« Pour une approche critique de l’islam », par Yvon Quiniou

Il manquait un élément du puzzle. Yvon Quiniou, philosophe marxiste, lance le débat pour l’introduire (1)Pour une approche critique de l’islam, éd. H&O, 2016, 96 p.. Pour avoir une chance de marcher vers une transformation sociale et politique nécessaire, encore faut-il de nombreuses conditions. L’une d’entre elles consiste à exercer notre esprit critique sur l’ensemble des idées qui participent à la « vraie vie » dans notre formation sociale capitaliste. La laïcité étant entre autres liberté de conscience, elle nous invite, dans le respect des croyants, à user de la liberté de critique des religions. Yvon Quiniou participe ainsi à un débat nécessaire alors que de nombreux éléments de la gauche sont souvent pris à défaut, face à la droite et à l’extrême droite, par leur propension à ériger des tabous qu’il est interdit de discuter. (2)Au cours des derniers mois, Yvon Quiniou a publié ce livre et Paul Ariès La face cachée du pape François. Voilà deux ouvrages que nous pensons nécessaire de recenser, le second le sera prochainement.
D’entrée de jeu, il s’inscrit dans le sillage de Meddeb et d’Adonis, deux intellectuels de culture musulmane dont le courage intellectuel n’est plus à démontrer, et du Goya qui a dit : « Le sommeil de la raison engendre des monstres ». Il paraphrase Einstein avec en exergue la formule : « Nier un problème empêche de le résoudre ». Et loue le courage de Spinoza qui, dans son Traité théologico-politique, dénonce ce qu’il considère comme des aberrations dans toutes les religions y compris le judaïsme dans lequel il est né.
Dés le début, il précise que son propos « ne concerne pas les musulmans dans leur pratique quotidienne, mais seulement la religion musulmane en elle-même, ignorée dans ses fondements par la majorité d’entre eux ». Ainsi il critique comme nous le piège de l’utilisation du concept d’islamophobie qui vise à ne pas séparer la critique contre les musulmans qui relève du racisme anti-musulman à sanctionner sévèrement et la critique d’une religion qui relève, elle, d’un droit citoyen inaliénable dans toute République émancipatrice.
D’entrée de jeu, il critique une position que nous défendons à ReSPUBLICA, celle de faire une différence entre islam et islamisme. Il considère que cela innocente « d’une manière subreptice le premier distingué artificiellement du second ».
Nous estimons quant à nous qu’il faut distinguer islam et islamisme non pour dédouaner quoi que ce soit mais pour distinguer le second – qui doit être combattu dans notre pratique sociale et politique comme toutes les extrêmes droites religieuses – alors que le premier comme toutes les religions ne doit être soumis qu’à la critique, ce qui pour nous est différent.
Yvon Quiniou refuse donc l’objection de la contextualisation du texte coranique puisqu’il est présenté comme une vérité absolue et l’interprétation qui est pour lui « une stratégie herméneutique [qui ne vise qu’à] sauver un texte religieux, vis-à-vis des démentis que lui oppose, dans sa lettre, l’actualité scientifique ou politique contemporaine, en prétendant lui donner un sens caché que pendants des siècles on lui a refusé ! ». Nous estimons à contrario que les éventuelles contextualisations et interprétations concernent principalement ceux qui se déclarent musulmans mais pas forcément les autres. Par contre, ce qui concerne tous les citoyens sans exception pour avoir le plus haut degré de liberté pour tous, c’est le respect du principe de laïcité qui nous impose d’abord de l’appliquer dans ses quatre items (3)Voir Laïcité : Plus de liberté pour tous paru chez Eric Jamet éditeur que l’on peut se procurer sur www.gaucherepublicaine.org/librairie. mais aussi : d’une part de combattre toutes les extrêmes droites, donc aussi les extrêmes droites religieuses, donc aussi l’islamisme, et d’autre part de critiquer toutes les idées que nous considérons comme contraires à la nécessaire émancipation humaine, et donc toutes les religions y compris l’islam. Combattre est un mot plus large que la simple critique d’une idée.
Reprenant les idées de son livre précédent Critique de la religion. Une imposture morale, intellectuelle et politique, Yvon Quiniou estime important de remettre en cause l’idée de « révélation », il développe les raisons qui selon lui justifient le fait que l’islam, comme les autres religions est, dans ses termes, une imposture, c’est-à-dire que l’islam prétend être ce qu’il n’est pas et prétend apporter ce qu’il n’apporte pas. Et il décline cela sur le plan intellectuel, moral et politique. Il rapporte cependant que sa critique de l’islam en ses fondements « n’est qu’un cas particulier, aujourd’hui, d’une critique générale des religions en leurs fondements même qu’il convient de réopérer ».
Un certain nombre de versets du Coran sont présentés pour justifier sa thèse concernant la violence dans le texte même. L’auteur note plus loin dans le livre que la violence est également très forte dans le Deutéronome, ou lorsque le Christ apporte « l’épée » au nom de sa foi, ou encore dans l’Evangile selon Saint Mathieu ! Il reprend à son compte l’idée de Meddeb, intellectuel tunisien qui affirme que « l’islamisme est la maladie de l’islam, mais [que] les germes sont dans les textes » (4)Voir le journal Libération du 23/9/2006 et le livre de Meddeb paru au Seuil, La maladie de l’islam..
Quant à son retour sur Marx, Quiniou met en avant le Marx de sa période de maturité, et notamment celui de la Critique du programme de Gotha qui appelle à « libérer les consciences de la fantasmagorie religieuse », pour critiquer la mauvaise interprétation de certains militants de gauche et d’extrême gauche qui se réfèrent à Marx sans l’avoir sérieusement lu dans le texte.
Puis, il présente ce que serait une « offensive politique d’ensemble contre Daech ». S’il est interventionniste en France (améliorer le renseignement, contrôle plus strict des mosquées propageant un islamisme radical, etc.), en Syrie également, il fustige ceux qui s’arrêtent là car il estime que « Daech n’est pas le mal absolu mais le symptôme du mal [car] la violence djihadiste n’est pour une grande part que la conséquence du malheur économique, social et politique, imposé aux pays du Moyen Orient, quels que soient leur régime, par l’impérialisme capitaliste occidental depuis des décennies. ». Mais il précise que les fondements doctrinaux de l’islam… visent d’abord les « infidèles et les incrédules » et la laïcité. Il estime que l’idéologie n’est pas « un simple reflet mystifié, donc un simple effet de processus historiques, mais aussi une cause d’effets propres dont il faut tenir compte si l’on veut comprendre le comportement des hommes, spécialement quand ils deviennent barbares sans l’admettre moralement ».
Il en appelle à un respect strict du principe de laïcité, à un travail d’éducation populaire pour développer la raison critique, et souhaite que des théologiens de l’islam puissent inciter « à une refondation de la doctrine de base » de l’islam. Il souhaite aussi que ceux qui appellent à cette refondation soient soutenus. Il fait l’apologie de l’émission de France Inter du 20 novembre 2015 qu’il qualifie de remarquable car elle mettait à nu l’hypocrisie de l’impérialisme occidental par son double jeu vis-à-vis de ses « alliés » au Moyen-Orient ! Il développe pour exemple le conflit autour du pipeline qui permettrait à l’Iran d’accéder à la mer via l’Irak et la Syrie, largement combattu par l’Arabie saoudite et le Qatar, les alliés de l’impérialisme occidental. La lutte pour le pétrole menée par les impérialismes n’est pas pour rien dans le développement du terrorisme islamiste.
Estimant qu’il n’y a pas de retour du religieux mais un « retour politique du religieux », il termine son livre en affirmant que l’antidote est le développement d’une idéologie non religieuse « des droits de l’homme ou celle d’un humanisme universaliste, lié à la science » avec une morale universaliste de type kantien qui stipule « le respect inconditionnel de la personne ». « Sous cette double base, on peut vivre sans religion », conclut-il en reprenant la célèbre phrase du philosophe français Pierre Bayle : « une société d’athées est possible ».

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Pour une approche critique de l’islam, éd. H&O, 2016, 96 p.
2 Au cours des derniers mois, Yvon Quiniou a publié ce livre et Paul Ariès La face cachée du pape François. Voilà deux ouvrages que nous pensons nécessaire de recenser, le second le sera prochainement.
3 Voir Laïcité : Plus de liberté pour tous paru chez Eric Jamet éditeur que l’on peut se procurer sur www.gaucherepublicaine.org/librairie.
4 Voir le journal Libération du 23/9/2006 et le livre de Meddeb paru au Seuil, La maladie de l’islam.