Au secours, la « TVA sociale » revient ! (ou quand Manuel valse avec le Medef)

Dans le numéro 642 de Respublica, nous attirions l’attention sur le « danger de l’intérieur » que représenterait, pour la gauche, la fiscalisation des prélèvements sociaux proposée par le PS. Mais il est toujours possible de faire pire, comme le prouve la Tribune Libre signée Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen, parue dans le Monde du 14 octobre dernier.Reprenant « sans tabou » un thème de la droite et du MEDEF, ces deux socialistes proposent ni plus ni moins : « une augmentation de la TVA, en substitution d’une part des charges sociales payées par l’employeur (…) ». Bref : une « baisse du coût du travail » pour « améliorer (…) la compétitivité » des entreprises –traduisons : pour rétablir les profits. La lutte des classes, ou Robin des Bois à l’envers…

Renvoyons donc à l’analyse faite dans Respublica n° 642, en en remettant une petite couche : l’origine des « déficits sociaux », c’est le partage inégal de la valeur ajoutée, la part du capital s’accroissant au détriment de celle du travail (salaires + protection sociale). Le chômage en est une des causes, mais pas la seule, puisque les gouvernements de gauche et de droite n’ont cessé de baisser les cotisations patronales (au nom justement de la « compétitivité » !).

Donc, pour sortir de là, pas besoin d’avoir fait l’X pour conclure qu’il faut affecter une part plus grande du PIB (la richesse produite, somme des valeurs ajoutées) à la protection sociale. Erreur, nous disent Valls et Le Guen : il faut donner encore plus au capital, et faire payer le tout par l’impôt indirect !
Ces « camarades des patrons » (comme les Allemands avaient baptisé le chancelier social-démocrate Schroeder) entonnent la rengaine du « libéralisme pour les Nuls » : « crise de l’Etat providence », « prélèvements obligatoires », « déficits publics », « mondialisation », tous épouvantails chargés d’éviter au bon peuple la réflexion, et de l’inciter à la soumission. Par les temps de manifs qui courent, on leur souhaite bien du plaisir. Cerise sur le gâteau, ils se réclament hardiment de la « justice » !

En réalité, la substitution de la « TVA (anti) sociale » à la « part patronale » (élément du « salaire socialisé ») démantèlerait notre système de financement de la protection sociale, fondé sur les prélèvements mutualisés sur la richesse créée à la source. Brillante contribution au « détricotage du programme du Conseil national de la Résistance » appelé de ses vœux par le MEDEF !

Alors rappelons-le une bonne fois : la TVA est ce qu’on fait de plus injuste et inefficace comme impôt !
Injuste, car elle frappe tout le monde, mais de façon dégressive avec le revenu : les pauvres, qui consomment ce qu’ils gagnent, payent plein pot ; les riches, qui ne consomment qu’une partie de leurs revenus, épargnent « hors TVA ». A l’inverse, l’impôt sur le revenu est progressif (de moins en moins, hélas !). La part prépondérante prise dans les ressources fiscales par les impôts indirects (dont la TVA), au détriment des impôts directs, est en elle-même inéquitable.

La TVA ne frappe par ailleurs que les biens et services finaux vendus, dont les prix la répercutent sur le consommateur : elle est en revanche remboursée aux entreprises sur leurs consommations intermédiaires (intégrées dans leurs prix de revient). Le consommateur (dont la masse des salariés) n’a pas le choix : c’est lui qui acquitte l’essentiel de la TVA, les prix étant fixés par le producteur !

Voilà une des causes de l’inefficacité de la TVA. N’en déplaise à Valls et Le Guen, qui proposent, pour nous consoler, d’exclure de la TVA à taux plein les « biens de première nécessité » (dont certains -le savent-ils ?- déjà exemptés), une baisse de la TVA permet pour l’essentiel aux entreprises d’augmenter leurs marges. Ainsi, selon la Cour des comptes, la réduction du taux de TVA sur la restauration coûte plus cher qu’elle ne rapporte, et n’a pas entraîné les créations d’emplois annoncées !

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les propositions citées : à défaut d’efficacité sociale et économique, elles peuvent sûrement contribuer à la relance… de la « machine à perdre » du PS.