIXe siècle.

En dernier lieu, pour bien comprendre la suite, il faut penser tous ces conflits et guerres se passent dans un territoire grand comme un confetti, Israël étant moins grand que la Sardaigne.

Au départ n’était pas le verbe, mais la formation de deux nationalismes dès le XIXe siècle et le début du XXe siècle

Tout d’abord, nous pouvons dire que des communautés juives et arabes ont toujours vécu en Palestine depuis 2500 ans au moins. Par exemple, lors des exécutions liées à la croisade de Geoffroy de Bouillon en 1099, nous pouvons lire dans Wikipédia que Juifs et Chrétiens ont pu être massacrés dans leurs lieux de culte respectifs !

Au XIXe siècle, toute la région est sous domination turque. Une vieille communauté juive séfarade et des communautés arabes étaient établies en Palestine dans un monde agricole pratiquant les usages collectifs de la terre et le droit de vaine pâture. L’arrivée du capitalisme et de la propriété individuelle a bouleversé tout cela et favorisé la création d’un prolétariat et de grandes propriétés foncières. Le nationalisme arabe se développe d’abord face aux mesures ottomanes de « turquification » et parce que les métayers arabes voient des propriétaires juifs décidés à cultiver eux – mêmes les parcelles qu’ils ont acquises à d’anciens propriétaires absents. Dans cette période les juifs ashkénazes d’Europe de l’Est subissaient des pogroms et des discriminations de toutes sortes. En réaction un nationalisme juif a pris naissance à la fin de ce XIXe siècle. Ce sionisme était composé d’une multitude d’organisations de toutes natures (de droite, d’extrême droite, de gauche, religieux ou pas).  Cependant ce nationalisme juif était minoritaire dans les communautés juives d’Europe de l’Est qui représentaient les 2/3 du judaïsme mondial. La majorité luttait contre le racisme et l’injustice, mais souhaitait une amélioration dans les pays concernés.

Pour la gauche, l’entrée dans les partis de gauche puis dans les partis communistes d’une part et au Bund (parti ouvrier juif, qui est entré puis sorti du parti ouvrier social-démocrate de Russie, (POSDR) qui s’est scindé ensuite entre bolcheviks et mencheviks), étaient fréquentes.

En conséquence des pogroms contre les juifs dans toute l’Europe de l’Est, l’idéologie sioniste se développe. Cette immigration des Juifs en Palestine est plutôt bien acceptée dans un premier temps par les Arabes, mais rencontre assez vite l’hostilité des Arabes de Palestine.

La Première Guerre mondiale bouleverse la donne, car les Ottomans prennent fait et cause pour les pays de l’Axe (Allemagne, Autriche et Japon). Les Juifs sont martyrisés par les Ottomans. L’accord Sykes-Picot du 16 mai 1916 signé par Paul Cambon et Edward Grey, envisage le partage de l’Empire ottoman entre la France et la Grande-Bretagne et internationalise la Palestine sans donner de statuts au territoire sauf les ports de Saint-Jean d’Acre et de Haïfa qui sont donnés aux Britanniques. Paris et Londres soutiennent le Chérif de la Mecque Hussein qui se voit porte-parole de la « Nation arabe ».

La Société des Nations (SDN) créée au lendemain de la Première Guerre mondiale donne mandat au Royaume-Uni sur la Palestine le 24 juillet 1922. Les Britanniques instrumentalisent le mouvement sioniste en lançant un « foyer national juif » en Palestine qui se concrétisera par la déclaration Balfour (le 2 novembre 1917, faite « au nom du gouvernement de sa Majesté ») refusée par les arabes et contestée par une partie des élites britanniques et par la commission américaine déléguée par le président Wilson.

Le mouvement national palestinien se structure à la sortie de la Première Guerre mondiale en excluant les Juifs de Palestine à un moment où de nombreux Juifs n’étaient pas favorables au projet sioniste.

Un traité de paix signé avec la Turquie le 10 août 1920 à Sèvres. Il est remplacé par le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923 qui avalise les accords Sykes-Picot, les accords de San Remo, la déclaration Balfour, le mandat britannique sur la Palestine et l’Irak et le mandat français sur la Syrie et le Liban. Les sionistes ont leur première victoire historique et les arabes se sentent trahis, car ils ne sont pas récompensés de la « révolte arabe » contre les ottomans de 1916 ! De plus, le général Guiraud déloge Fayçal lors de la prise de Damas en juillet 1920. Les deux nationalismes arabe et juif sont constitués avec les conséquences des évènements avec de nombreux protagonistes, dont 3 pays occidentaux et les communautés locales. Les taux d’alphabétisation sont de 25 % pour les hommes musulmans, 72 % pour les chrétiens et 92 % pour les juifs.

L’entre-deux guerres mondiales pour les deux nationalismes arabe et juif

L’entre-deux guerres mondiales est marqué d’abord par le conflit entre le mandataire britannique, le nationalisme arabe, et le nationalisme juif pour cause de refus de la déclaration Balfour des Britanniques. L’immigration juive en Palestine se poursuit. La Haganah (la Défense), organisation militaire clandestine, qui sera la matrice de l’armée israélienne à la création de l’État d’Israël en 1947, est créée en 1920 pour défendre les Juifs contre les attentats dont ils sont victimes. Des membres, la trouvant trop timide, feront dissidence en 1931, et créeront l’Irgoun qui se scindera avec la création du Groupe Stern qui deviendra le Lehi (Combattants pour la liberté d’Israël). Ces organisations clandestines, en particulier l’Irgoun, le Groupe Stern (qui deviendra le Lehi), seront à l’origine de nombreux attentats, ce qui entraînera une répression souvent violente de la part des autorités « occupantes » britanniques.

Des pogroms anti-juifs ont lieu à Jérusalem les 4 à 7 juin 1920 (6 juifs, 200 blessés et des femmes violées) et à Jaffa en mai 1921 (13 assassinats, 26 blessés). Puis, à Tel-Aviv, Petah Tikva, Hadera et Rehovot, 50 tués juifs et 50 arabes tués arabes. Les zones d’habitation mixtes se raréfient. Les émeutes de 1929 font 23 morts à Haïfa (23 morts) et 67 juifs ultra-orthodoxes sont assassinés à Hébron. Au total, 133 juifs et 116 arabes sont tués.

Seules les luttes syndicales sur la question sociale unifient juifs et arabes comme dans la grève des chauffeurs en 1931 et des dockers en 1932. Mais pas de syndicat commun. Le grand mufti de Jérusalem tente d’islamiser le nationalisme arabe.

Londres après avoir publié nouveau livre blanc en octobre 1930 refusant les nouvelles implantations juives, décide en début 1931 d’annuler ses recommandations. Contentement puis colère dans le nationalisme arabe. Colère puis contentement dans le nationalisme juif. Après la grève générale politique du 13 octobre 1933, le processus d’islamisation du nationalisme arabe se développe jusqu’au premier épisode insurrectionnel dirigé par Ezzedine al Qassam le 12 novembre 1935 contre les Juifs et les Anglais.

En 1939, la population arabe est de 1 070 000 et celle des Juifs 460 000. Les Juifs sont hébréophones à 95 % en 1939 alors qu’ils l’étaient à 40 % en 1914. La rupture entre la majorité des Juifs socialistes et de l’extrême droite de Jabotinsky est effective en 1935. Les émeutes arabes de 1936 et la grève générale de 176 jours, soutenues par l’Italie et l’Allemagne, poussent à la militarisation de la Haganah en une armée offensive. Malgré cela, le PIB palestinien est en forte expansion et le niveau de santé fait un gap prodigieux notamment par la baisse de la mortalité infantile.

Le Plan Peel en 1937 propose la création de deux États. Il est refusé par la partie arabe, est très contesté par la partie sioniste, mais Ben Gourion déclare que c’est une première étape et emporte le vote au XXe congrès sioniste de Zurich. L’échec du Plan Peel déclenche une rébellion arabe en 1937-1938 qui tue 77 soldats anglais, 255 Juifs et environ un millier d’Arabes sur l’année 1938. Un nouveau livre blanc de 1939 est un échec par le refus des Juifs à une restriction de l’immigration, mais aussi par le refus du haut comité arabe.

Puis, le grand mufti de Jérusalem demande le soutien d’Hitler à la cause arabe. Celui-ci accorde son soutien et devient alors adversaire du sionisme. Fin 1939, 120 policiers anglais, 520 juifs et environ 6000 Arabes sont tués. Mais, d’après le journaliste Issa Al Issa, arabe chrétien, une partie des arabes tués l’ont été par des mains arabes partisans du soulèvement contre d’autres Arabes des « milices pour la paix ».

Conclusion de ce paragraphe : le conflit israélo-arabe n’a pas commencé en 1948 !

Pendant la Deuxième Guerre mondiale

La nouvelle géopolitique mondiale de cette guerre est totale sur toute la planète. L’aviation italienne bombarde Tel-Aviv, les alliés et la Haganah combattent l’armée française de Vichy. Le 10 août 1942, Winston Churchill et Averell Harriman, coordonnateur de l’aide alliée rencontre en Union soviétique Staline et Molotov pour ravitailler l’armée rouge.

Hitler reçoit l’ex-grand mufti de Jérusalem devenu pronazi et Hitler l’assure par un compte-rendu officiel qu’il est opposé au foyer national juif en Palestine. Une minorité de la population arabe de Palestine s’engage néanmoins dans l’antinazisme comme la famille Nashashibi et le maire de Naplouse. La ligue arabe est fondée en octobre 1944 et sa charte est signée le 22 mars 1945. Une brigade juive est incorporée dans la 8e armée anglaise dans la remontée de l’Italie. Londres arrête l’immigration juive en Palestine en 1939. Ben Gourion se tourne alors vers les Etats-Unis à l’automne 1940.

Le retour du conflit dans la séquence 1945-1950

Les conflits s’exacerbent entre les Juifs et les Anglais qui ripostent par une répression sanglante comme le 29 juin 1946 en lançant une action d’éradication de la Haganah et de l’Agence juive. Devant ce regain de tension, la gauche sioniste (la Haganah) joue l’apaisement, la droite sioniste de l’Irgoun décide de dynamiter le QG anglais en Palestine. 338 anglais périssent de 1944 à 1948. La Haganah pourchasse l’Irgoun et le groupe Stern. L’arrivée du navire Exodus en même temps que le Comité spécial de l’ONU en Palestine (UNSCOP) est une victoire communicationnelle malgré le refus anglais. Les représentants arabes remettent un mémorandum à l’UNSCOP le 20 juillet 1947 que l’État d’Israël reprendra de manière inversée après l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 ; « À un État établi par la violence, les États Arabes seront obligés d’opposer la violence : c’est le droit légitime de tout être qui se défend ».

L’Union soviétique de Joseph Staline est le seul vainqueur de la Deuxième Guerre mondiale à soutenir avec détermination le nationalisme juif, notamment par l’intervention de Gromyko le 14 mai 1947 à l’AG de l’ONU. Les États-Unis se préoccupent plus du pétrole saoudien. Le général Marshall déclare que le maintien d’un État juif est « contraire à l’intérêt national américain ». Le 29 novembre 1947, l’AG de l’ONU vote : 33 pour la création d’un État juif et le partage de la Palestine (dont la France), 13 contre, 10 abstentions. La guerre entre les Juifs et les Arabes palestiniens se développent sur la fin du mandat britannique jusqu’au 14 mai 1948, jour de la Déclaration d’établissement de l’État d’Israël par David Ben Gourion. Jusqu’à l’invasion, le 15 mai 1948, les contingents des pays arabes n’interviennent pas.

Mais la partition proposée par l’ONU fait que 100 000 juifs sont encerclés à Jérusalem sans ravitaillement et liens avec la partie juive du schéma de partage. La Haganah déclenche alors une offensive le 6 avril avant l’arrivée des contingents des pays arabes pour désenclaver Jérusalem. Cette offensive est victorieuse, mais de nombreux massacres de masse ont lieux notamment perpétrés par l’Irgoun et le Lehi (ex-groupe Stern) avec leurs lots de représailles. Des centaines de milliers de Palestiniens fuient le territoire de l’ex-zone mandataire de Palestine et des centaines de milliers de Palestiniens deviennent des réfugiés. Et le haut comité arabe refuse de proclamer l’État arabe de Palestine, car il ne veut pas accepter le partage.

Suit la guerre israélo-arabe à partir du 15 mai 1948 avec les contingents des pays arabes environnants. La victoire israélienne augmente les circuits migratoires. De nouveau des centaines de milliers de Palestiniens fuient les zones de combats ou sont expulsés, des centaines de milliers de Palestiniens deviennent des réfugiés et des centaines de milliers de Juifs (principalement issus des pays arabes environnants, mais aussi des rescapés de la Shoah en Europe de l’Est) arrivent en Israël.

L’abandon des Palestiniens par toutes les parties prenantes du conflit israélo-arabe

Les désaccords entre les pays arabes et notamment entre l’Égypte et la Jordanie vont diviser le camp arabe et renforcer le nationalisme palestinien. Le 23 septembre 1948, l’Égypte convoque avec l’accord de la Ligue arabe un congrès arabe palestinien qui proclame l’indépendance de la Palestine arabe dépendant du Caire. En réaction, la Jordanie convoque un premier « Colloque palestinien » à Amman puis un deuxième à Jéricho le 1er décembre 1948 avec 3 000 délégués qui votent le rattachement de la Palestine arabe à la Transjordanie. Puis un troisième congrès le 28 décembre pour confirmer le second. Un accord d’armistice est signé entre la Jordanie et Israël le 3 avril 1949.

Les autres pays arabes limitrophes font de même. L’abandon des Palestiniens est avéré. Israël pousse les frontières vers le Néguev et Eilat sur la mer Rouge. L’Égypte annexe Gaza. Les États arabes (excepté la Jordanie) refusent d’intégrer les réfugiés. L’ONU déclare par sa résolution 194 le droit au retour des réfugiés. Israël refuse. Israël accepte le retour de 100 000 réfugiés contre un traité de paix, traité refusé par les Etats arabes qui refusent également la résolution 194 parce qu’ils refusent le partage de l’ONU.

Résumé de la suite de l’histoire jusqu’à la fin du siècle

Suit une guerre des frontières avec de nombreux massacres. Puis la guerre de 1956. Création du Fatah en 1959 au Koweït. Puis la création de l’Organisation de libération de la Palestine le 28 mai 1964 à Jérusalem. Puis la guerre de 1967. Puis le 17 septembre 1970, massacre de militants du Fatah et du Fplp par les commandos bédouins du roi Hussein de Jordanie (plusieurs dizaines de milliers de morts). Puis les premières implantations des colons israéliens en Cisjordanie en juillet 1967. Le 5 septembre 1972, onze athlètes israéliens sont abattus aux Jeux olympiques de Munich par des membres de l’organisation palestinienne Septembre noir.

Puis vint la guerre de 1973. 17 mai 1977, arrivée de la droite au poste de Premier ministre d’Israël avec Menahem Begin. Israël légalise la Confrérie des Frères musulmans à Gaza dirigé par le Cheikh Yassine. 26 mars 1979, traité de paix entre Israël et l’Égypte dirigé par Sadate. 14 décembre 1981, annexion du Golan par Israël. Guerre du Liban en 1982. Massacre des Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila le 18 septembre, par les milices chrétiennes phalangistes, sous la protection de l’armée israélienne, lors de cette guerre civile libanaise avec intervention israélienne au Liban. Selon les estimations, le massacre fit entre 460 et 3 500 victimes.

L’organisation internationale secrète des Frères musulmans, le Tanzim al-dawli, est créée le 29 juillet 1982. À la suite du déclenchement de l’Intifada du 8 décembre 1987, le cheikh Yassine crée le Hamas. L’islamisation du nationalisme arabe (qui faisait cohabiter les chrétiens et les musulmans) est alors en marche. Les accords d’Oslo sont signés en septembre 1993. Le 26 octobre 1994 est signé un traité de paix entre Israël et la Jordanie. Yitzhak Rabin, qui avait le projet d’un accord de paix israélo-palestinien, est assassiné le 5 novembre 1995 par un militant d’extrême droite israélien qui répondait aux appels au meurtre proférés par ceux qui allaient remplir les postes du gouvernement de Benyamin Netanyahu en 2023. Cet assassinat a cassé pour des décennies les chances d’accord dans le conflit israélo-palestinien.

Plus généralement les premiers « tueurs de palestiniens » dans les 50 dernières années furent certainement les Libanais pendant la guerre
civile (largement plus de 100 000 morts sur les 500 000 morts… mais qui se souvient encore de Tal El Zaatar ?). Puis viennent les Syriens. Sur
plusieurs périodes. Mais encore récemment en 2018 les camps palestiniens autour de Damas furent encerclés par les troupes d’Assad et du Hezbollah. La population mourut… de faim au sens propre du terme par milliers, tout cela dans l’indifférence générale. Bref simplement depuis le début de la guerre civile en 2011 en Syrie (autour de 600 000 morts) plus de 100 000 Palestiniens furent aussi tués.

Et avec une histoire sur 150 ans que nous venons de résumer dans ce court article, nous pouvons éliminer d’entrée de jeu, deux scenarii, celui d’une Palestine Laïque et sociale à court terme et celle de l’éradication complète de l’un des protagonistes. La première parce que les ressentiments sont trop forts, la deuxième parce que la géopolitique ne l’acceptera pas. Alors, quelle perspective ?

Les associés–rivaux dans l’actuel conflit israélo-palestinien

Pour résoudre ce conflit, il n’y a pas d’autres possibilités que d’entrer dans un processus holistique de résolution d’une part de la question palestinienne et d’autre part des questions en suspens du conflit israélo-arabe non résolues depuis 150 ans ! Vu l’accumulation des traumatismes depuis aussi longtemps, vu la sédimentation des haines accumulées, toute initiative pour résoudre le problème par la vengeance, l’émotion et la morale est vouée à l’échec. Nous croulons d’articles fondés sur des jugements moraux de plus en plus radicaux. Nous disons que ces articles n’auront aucune utilité pour résoudre ces conflits. Nous préférons des articles soumis au débat qui analyse le réel pour aller vers l’idéal selon la locution jaurésienne. Mais cet idéal devra passer par des étapes.

Dit autrement, comprendre le présent, définir un objectif qui n’est que le bout du chemin et enfin proposer le chemin pour y parvenir. Nous espérons que cet article contribuera au débat raisonné. Et pour ceux qui en sont arrivés à ce paragraphe de l’article, ils ont lu que ce chemin doit prendre en compte l’action du capitalisme, des impérialismes, des différentes géopolitiques qui ont influé dans ce dossier. Mais aussi de belligérants locaux. Et de ce point de vue, c’est de pis en pis.

En fait, du côté palestinien, on est passé du nationalisme arabe au nationalisme arabe palestinien, puis au nationalisme palestinien à la suite de l’abandon des Palestiniens par les pays arabes. Les échecs de ces nationalismes ont permis l’islamisation du mouvement palestinien jusqu’à être instrumentalisé par la Confrérie des Frères musulmans, qui est l’une des branches de l’islam politique.

Du côté juif, ont été renforcés deux nationalismes, d’abord un nationalisme juif d’extrême droite, massif, mais aussi un nationalisme juif messianique. La majorité de Benyamin Netanyahu aux élections de la fin 2022 est due à l’alliance complète de ces deux derniers nationalismes largement soutenus par les ultra-orthodoxes de deux rites séfarade et ashkénaze, tant que leurs privilèges sont conservés. Une incise démographique montre que le fait que toute famille ultra-orthodoxe a entre 5 et 10 enfants, leur renforcement n’est pas sans effet sur les rapports de force politique interne.

La poussée du Hamas d’une part et d’un gouvernement d’extrême droite décidée d’accélérer la colonisation de la Cisjordanie en font des associés rivaux. Tous les deux sont pour l’éradication de l’autre. Toute action de l’un renforce l’autre. Tant qu’ils auront leurs mains sur les manettes de la région, nous avons la conviction que le dossier empirera, que les massacres deviendront de plus en plus insupportables.

Du côté palestinien, L’autorité palestinienne de Mahmoud Abbas est corrompue et ultra-bureaucratique. Elle n’a plus le soutien populaire. Elle n’a plus de stratégie. Sans doute, l’ancienne proposition de Yossi Beilin, ancien ministre israélien et un temps leader du Meretz, et co-responsable avec Yasser Rabbo de l’Appel de Genève, de libérer Marwan Bargouthi, très populaire chez les palestiniens, que certains présente comme un possible « Mandela palestinien », serait peut-être à tester. 

La nouvelle géopolitique issue du conflit Russie-Ukraine est défavorable à une résolution rapide du conflit israélo-palestinien. L’UE n’existe pas dans ce conflit actuellement. Le président Macron est un excellent acteur de la société du spectacle pour que rien ne change.

Seuls, les nationalistes messianiques ont une stratégie (le grand Israël et Kook et Elitzer comme prophètes) et une équipe capable d’agir en fonction de cette stratégie. Les ultra-orthodoxes ont une stratégie (une dizaine d’enfants par femme et l’exigence de privilèges inadmissibles). Les nationalistes d’extrême droite ont une stratégie, celle du racisme anti-palestinien. La gauche israélienne n’a pas de stratégie, elle n’a même pas été capable de comprendre le réel après l’assassinat de Yitzhak Rabin. À commencer par Perez et tous ses successeurs.

Comme l’incapacité des dirigeants socialistes français incapables de comprendre la situation après l’assassinat de Jaurès.

Permettre à Kook et Elitzer d’être les prophètes modernes pour la jeunesse politiquement opérative sans leur opposer une stratégie alternative. Où est la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle en Israël et dans le monde juif ?

Qu’a fait la gauche israélienne après l’assassinat de Rabin ? Ils ont nommé Perez, ils ont mis l’assassin en prison et ils ont baptisé l’ex-place des rois place Rabin et ils ont cru que la morale et l’émotion pouvaient remplacer la politique.

Des manifestations propalestiniennes pullulent sur toute la planète

Mais sans jamais développer la moindre stratégie et la moindre perspective. Que de l’émotion et de se persuader que l’on est le camp du bien. Comme après les massacres de masse du Bataclan ! Le racisme antijuif et antimusulman se développe de façon rapide et forte.

Comme le disait Friedrich Engels « on ne peut pas faire bouillir les marmites de l’avenir ». Mais force est de constater que pour l’instant, ce sont ceux qui ont une stratégie qui avancent. Mais dans le sens inverse du côté émancipateur.

L’ensemble des gauches, israéliennes, palestiniennes, françaises et partout dans le monde est le dos au mur. Oui il faut ouvrir une perspective, mais pas avec la vengeance, l’émotion et la moraline en bandoulière. Nous avons donné des perspectives dans un article récent (« Refusons le terrorisme du Hamas et l’injustice faite aux arabes palestiniens ») où nous avons fixé un objectif lointain (2 peuples, deux États et la décolonisation) avec des revendications plus immédiates (libération des otages, cessez-le-feu, etc.). Même si nous sommes conscients que de part et d’autre, les directions politiques capables de tenter cette perspective n’existent pas encore. Car cela ne peut pas être engagé avec les associés rivaux actuels ni avec Mahmoud Abbas, largement déconsidéré auprès des Palestiniens, et donc il est nécessaire que la partie palestinienne et la partie juive dégagent d’autres représentants. En ce qui concerne Israël, si les derniers sondages se maintiennent (76 % contre Benyamin Netanyahu), une porte est entrouverte !

Nous vous proposerons ultérieurement un article sur le mouvement nationaliste arménien et le mouvement nationaliste azéri qui montrera également qu’ils deviennent des associés-rivaux racistes et de plus en plus nationalistes.

Reste qu’il faut que les paroles de Tocqueville et d’Einstein placées en tête de cet article soient dans la tête de tous les négociateurs et acceptée par les peuples palestinien et israélien. Belle bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle, n’est-il pas !