Trêve Israël-Hamas : « LA PAIX AMÉRICAINE » à GAZA… POUR PRÉPARER LA GUERRE CONTRE L’IRAN ?

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Le dimanche 19 janvier a commencé une trêve entre le Hamas et Israël. Ce jour-là, 3 femmes otages de l’organisation palestinienne des Frères Musulmans et du Djihad islamique depuis l’attaque du 7 octobre 2023 ont été libérées. Trente autres otages doivent l’être dans cette « première phase ». Il s’agit principalement de femmes, d’enfants, de malades ou encore de cadavres. En contrepartie, Israël libère 1 904 prisonniers palestiniens. Ce « deal », réalisé la veille de l’investiture de Donald Trump à Washington, s’est accompli sous supervision américaine, avec l’entremise du Qatar.

Pourquoi cette soudaine désescalade après quinze mois d’une guerre atroce, ayant entraîné la mort de dizaines de milliers de victimes palestiniennes dans la bande de Gaza, provoquée par l’invasion d’Israël du 7 octobre 2023 ?

Comme nous l’avons déjà analysé dans ReSPUBLICA, nous sommes face à deux guerres en une au Proche-Orient. Bien sûr, ces deux guerres sont intriquées, mais nous allons, un peu artificiellement, les différencier pour mieux en comprendre les enjeux.

Deux guerres en une

D’une part, se déroule un conflit au nord assez clairement défini entre « l’axe de Résistance » – composé encore récemment du Hezbollah libanais, du régime syrien du clan Assad et de l’Iran – contre Israël. Avec le soutien des États-Unis, l’état hébreu s’oppose donc sur ce terrain à « l’axe de Résistance » soutenu par la Russie et secondairement par la Chine. Sur ce premier front, le chaînage des alliances est assez évident. Au nord, Israël a marqué des points décisifs avec l’affaiblissement durable du Hezbollah, l’effondrement du Baas syrien du clan Assad, et la reculade de l’Iran devant la riposte aérienne israélienne.

D’autre part, au sud, une guerre faisait rage depuis plus de 15 mois entre deux alliés des États-Unis. Le Hamas, qui est responsable du « premier sang », comme disent les Anglo-Saxons, par le massacre du 7 octobre, est la branche palestinienne des Frères musulmans. Créée en 1928, cette organisation mondiale était alliée avec le Royaume-Uni, puis les États-Unis depuis les années 1930 au sein de l’alliance « anti Komintern ». Le Hamas a dirigé une dictature islamique à Gaza après avoir écrasé l’OLP en 2007, avec l’absolution de l’État d’Israël. Dès lors, cette expérience politique islamiste originale et totalitaire a survécu grâce aux subsides envoyés principalement par le Qatar et secondairement par l’Arabie saoudite et les monarchies pétrolières du Golfe. L’Iran n’a contribué que très marginalement, en finançant le groupe minoritaire du Djihâd islamique.

Le Qatar, micro-État sous la coupe américaine

Le Qatar est également un allié stratégique des Américains. Sur son territoire, il abrite la base militaire américaine d’Al-Udeid, la plus grande du Proche-Orient. Elle rayonne également sur le plan idéologique via la chaîne d’information Al Jazeera, gérée officiellement par Doha et officieusement en collaboration avec les services spéciaux américains, en particulier la CIA.

Le Hamas a également été financé par l’Arabie saoudite, ou plus exactement « la charité islamique » de tous les pays du Golfe. Le centre de gravité de ce dispositif financier se trouve à la « City » de Londres. L’Arabie saoudite est historiquement en alliance avec les États-Unis depuis février 1945 et ce que l’on nomme « le pacte du Quincy »(1)En février 1945, le président américain Roosevelt, de retour de la conférence de Yalta, rencontra le roi Ibn Saoud, fondateur du Royaume d’Arabie saoudite, sur le croiseur USS Quincy. Une alliance stratégique fut conclue. L’Arabie saoudite garantira la fourniture de pétrole en échange d’une protection du régime saoudien ainsi que l’extension du wahhabisme comme tendance religieuse principale dans l’espace arabo-musulman. Initialement prévue pour durer 60 ans, cette alliance a survécu à tous les soubresauts de l’histoire… y compris à l’attentat du 11 septembre à New York perpétré par un commando aux trois-quarts saoudien !.

Enfin, et c’est le point le plus important, le capitalisme financier que nous connaissons aujourd’hui est, entre autres caractéristiques, le résultat d’un accord de fond entre Wall Street et La City avec les monarchies arabes du Golfe. Depuis 1974, les « pétrodollars » constituent une part essentielle de ce que l’on nomme les « capitaux flottants ». Ces derniers sont déterminants pour la fixation des cours des actions, des obligations et plus généralement de tous les produits financiers.

Le Qatar « blanchi », l’Iran montré du doigt

Depuis 15 mois, tous les protagonistes, Israël, le Qatar, les Frères musulmans, les États-Unis reportent la responsabilité de l’attaque du 7 octobre sur l’Iran. C’est une illusion, les faits sont là : l’Iran avait tout à perdre à soutenir cette « opération suicide »… et d’ailleurs, Téhéran a presque tout perdu dans cette stratégie aventuriste de la direction intérieure du Hamas dirigé par le défunt Sinwar ! Les Frères musulmans palestiniens sunnites ont agi seuls, sans consulter « l’axe de Résistance » chiite autour de l’Iran. Ce qui a eu d’ailleurs pour conséquences de provoquer une faute de positionnement stratégique du Hezbollah dès le 8 octobre 2023. Leur chef, Nasrallah, décida de faire la guerre à Israël, mais en « basse intensité ». Ce positionnement ambigu, ni paix ni guerre totale, lui sera fatal au sens propre du terme.

Trump « tord les bras » des alliés des États-Unis 

En janvier 2025, Donald Trump réinvestit la Maison-Blanche. Il avait clairement déclaré que le conflit à Gaza devait cesser avant son intronisation du 20 janvier. En collaboration avec l’équipe Biden encore au pouvoir, il « tord les bras » de ses alliés, les Frères musulmans palestiniens et le Qatar en particulier, en les menaçant des « feux de l’enfer » si les otages ne sont pas libérés…. Mais aussi de Netanyahu, qu’il oblige à accepter le même deal qu’il avait pourtant refusé en mai dernier.

Pour parfaire l’arrangement américain du cessez-le-feu à Gaza, l’autorité palestinienne, dirigée par le vieux leader Mahmoud Abbas, est remise (péniblement) en selle. Elle postule à gouverner seule dans le futur la bande de Gaza. Son incompétence et sa corruption ne plaident pourtant pas en sa faveur.

Pourquoi ce forcing des États-Unis ?

Dans cette affaire, les Démocrates autour de Biden, comme les Républicains autour de Trump, ont fait parfaitement front commun. Car ils ont agi de concert pour défendre les intérêts stratégiques supérieurs des États-Unis. Pour la puissance hégémonique américaine, les fronts proche-orientaux ou européens avec le conflit Ukraine-Russie, sont secondaires. Le conflit principal qui se prépare est celui en Asie avec la Chine populaire. Dans cette optique, les alliés européens comme proche-orientaux des États-Unis doivent être impérativement rassemblés sous la même alliance. Pour le Proche-Orient, ce rassemblement prend le visage des « accords d’Abraham » réunissant Israël, les Émirats arabes unis, le Maroc et surtout potentiellement l’Arabie saoudite. L’enjeu est là. Avec l’augmentation de la tension en Asie, il est indispensable que les arrières du futur front asiatique soient calmes et garantissent les approvisionnements pétroliers et gaziers vers l’Occident.

Reste à savoir si cette « surplombance stratégique » résistera durablement aux réalités de terrain. Les alliés des Américains se détestent « à mort », et cela depuis des décennies. Dans cette atmosphère, une « alliance d’Abraham » semble bien fragile et nécessitera de la part de Trump une fine qualité tactique et diplomatique… qui apparemment lui fait cruellement défaut.

L’Iran dans le collimateur 

Mais il est possible aussi que cette « Paix américaine » à Gaza masque une augmentation de la tension avec au nord « l’axe de Résistance » ou ce qu’il en reste, c’est-à-dire l’Iran. Trump et toute son équipe ont été parfaitement clairs au cours des derniers mois : une « pression maximum » (dixit) allait être imposée à Téhéran. Par ailleurs, on peut se demander si Netanyahu n’a pas négocié la trêve à Gaza contre une opération conjointe israélo-américaine contre les usines nucléaires iraniennes de fabrication de la bombe atomique. C’est une hypothèse sérieuse. D’autant plus que cette « pression maximum », débouchant éventuellement sur une action militaire aérienne commune, aurait l’immense mérite de solidariser les pays arabes sunnites des « accords d’Abraham » avec Israël et les États-Unis. Dans ce cas de figure, la trêve à Gaza créerait une dynamique contre l’Iran chiite, officiellement alliée de la Russie depuis la signature d’un traité d’alliance le 17 janvier dernier, et allié de la Chine depuis le 27 mars 2021. Les prochains mois risquent d’être très tendus pour le régime des Mollahs !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 En février 1945, le président américain Roosevelt, de retour de la conférence de Yalta, rencontra le roi Ibn Saoud, fondateur du Royaume d’Arabie saoudite, sur le croiseur USS Quincy. Une alliance stratégique fut conclue. L’Arabie saoudite garantira la fourniture de pétrole en échange d’une protection du régime saoudien ainsi que l’extension du wahhabisme comme tendance religieuse principale dans l’espace arabo-musulman. Initialement prévue pour durer 60 ans, cette alliance a survécu à tous les soubresauts de l’histoire… y compris à l’attentat du 11 septembre à New York perpétré par un commando aux trois-quarts saoudien !