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ReSPUBLICA est en deuil. Nous avons la douleur d’annoncer à nos lecteurs le décès de notre ami Pierre Hayat.

Pierre était professeur agrégé et docteur en philosophie. Pour notre journal, il était membre du Comité de rédaction. Il s’est éteint à l’âge de soixante-huit ans, le 1^er mars dernier, entouré de sa femme Jeannine et de ses filles Claire et Flora.

Pierre fut pour nous un soutien sans faille, une boussole pour lier le combat laïque et le combat social. Mais avec Pierre ce fut aussi et surtout une amitié, une confiance, une connivence, une honnêteté, une rigueur sans pareil, une précision, un courage, une intransigeance.

Notre fraternité remonte à loin. Pierre rencontra notre réseau militant laïque au moment où celui-ci déclencha la bataille pour une loi contre les signes religieux à l’école, avec le banquet du 21 octobre 1989 à Créteil. Il s’agissait à l’époque de remonter la pente et de réinstituer la vigueur des trois circulaires laïques de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale du Front populaire. Ce combat trouva son aboutissement victorieux dans la loi du 15 mars 2004.

Puis, Pierre participa activement avec ReSPUBLICA à la bataille du « Non au Traité constitutionnel européen » en 2005. Sa précision et sa rigueur, lorsque ReSPUBLICA prit le virage de la liaison du combat laïque et du combat social, furent déterminantes. Citons aussi son apport décisif à notre projet politique de la République sociale comme processus de transition vers l’après-capitalisme.

Mais il fut plein, également, de tant d’autres choses. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de philosophie traitant de la laïcité et de l’éducation. Il fut et il reste un spécialiste de la philosophie d’Emmanuel Levinas⁽¹⁾Emmanuel Levinas, né le 30 décembre 1905 à Kaunas (Empire russe à l’époque, Lituanie aujourd’hui) et mort le 25 décembre 1995 à Clichy (Hauts-de-Seine). Il a été naturalisé français en 1931. La philosophie de Levinas est centrée sur la question éthique et métaphysique d’autrui, caractérisée comme l’infini impossible à totaliser. Il est connu pour ses études sur la Torah. dont il a édité trois anthologies et auquel il a consacré plusieurs essais. Il a entretenu une relation particulière avec lui. Il a d’ailleurs consacré son doctorat à ce philosophe.

Né le 14 décembre 1956 à Tunis, il a rencontré pendant ses études Louis Althusser. Il lui en est resté une pensée marxienne matérialiste.

Pierre a donc établi et préfacé l’édition de textes de Levinas : Les Imprévus de l’histoire (1994), Liberté et commandement (1994) et Altérité et transcendance (1995) chez Fata Morgana. Il a également publié Emmanuel Levinas, éthique et société aux éditions Kimé en 1995.

En tant que professeur de philosophie, il s’est consacré à Ferdinand Buisson, auteur d’un Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (Kimé, 2000) dont il a publié de larges extraits. Ce dictionnaire était alors totalement oublié.

En parallèle, sur le plan militant, il s’était engagé au sein de l’association des professeurs de philosophie (APPEP) à laquelle il a consacré beaucoup d’énergie. Il s’agissait de préserver l’intégrité d’un enseignement humaniste et universaliste à la française.

Son engagement syndical enseignant était tourné vers la CGT. Pour Pierre c’était le moyen concret de lier le combat social et le combat laïque.

Rappelons aussi son engagement auprès de l’Union rationaliste tant qu’elle n’avait pas été noyautée par des communautaristes. Citons par exemple un de ses articles publié dans Les cahiers rationalistes dont le titre est « Retour sur les raisons de la loi laïque du 15 mars 2004 » (p. 40-44).

Il faut lire et relire ses derniers écrits des mois derniers dans ReSPUBLICA.

Notre ami Pierre Hayat fut en effet l’auteur de nombreux articles, dont les plus importants seront bientôt rassemblés dans un livre à paraître au printemps prochain chez Kimé.

Nous remercions Jeannine Hayat de l’aide qu’elle nous a apportée pour faire cette courte évocation de l’intellectuel admirable et du militant que fut Pierre Hayat.