Manifestations anti-Hamas à Gaza

You are currently viewing Manifestations anti-Hamas à Gaza
Mot paix écrit en arabe et en hébreu.

L’immense solitude d’un peuple

Ils avancent en cortège au milieu des gravats des immeubles démolis. La procession progresse lentement dans un chaos de ruines. Mille voix crient leur colère contre la guerre, les destructions et le pouvoir qui les opprime, en premier lieu le Hamas. Nous sommes à Beit Lahia, au nord de Gaza. La ville a été littéralement aplatie par l’artillerie israélienne. L’image est saisissante, elle provoque l’empathie. 18 mois de guerre n’empêchent pas le peuple de Gaza de manifester à visage découvert pour exiger la dignité dont il est privé depuis presque vingt ans déjà. La dignité d’un peuple martyrisé, mais en marche.

« Hamas terroriste ! »

Les slogans sont clairs et sans ambiguïté : « Hamas terroriste ! », « Dehors le Hamas, allez à Téhéran ! », « Libérez les otages ! ». En hurlant ces mots d’ordre, les manifestants mettent leur vie dans la balance. Ils sont filmés par les smartphones, ils ne se cachent pas. Ils savent que les miliciens liquidateurs peuvent les retrouver très facilement. Ils vont même au-devant des caméras pour exprimer leur dégoût des islamistes du Hamas et du Djihad islamique. Dès qu’un micro apparaît, les manifestants parlent, ils comprennent parfaitement la situation dramatique dans laquelle ils survivent. Ce jour-là, le 25 mars, un homme est allé jusqu’à donner son nom à la chaîne américaine CNN : il s’appelle Abu Ziad. Voilà ce qu’il a dit : « Nous sommes opprimés par l’armée d’occupation (israélienne) et nous sommes opprimés par le Hamas ». Puis il a ajouté : « Le Hamas a lancé l’opération du 7 octobre, et aujourd’hui nous en payons le prix ». Il faisait référence aux attaques du groupe islamiste contre Israël en 2023, qui ont fait en deux jours plus de 1 200 morts et qui ont conduit à la guerre. Une lucidité absolue sur les causes du désastre et sur la tenaille qui les enserre.

De la résistance passive à la résistance active 

Depuis le 24 mars, des manifestations se déroulent tous les jours à Beit Lahia, mais aussi à Jabaliya ou encore à Deir Al Balah. Combien sont-ils ? D’après l’agence Associated Press (AP), plusieurs milliers, mais le nombre exact est difficile à estimer. 

Est-ce un mouvement d’humeur, une irruption inattendue ? Absolument pas. Depuis des mois le feu couvait, mais personne ne voulait le voir… Nous y reviendrons. Le mouvement anti-islamiste adoptait la forme d’une résistance passive. La preuve éclatante en a été la très faible participation des Gazaouis aux « spectacles » morbides organisés par le Hamas et le Djihad islamique pour la libération des otages israéliens. La foule semblait importante, mais c’était un effet d’optique, une prise de vue à hauteur d’homme des cameramen de l’organisation. Les multiples images des drones au-dessus de ces rassemblements révèlent une présence de quelques centaines de personnes, voire d’un petit millier tout au plus. Une catastrophe pour le Hamas, qui avait pourtant promis la distribution de denrées alimentaires pour tous les participants. Avant la guerre, cette organisation pouvait mobiliser sans problème 100 000 personnes pour un rassemblement dans la ville de Gaza. Mais, début 2025, personne ou presque n’est venu assister à cette exhibition sordide des otages.

Toutefois, ce refus n’était pas suffisant, pratiquement aucun média international ne reprenait l’information de la très faible participation populaire, pourtant vérifiée par les prises de vues droniques irréfutables. Les chaînes de télévision du monde rediffusaient simplement les images biaisées des islamistes.

Alors, la résistance passive s’est transformée en résistance active, pour crier devant les caméras, dans les rues détruites, « Hamas terroriste ! ».

18 ans de terreur à Gaza

Car, depuis juin 2007, le peuple de Gaza sait de quoi il parle, il subit la terreur islamiste au quotidien. Après la liquidation de l’Autorité palestinienne et du Fatah, le Hamas a imposé la Charia aux habitants. La police de cette organisation persécuta tous les opposants réels ou potentiels. Les islamistes firent la chasse aux « déviants », athées, homosexuels, femmes adultères, etc. Les milliards reçus du Qatar ou de la « Charité islamique » des milliardaires des pétromonarchies ne servirent qu’à construire une véritable ville souterraine, des centaines de kilomètres de galeries pour préparer la guerre contre Israël. L’argent permit également de construire une industrie militaire pour produire les missiles envoyés sur « l’ennemi sioniste » pratiquement tous les jours. Bref, rien pour les habitants et tout pour la guerre pour reconquérir Al Aqsa à Jérusalem. 

Et la guerre eut effectivement lieu. Autour de leur chef Sinwar, ils furent 5 de la direction intérieure du Hamas à décider de l’attaque du 7 octobre 2023. La stratégie était claire, par sa brutalité, par son inhumanité, l’acte de destruction des kibboutz juste de l’autre côté de la frontière, l’attaque de la ville de Sderot, les massacres et les viols à la fête de Super Nova devait rendre les choses irréversibles. Une haine à mort allait s’imposer entre les deux peuples. Une vision démente, eschatologique, il fallait mourir pour le Djihad. Par cette stratégie de fin du monde, la direction politique du Hamas a précipité Gaza dans une guerre terrible dont la population est la première victime. D’ailleurs, les islamistes ont eu le culot de rédiger un communiqué début 2024 affirmant qu’ils n’étaient en rien responsables du sort de la population civile qu’ils administraient ! Une première mondiale, qui démontre le cynisme à toute épreuve de Sinwar et de son groupe dirigeant. Résultat : après un an et demi, le peuple de Gaza erre dans les ruines !

Mais les Gazaouis antiislamistes sont seuls !

La révolte populaire du 25 mars à Gaza est seule, sans alliés, sans soutiens. Bref, une immense solitude. Car ce soulèvement est hors des cadres et des stéréotypes des prêts à penser des soi-disant « experts du Proche-Orient ». Il ne convient pas aux « discours automatiques » sur la région. Il gêne Netanyahou à Jérusalem, Trump à Washington, Ben Salman à Ryad. En conséquence, un silence médiatique presque parfait s’est organisé pour minimiser autant que possible l’événement. La chaîne de télévision du Qatar Al Jazeera a imposé un strict black-out. D’ailleurs, les manifestants anti-Hamas lançaient des slogans pour dénoncer le boycott médiatique des chaînes du Golfe. 

Plus étonnant encore, les médias occidentaux, qui d’habitude relaient la moindre information, vraie ou fausse, sur cette enclave, mirent plus de trois jours à s’apercevoir qu’il se passait quelque chose dans le nord de Gaza. En France, les journaux comme Le Monde minimisèrent l’événement, parlant de « quelques centaines de manifestants qui auraient été vus à Jabaliah ». Le Figaro fit de même pendant 72 heures. Car, lorsque l’on est un journal de référence en France, il ne faut surtout pas déplaire ni au Qatar ni à l’Arabie saoudite, les deux très riches nations islamistes.

Un soutien international inexistant 

Il est logique que Trump et Netanyahu, qui ne rêvent que de la déportation du peuple palestinien de Gaza pour construire une paraît-il Riviera de rêve, fassent silence total. Le surgissement anti-islamiste du peuple des ruines n’est pas bon pour leurs projets. En humanisant les habitants de Gaza, la manipulation politique et financière de la « nouvelle Côte d’Azur » prendrait fin. Les ultras réactionnaires Trump, Netanyahou ou Ben Salman sont finalement d’accord sur le fait de bâillonner les peuples. Il n’y a rien à attendre d’eux ou de leurs soutiens.

Mais alors, que font la gauche et la gauche radicale internationale ? En fait, exactement la même chose, elle se tait et regarde ailleurs. Pour la gauche radicale, le Hamas est une organisation antisioniste, donc il faut la soutenir officiellement, ou plus généralement à bas bruit. Depuis 2007, l’état totalitaire du Hamas à Gaza n’a jamais été caractérisé par l’extrême gauche, sous prétexte d’unité anti-impérialiste et antisioniste. Pour les organisations de gauche plus modérées, socialistes ou écologistes, par exemple, le wokisme a fait aussi des ravages. Pour eux, la religion des pauvres, c’est l’islam, et attaquer les organisations islamistes, c’est mettre en danger la religion des pauvres. Donc, ils ne soutiendront pas la révolte de Gaza contre le Hamas.

Que font la gauche israélienne et le mouvement civique contre Netanyahu ?

Alors même que la riposte populaire contre le gouvernement de Netanyahou reprend de la vigueur en Israël, la gauche reste pour le moment sans voix par rapport au mouvement « La paix maintenant » à Gaza. Là aussi, aucune déclaration de solidarité. Il est possible que les choses changent si le mouvement à Gaza se poursuit début avril. Le chef du parti démocrate, Yaïr Golan, qui rassemble aujourd’hui toute la gauche, est interloqué. Il est vrai que le pays est en guerre et qu’il faut être prudent sur ce qui pourrait diviser contre l’ennemi islamiste. L’Israélien de la rue est aussi méfiant envers les Gazaouis, les infiltrations de civils venant de Gaza dans les kibboutzim le 7 octobre pour piller ont laissé des traces dans l’opinion publique. Mais justement, c’est en soutenant les laïques, les anti-islamistes à Gaza que l’on peut trouver une solution de paix.

Seul le peuple de Gaza peut infliger une défaite définitive au Hamas et au Djihad islamique.

Oui, il faut détruire politiquement le Hamas, mais qui peut le faire vraiment ? Seul le peuple de Gaza peut infliger une défaite définitive au Hamas et au Djihad islamique. Tsahal peut défaire militairement ces groupes, mais, politiquement, elle ne le pourra jamais. Ouvrir une perspective de paix, c’est justement tendre la main de l’autre côté de la ligne de feu vers ceux qui crient à Gaza le même slogan qu’à Tel-Aviv : « libérez les otages maintenant ! ».

Le temps presse

Le mouvement va-t-il tenir ? C’est très difficile à estimer. Les trois premiers jours de la révolte, les Frères musulmans agissaient de manière perverse pour faire capoter la mobilisation. Ils tiraient des missiles contre Israël depuis les villes des manifestants, espérant une réplique de Tsahal qui bloquerait les démonstrations de rue. Mais sans grand résultat. Le 27 mars, le Hamas et le Djihad islamique ont changé d’attitude et fait paraître un communiqué commun où ils prétendaient que les manifestants étaient « des agents sionistes qui seront traités comme tels ». Les choses sont claires : les islamistes vont encore une fois tirer sur le peuple.

Sans soutien, le mouvement ne peut que s’éteindre. Pour le sauver, il faut une mobilisation internationale et en Israël… qui peine à venir !