Au mépris de la loi de 1905 portant sur la séparation des églises et de l’État, c’est au nom des ” voies nouvelles de la contribution de l’enseignement catholique à l’œuvre d’intérêt général que constituent la formation et l’éducation des enfants” que M. Éric de Labarre, secrétaire général de l’enseignement catholique, a annoncé, sans démenti de votre part, juste avant le début de la concertation sur la refondation de l’école ouverte le 5 juillet, que l’enseignement privé bénéficierait de 70 postes en primaire à la rentrée, d’un contingent d’assistants d’éducation sur les 1 500 prévus ainsi que des aménagements pour permettre aux stagiaires du second degré privé de se former.
Voilà des annonces faites après que vous ayez rencontré à 4 reprises les représentants de l’enseignement catholique qui s’octroie en passant la représentativité de tout l’enseignement privé.
Il faut rappeler que, depuis le milieu des années 80, la règle tacite de répartition des moyens créés ou supprimés (80 pour le public, 20 pour le privé) n’a été respectée que dans les configurations de créations de postes. Le privé, qui scolarise 18 % des élèves (et non 20 %), a bénéficié d’un traitement de faveur ces 5 dernières années : sur les 80 000 suppressions de postes dans l’Education nationale, il n’a été concerné que pour 6 700 retraits, soit environ 8,4 % et non 16 000 (20 %) soient 9700 fermetures de plus imputées au public portant sa « part » de suppressions à 91,6 % !
Faut-il rappeler que M. Éric de Labarre estimait début 2012 « impossible » et « non pertinent » de rétablir 60 000 postes, allant jusqu’à affirmer « qu’on peut probablement continuer à en supprimer » (La Croix du 23.01.12) ? Comment comprendre dès lors la revendication d’attribution de 5 100 postes sur les 60 000 par le secrétaire général de l’enseignement catholique ? Est-ce à dire que des suppressions de postes dans les ministères jugés non prioritaires, puisque le nombre global de fonctionnaires n’augmentera pas, serviraient à satisfaire l’attribution de 5100 postes dans l’enseignement privé sous contrat ? Nous pourrions le croire selon vos propos début juin au congrès de l’Unguéal (Union nationale des Parents de l’école Libre), indiquant que le privé aurait sa part « en proportion des postes détruits ».
La loi de 1905 en son article 2, rappelons-le, ne reconnaît aucun culte. Quant à la loi Debré de 1959, elle, en son article 4, ne connaît que des établissements privés. En totale contradiction avec ces Lois, les annonces de M. de Labarre, le 5 juillet, indiquent que des négociations sont menées avec l’enseignement privé confessionnel et des moyens accordés globalement au même enseignement.
M. de Labarre annonce donc aussi le 5 juillet qu’il sera présent à la Sorbonne pour la « grande concertation ». Ainsi, un réseau privé, catholique, participera-t-il à un processus de définition et de refondation de l’Éducation nationale alors que son statut contractuel ne lui confère pas ce droit. Dans son Manifeste de l’école catholique au service de la Nation publié début 2012, on peut lire page 3 : « C’est pourquoi l’enseignement catholique, fidèle à la vision chrétienne de l’Homme transmise par l’Évangile, attache une importance si grande à former des jeunes ouverts sur le monde, enracinés dans une culture et une histoire qui ouvrent, dans un dialogue entre foi et raison, à l’accueil de Dieu dans la vie de chaque homme. » Cette profession de foi vous semblerait-elle conforme à une nécessaire refondation du système éducatif d’une République laïque ? Ce manifeste promeut par ailleurs avec zèle toutes les « réformes » dans un cadre de baisse des moyens que nous avons combattues ces dernières années.
Plus que jamais, dans cette période où le communautarisme empiète sur le vivre ensemble – et l’entre-soi social du réseau d’enseignement confessionnel n’est-il pas un communautarisme ? – nous affirmons que seule l’Ecole Publique peut et doit être le lieu qui garantit l’égalité et la justice sociale, offrant aux jeunes une formation et des savoirs affranchis de tout dogme. C’est pourquoi nous vous demandons de conforter une école publique de proximité, sur tout le territoire, pour toutes et tous, gratuite, laïque en adoptant et en recherchant les moyens budgétaires, réglementaires, législatifs qui n’accordent les fonds publics qu’à la seule école publique.