Les enseignements de notre agenda culturel, social et politique

Six éléments principaux retiennent notre attention dans la période : le sens de la lutte contre la loi El Khomri, la continuation de la poussée de l’extrême droite européenne, la politique anti-sociale du gouvernement grec, le référendum britannique pour ou contre le Brexit, les élections espagnoles, et la campagne présidentielle française.

Approfondissement de la crise sociale en France

La poussée populaire de la manifestation du 14 juin contre la loi El Khomri montre les deux aspects de cette lutte sociale : d’abord la persistance du mécontentement populaire dans la rue et dans l’opinion, dans la volonté de dénoncer ce nouveau palier dans la destruction des conquis sociaux par la gauche néolibérale solférinienne, ensuite le fossé culturel grandissant entre les élites néolibérales et le peuple.
L’acharnement et les mensonges médiatiques ne suffisent plus à décontenancer le mouvement social. Le fait que plusieurs syndicats de policiers (dont un de droite !) aient ouvertement critiqué le gouvernement et la hiérarchie policière pour avoir instrumentalis
é les « casseurs » afin décrédibiliser le mouvement social, les laissant agir sans faire intervenir les forces de l’ordre pour procurer des images au 20 heures télévisé et ensuite les faire intervenir sauvagement sans distinguer les « casseurs » et les manifestants, cela aura largement fait contrepoint à l‘acharnement médiatique des « nouveaux chiens de garde ». Il est donc de plus en plus probable que ce fossé culturel avec le gouvernement ne sera plus comblé d’ici l’élection présidentielle française.

Nouvelle poussée de l’extrême droite en Europe

L’élection présidentielle autrichienne a montré une nouvelle fois la poussée de l’extrême droite en Europe. Nous rappelons ici notre analyse, maintes fois présentée dans ReSPUBLICA : cette poussée est due à la conjonction de la crise économique systémique du capitalisme et des politiques austéritaires (qui en sont la conséquence) de plus en plus massives des gérants du capital que sont les élites néolibérales patronales, nationales et européennes.

La politique anti-sociale du gouvernement Tsipras en Grèce

Nous rappelons ici notre analyse, maintes fois présentée dans ReSPUBLICA, à savoir que vouloir la fin des politiques d’austérité est contradictoire avec la poursuite de la politique de l’Union européenne, de ses traités non-amendables, avec l’appartenance à la zone euro et l’application de la stratégie de Lisbonne (à ne pas confondre avec le traité du même nom). La signature du mémorandum du 13 juillet 2015 avec l’UE a comme conséquence, visible aujourd’hui, l’accroissement des inégalités sociales ; elle divise le peuple et crée un fossé grandissant avec la classe populaire ouvrière et employée.

La crise n’épargne pas la Grande-Bretagne, d’où l’affrontement sur le vote pour ou contre le Brexit

Il est étonnant d‘entendre les médias néolibéraux, ces « nouveaux chiens de garde médiatiques », présenter le débat présenté comme ayant lieu entre le Premier ministre de la droite néolibérale anti-Brexit et l’extrême droite (largement formée par les mécontents de l’ancienne droite) qui serait la seule force pro-Brexit. On se croirait en 2005 en France lors du référendum pour ou contre le TCE. (Nous rappelons que le non de gauche représentait alors 31,3 % des votants, soit plus que le non de droite et d’extrême droite, que le oui de gauche, que le oui de droite.) Il faut dire que la politique de Corbyn à la tête du parti travailliste est engluée dans la dictature de la tactique souhaitée par les barons du parti, d’où son choix anti-Brexit inaudible vu que son électorat est largement divisé sur ce point et que la majorité de son électorat populaire votera le Brexit.

En fait, le vote voit s’affronter, comme en 2005 en France, les gagnants de la mondialisation et ceux qui en souffrent, les métropoles et les zones périurbaines et rurales. Les « partis de gouvernement » sont largement divisés. Il faut ajouter pour complexifier le réel britannique que les gauches nationalistes irlandaise, galloise et surtout écossaise préfèrent l’Europe des régions à l’Angleterre et à la Grande-Bretagne et sont donc de ce fait pro-UE ! Ce sont donc les régions populaires ouvrières et employées du centre et du Nord qui décideront du vote final.

Poussée dans les sondages du rassemblement Podemos-Izquierda Unida

Aux dernières élections législatives, la droite néolibérale (PP) est arrivée en tête mais sans pouvoir faire de majorité électorale. L’autre parti de droite, Ciudadanos, n’avait pas assez de voix pour faire la majorité avec le PP. A noter que l’économiste de ce parti, Luis Garicano Gabilondo, directeur d’un département de la célèbre London School of Economics, accompagnait lors de la dernière rencontre de Bilderberg (9-12 juin 2016) le président exécutif et directeur général de la Telefónica César Alierta, la présidente exécutive du Banco de Santander Ana Botín et le président exécutif du groupe de presse PRISA et du journal El País Juan Luis Cebrián. Comme artisan de la nouveauté, on fait mieux !

Le parti arrivé en deuxième position, le parti néolibéral de gauche (PSOE), n’a pas voulu s’associer avec Podemos, arrivé en troisième position, dans un gouvernement d’union. D’où les nouvelles élections.

Pour le scrutin du 26 juin prochain, les sondages donnent une deuxième place au rassemblement anti-austérité Podemos-Izquierda Unida, avant le PSOE. Si cela se réalise, ce sera en Espagne la fin définitive du bipartisme du Parti populaire (PP) et du Parti socialiste (PSOE). Le PSOE n’aurait pas d’autre avenir que la pasokisation et il nous faudra analyser la nouvelle situation politique espagnole.

En France, poussée dans les sondages de Jean-Luc Mélenchon

Nous avions largement analysé dans RESPUBLICA les différentes raisons de la phase de décomposition de la gauche de la gauche et la mort du Front de gauche tel qu’il s’était constitué pour la présidentielle de 2012. Conscient que la gauche ne pouvait pas survivre sans avoir une stratégie visant à passer devant le PS néolibéral solférinien au premier tour des élections, Jean-Luc Mélenchon jugea que les stratégies d’alliance au premier tour utilisant le sigle du Front de gauche avec un parti néolibéral que l’on critiquait par ailleurs ne devenaient plus crédible dans le peuple. Il estima que les reculs des élections de 2013 à 2015 étaient dus à ce manque de rigueur stratégique. Il estima que s’il attendait la décision du PCF (prévue aujourd’hui pour novembre 2016), il ne serait plus en mesure de se présenter avec un rassemblement large. Il avança donc avec un discours mêlant le projet d’un écosocialisme, le refus d’une alliance avec les néolibéraux au premier tour, une République alternative à la Ve République, un rassemblement large du peuple.

Aujourd’hui, il fait au moins jeu égal avec François Hollande et serait devant tous les autres prétendants socialistes. D’où le changement de stratégie électorale du couple Hollande-Cambadélis. Finie la chimère d’une primaire de toute la gauche qui n’engageait que ceux qui y croyaient, voilà la primaire néolibérale de « la gauche de gouvernement ». L’acceptation de cette stratégie par les principaux leaders des « frondeurs » les élimine à court terme de toute crédibilité de porter l’alternative. Par contre, la probabilité que Jean-Luc Mélenchon puisse être devant le candidat du PS se renforce. Mais cela ne peut suffire pour être au deuxième tour. Si la droite néolibérale est unie (avec Juppé par exemple sans candidat centriste de type Bayrou), ces mêmes sondages donnent un deuxième tour Juppé-Le Pen avec une victoire de Juppé et un renforcement de l’extrême droite au-delà de 30 % de votants. Dans le cas où la droite est désunie (par la présence d’un candidat centriste de type Bayrou, ce qui semble possible actuellement avec les trois autres candidats – Sarkozy, Le Maire et Fillon), l’écart actuel entre Jean-Luc Mélenchon et la droite néolibérale n’est plus insurmontable.

Bien évidemment, nous sommes à plus de 10 mois du scrutin et il faut se méfier de tirer des plans sur la comète à partir des sondages (rappelons-nous les manipulations des instituts de sondage sur la candidature de Chevènement en 2002 !). Mais force est de constater que l’état-major solférinien prend ces sondages très au sérieux, d’où le changement de stratégie électorale. D’autre part, cela dépendra principalement de la prise en compte par Jean-Luc Mélenchon de cette nouvelle situation et de sa capacité à rompre avec les causes de la décomposition de la gauche de la gauche que nous avons abondamment énoncées dans ReSPUBLICA. Mais aussi des décisions finales des autres partis de la gauche de la gauche et de certaines personnalités aujourd’hui muettes. Prendront-ils le risque de préférer un duel droite néolibérale-FN ?

De l’intérêt d’une intensification d’une éducation populaire refondée

Avec la centralité de la bataille sociale menée par le mouvement syndical revendicatif, avec la nécessaire implication dans la bataille politique électorale, un troisième pilier est indispensable pour mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle, celle d’une éducation populaire refondée. Aussi bien pour l’action et les revendications immédiates que pour penser l’avenir au-delà des échéances électorales. La double besogne jaurésienne en somme. Notre axe à ReSPUBLICA pour cette éducation populaire refondée sera Laïcité et République sociale.

Hasta la victoria siempre !